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BULLETIN NO 31 MARS 2011
Le Forum social mondial, 10 ans d'action et de questionnement
En février se tenait à Dakar, la dernière édition du Forum social mondial. Parce qu'il se situait sur le continent africain, ce Forum avait sa « couleur locale » que Raphaël Canet nous présente dans un premier article. Pour nous permettre de mesurer le chemin parcouru, et parce que le Forum social mondial fêtait cette année 10 ans d'existence, Robert Jasmin nous raconte sa participation au 1er sommet de Porto Allegre en 2001. Dans un dernier article, Cédric Leterme, questionne les enjeux et les défis de cet événement qui rassemble, année après année, ceux qui partout dans le monde militent pour un monde axé sur la solidarité, la justice et l'égalité.
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Par Raphaël Canet (UNIAlter)
Avec la collaboration de Janet Conway (Brock University) et Pascale Dufour (Université de Montréal)
Du 6 au 11 février s'est tenue à Dakar la dernière édition du Forum social mondial (FSM). Il a rassemblé plus de 70 000 participants provenant de 143 pays. Plus de mille activités étaient inscrites au programme par 1200 organisations de la société civile mondiale. Près de 150 Québécoises et Québécois rassemblés en plusieurs délégations étaient présents à Dakar.
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Par Robert Jasmin
À toute personne intéressée par le contenu et le bilan du premier FSM de 2001, je suggère la lecture du texte « L'appel de Porto Alegre » que l'on retrouve facilement sur internet. Ce serait une façon de mesurer le chemin parcouru depuis dix ans et l'impact qu'a eu cet appel à une mobilisation des mouvements sociaux. Mais le présent texte se réclame plus de la petite histoire telle que je l'ai vécue. Petite, mais souvent très éclairante pour mieux comprendre la grande.
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Par Cédric Leterme
Le 11 février dernier s'est conclue à Dakar, au Sénégal, la onzième édition du Forum Social Mondial, rendez-vous annuel, à l'échelle internationale, des mouvements sociaux en quête d'alternatives. De retour en terre africaine après 3 ans d'absence, l'événement s'est inscrit, cette année encore, dans un contexte de crise généralisée du système capitaliste. L'urgence de construire cet autre monde, dont on nous assure depuis plus de 10 ans qu'il est possible, se fait chaque jour plus pressante, mais paradoxalement, au moment où le système qu'il combat semble en passe de succomber sous le coup de ses propres contradictions, le FSM donne certains signes d'essoufflement, qui en amènent plus d'un à s'interroger sur son avenir. Entre les pessimistes prêts à jeter le bébé avec l'eau du bain et les rêveurs qui refusent de voir les limites, bien réelles, du processus, la réalité se situe probablement à mi-chemin.
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Le FSM 2011 à Dakar : entre errance et créativité militante
Par Raphaël Canet (UNIAlter)
Avec la collaboration de Janet Conway (Brock University) et Pascale Dufour (Université de Montréal)
Du 6 au 11 février s'est tenue à Dakar la dernière édition du Forum social mondial (FSM). Il a rassemblé plus de 70 000 participants provenant de 143 pays. Plus de mille activités étaient inscrites au programme par 1200 organisations de la société civile mondiale. Près de 150 Québécoises et Québécois rassemblés en plusieurs délégations étaient présents à Dakar.
Fêtant cette année ses 10 ans d'existence, le FSM de Dakar a permis d'intégrer de nouvelles problématiques dans la réflexion sur l'autre monde à construire, mais aussi de dégager plusieurs pistes d'actions communes. En effet, si beaucoup de thématiques ont été traitées à Dakar, la plus grande originalité de cette édition 2011 du FSM fut sans nul doute la tenue des 38 assemblées de convergence, les deux derniers jours du forum, afin de coordonner les luttes mondiales sur différents terrains. La question de la lutte aux changements climatiques et les mobilisations entourant les prochains sommets internationaux sur ces enjeux ont été discutées, en regard de la notion de justice climatique promue par les peuples autochtones d'Amérique latine et le gouvernement bolivien. La problématique des migrations dans le contexte de mondialisation en lien avec la nécessité de repenser les frontières a aussi retenu l'attention. De même que les enjeux liés à la souveraineté alimentaire et l'accaparement des terres à des fins de culture d'exportation ou de biocarburants. Ont aussi été abordés les thèmes de l'émancipation des femmes, de la dette et des stratégies de sortie de crise du capitalisme, du renforcement de l'économie sociale et du commerce équitable, de la préservation de l'eau et des ressources naturelles, de la lutte contre les accords de partenariat économique en Afrique, des mobilisations contre les prochains sommets du G8/G20...
Le FSM revenait pour la troisième fois sur le continent africain. Dakar 2011 fut ainsi un moment privilégié pour évaluer l'enracinement de la mouvance altermondialiste sur ce continent. La grande marche d'ouverture du FSM qui a rassemblé plus de 70 000 personnes (selon les estimations de la police rapportées par les médias locaux), phénomène peu commun au Sénégal, a donné le ton. L'espoir et la ferveur populaire étaient au rendez-vous de ce FSM. Plus de 90 % des personnes qui formaient cette marche d'ouverture étaient africains, beaucoup provenaient de mouvements populaires et la plupart de la région d'Afrique de l'Ouest. Certes, il y eut des participants de tous les continents, mais ce forum fut avant tout un forum africain dans sa composition. Et si on compare avec les chiffres de la participation aux précédentes éditions du FSM tenues en Afrique (10 000 personnes au forum polycentrique de Bamako en 2006 et autour de 50 000 au FSM de Nairobi en 2007), cela témoigne d'une certaine forme d'enracinement, ou du moins d'appropriation du processus des forums sociaux sur le continent africain.
Mais ce qui a surtout retenu l'attention lors de cette édition 2011 du FSM ce furent les défis logistiques liés à l'absence de programme et à la non-disponibilité des locaux. Le site de l'Université Cheik Anta Diop, où se déroulait l'événement, ne fut finalement pas entièrement mis à la disposition du FSM. Les cours qui devaient être levés ne l'ont pas été, le rectorat, à la dernière minute, n'ayant pas respecté ses engagements vis-à-vis les organisateurs. Ainsi, beaucoup des participants auront passé leurs journées à chercher, en vain, un lieu ou une activité. Cette errance militante aurait pu se transformer en colère collective, contre le rectorat, contre l'organisation, contre le FSM... Or, après une première journée extrêmement déroutante, les choses se sont plus ou moins placées, mais pas du tout là où on les attendait. Autrement dit, il ne s'est pas rien passé à Dakar, bien au contraire, beaucoup d'ateliers et de conférences ont eu lieu. Les défis logistiques ont forcé la créativité militante.
Plusieurs, participants ont vite compris que le fonctionnement classique programme-horaire-salle serait improbable dans le contexte particulier de ce FSM de Dakar. Dans ces circonstances, nombreux ont choisi de ne plus partir en quête de l'atelier ou de la thématique précise qu'ils voulaient a priori voir, et de simplement se promener sur le site du FSM et de s'arrêter au hasard des rencontres. D'autres participants, organisateurs d'ateliers, ont pris les choses en main : en s'appropriant un espace, déterminant un horaire, publicisant ses activités, fabriquant ses propres affiches et même en recrutant des participants dans les allées du campus.
La désorganisation logistique a donc stimulé la créativité militante à Dakar, sans pour autant empêcher l'apparition de nouveaux défis relatifs à l'inclusion, la participation et l'expression de tous dans l'espace du FSM. Mais il convient aussi de noter que, à Dakar plus qu'ailleurs, des rencontres improbables entre des individus et des échanges spontanés entre groupes se sont tenus. À force de chercher leur chemin, les participants se sont parlé. Ils ont souvent commencé par partager leur découragement, puis, au fil de la conversation, une discussion s'est engagée que ce soit sur le militantisme, la nécessité d'un autre monde, les alternatives au capitalisme, ou encore sur d'éventuels projets communs au fil de la découverte de nouvelles affinités. Dans quel lieu, autre qu'un forum social mondial, pouvons-nous discuter politique durant une semaine avec à peu près toutes les personnes que nous rencontrons et avec une telle diversité de provenance ?
Le contexte spécifique du FSM 2011 a donc fortement stimulé les échanges inter-individuels, et ce dans une perspective inter-culturelle. Là aussi, nous touchons l'une des originalités fécondes des forums sociaux mondiaux. Le fait de rassembler dans un même espace et pour une durée limitée cet ensemble fort disparate de militants permet de nouer des liens entre des participants qui nourrissent des préjugés positifs les uns vis-à-vis des autres et qui veulent avant tout se connaître et échanger pour mieux comprendre la diversité des luttes sociales et des défis qui traversent le monde. Dans cette perspective, l'engagement social et l'activisme pratiqués au niveau global des FSM stimulent un riche dialogue et permettent de bâtir des ponts. Cette dernière caractéristique ne fut pas spécifique à Dakar et a pu être expérimentée dans la plupart des FSM qui se sont tenus depuis 2001, que ce soit en Amérique latine, en Asie ou en Afrique. Cependant, l'intensité inédite des échanges interindividuels a aussi fortement stimulé ces dialogues interculturels.
En conclusion, soulignons les premières évaluations à chaud des organisateurs africains qui se concentraient sur les effets locaux et régionaux de l'organisation de cet événement. En quoi la tenue d'un tel événement mondial pouvait-elle fournir un levier pour les mouvements sociaux locaux afin de faire pression sur leurs régimes politiques respectifs ? Sur ce point, le fait que Morales, président bolivien en exercice, soit présent constituait un élément crucial de réussite pour l'Afrique. Il est en effet perçu comme le symbole de « l'impossible qui devient possible ». Par ailleurs, le fait que plus de dix forums sociaux se soient tenus dans la région du Maghreb avant l'éclosion du printemps arabe, sans pour autant postuler un lien direct de cause à effet entre les deux séries d'événements, témoigne néanmoins d'une profonde transformation du contexte et de l'action politique. Dans cette perspective, le FSM apparaît comme un stimulateur du changement social.
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Le premier Forum Social Mondial en mémoire
Par Robert Jasmin
À toute personne intéressée par le contenu et le bilan du premier FSM de 2001, je suggère la lecture du texte « L'appel de Porto Alegre » que l'on retrouve facilement sur internet. Ce serait une façon de mesurer le chemin parcouru depuis dix ans et l'impact qu'a eu cet appel à une mobilisation des mouvements sociaux. Mais le présent texte se réclame plus de la petite histoire telle que je l'ai vécue. Petite, mais souvent très éclairante pour mieux comprendre la grande.
À trois semaines du début du premier Forum social mondial, je ne savais pas que je m'y rendrais. ATTAC-Québec, alors un mouvement naissant, ne disposait pas de fonds suffisants pour financer un tel voyage au Brésil. Mais si ATTAC n'était pas très connue, certains de ses adhérents avaient un passé militant qui leur ouvrait les portes des groupes plus fortunés. C'est ainsi qu'à la dernière minute nous avons pu compter sur l'aide du syndicat des Métallos et j'ai pu m'envoler pour Porto Alegre. Le réseau international d'ATTAC m'avait mis en contact avec des militants du PT (Parti des Travailleurs) qui m'ont reçu et hébergé pendant la durée du séjour.
Première surprise : au lieu des 3000 personnes espérées par les groupes organisateurs, nous nous sommes retrouvés plus de 11,000 malgré le silence radio des grands médias qui n'avaient d'antenne que pour l'autre Forum, celui de Davos qui se déroulait aux mêmes dates. Incidemment, il est intéressant d'établir un parallèle entre les deux : d'une part, quelque 2000 hommes, blancs, riches, du Nord qui avaient rendez-vous pour mettre à jour leurs politiques économiques et les dicter à des politiciens dociles et d'autre part, des milliers d'hommes et de femmes représentant tous les secteurs de l'activité humaine et venus de tous les continents pour échanger sur une autre manière de considérer l'économie et d'imaginer les voies à prendre pour réaliser un autre monde, plus juste.
Cet autre monde prenait forme dans la réalité d'un parc où la ville de Porto Alegre avait permis que soit érigé un véritable village autogéré, le Campement de la jeunesse : aussitôt arrivés des différents pays, les participants recevaient un emplacement pour y monter leur tente dans le cadre d'un développement qui s'étendait au fur et à mesure des arrivées. Des rues étaient créées et nommées par les occupants des différents quadrilatères et des comités de gestion de ces « quartiers » devaient se réunir à la première occasion pour voir à l'implantation des services alimentaires, sanitaires et autres. Du centre des communications émanaient des textes dont la qualité a contribué à la renommée de ce premier forum social.
Le premier problème auquel les militants étaient confrontés était celui du choix à faire parmi les centaines d'ateliers et de conférences offerts aux participants : comment choisir entre une conférence de Noam Chomsky et un atelier animé par Walden Bello ou Susan George ou la présentation d'un film sur le mouvement des Sans-terre ? Tous les locaux de l'université, petits et grands étaient occupés en permanence par des participants et des traducteurs bénévoles. Faute de places, le gouvernement local a même mis le gymnase de l'armée à la disposition des participants. Des conférences ont été données dans des entrepôts du port de la ville, vidés pour l'occasion : la marchandise faisait place aux idées.
En marge de la programmation officielle, de nombreuses rencontres de toutes sortes ont été favorisées par le seul fait de se retrouver dans la même ville. Ce fut l'occasion pour les membres des différents réseaux de se côtoyer et d'échanger sur les problèmes, solutions et stratégies des uns et des autres. Nous découvrions qu'à des degrés divers, les mêmes politiques néolibérales avaient produit les mêmes effets. Les remèdes globaux faisaient donc facilement l'objet de consensus.
Par ailleurs je ne saurais minimiser l'importance qu'a eu ce premier forum social sur l'approfondissement des relations entre les participants québécois. Venus d'horizons militants souvent très différents avec des agendas tout aussi différents, nous nous retrouvions avec des plages horaires libres pour échanger en dehors de toute contrainte, ce que la vie militante au Québec ne nous permettait pas facilement.
Mais, il va sans dire que le fait de vivre ces journées de forum social dans un contexte militant étranger était source d'enseignements très particuliers et quelquefois inattendus. Un exemple l'illustre très bien : habitant chez des militants du PT, j'ai pu, à l'occasion, les accompagner dans leurs activités politiques et entre autres, lors d'une grande opération de financement. Voici comment ils procèdent : une fois par année, un dimanche soir, tous les militants et militantes de la région prennent d'assaut les restaurants de la ville qui ont conclu une entente avec le parti. D'une part, les membres du parti s'accordent pour choisir ce dimanche soir en particulier pour se rencontrer et manger. D'autre part, les restaurateurs s'engagent à verser 15 % de leurs recettes de ce soir-là au parti. Il ne s'agit pas nécessairement de restaurateurs de gauche, peu s'en faut, mais tous conviennent que le dimanche soir, ils peinent à faire leur frais et la perspective de voir leur restaurant se remplir les ravit. Et alors que j'étais attablé avec mes amis dans un de ces établissements, ceux-ci m'ont demandé de les suivre pour saluer un militant qu'ils connaissaient à une autre table. C'est ainsi que j'ai rencontré et serré la main de celui que mes amis ont identifié comme le futur président du Brésil, un certain Ignacio Lula da Silva.
Je termine mon bref tour de mémoire par une anecdote à saveur culturelle. Presque tous les soirs de la durée du forum, des centaines de participants se donnaient rendez-vous Rua da Republica pour discuter, boire et manger aux terrasses des cafés dont les chaises et tables empiétaient largement sur la chaussée. Au fil des heures notre table pour quatre s'était adjointe à trois autres et nous nous sommes retrouvés douze ou treize personnes à faire connaissance et à décliner nos nationalités à tour de rôle. Quand j'ai dit que j'étais québécois, un des convives, un américain de Washington, s'exclama : « Québécois ! ? Mais je connais une chanson québécoise ! » et cet homme de s'exécuter. Tous ont donc pu entendre un américain, oui, un américain ! chanter Je voudrais voir la mer. Au-delà de la portée historique et politique de cette première grande rencontre citoyenne mondiale, c'était ça aussi le Forum social mondial de 2001 !
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Où en est le Forum social mondial ?
Par Cédric Leterme
Le 11 février dernier s'est conclue à Dakar, au Sénégal, la onzième édition du Forum Social Mondial, rendez-vous annuel, à l'échelle internationale, des mouvements sociaux en quête d'alternatives. De retour en terre africaine après 3 ans d'absence, l'événement s'est inscrit, cette année encore, dans un contexte de crise généralisée du système capitaliste. L'urgence de construire cet autre monde, dont on nous assure depuis plus de 10 ans qu'il est possible, se fait chaque jour plus pressante, mais paradoxalement, au moment où le système qu'il combat semble en passe de succomber sous le coup de ses propres contradictions, le FSM donne certains signes d'essoufflement, qui en amènent plus d'un à s'interroger sur son avenir. Entre les pessimistes prêts à jeter le bébé avec l'eau du bain et les rêveurs qui refusent de voir les limites, bien réelles, du processus, la réalité se situe probablement à mi-chemin.
Retour sur des débuts prometteurs
Lorsqu'une dizaine de milliers de personnes se réunissent à Porto Alegre, en 2001, pour essayer d'unir, au-delà des frontières, les volontés de résistance face aux ravages de la globalisation néolibérale, un espoir gigantesque nait de ce désir de prouver qu'un « autre monde est possible ». Deux ans après des débuts remarqués à Seattle (1), l'altermondialisme dispose ainsi désormais d'une structure dédiée à la recherche, à la mise en commun et à la pratique concrète d'alternatives. La date retenue pour l'organisation de ce premier Forum Social Mondial n'a rien d'anodin. Au même moment, en Suisse, dans la petite station alpine de Davos, se tient le très sélect Forum Économique Mondial, réunissant chaque année la « crème » de l'élite financière, industrielle et politique internationale. Face à ce « cocktail » élitiste à la légitimité douteuse, le FSM se veut au contraire un espace de dialogue démocratique et participatif, ouvert à tous les secteurs de la société civile internationale en lutte pour un monde plus juste. Très vite, le mouvement prend de l'ampleur. Si la seconde édition rassemble déjà 50 000 personnes, ils seront plus de 100 000 l'année suivante ! Les différentes régions du monde y sont, par ailleurs, de mieux en mieux représentées avec des délégations provenant de tous les continents (Amérique, Afrique, Asie, Europe) et couvrant une gamme de plus en plus large de luttes sociales (syndicales, féministes, écologiques, etc.). Après trois années passées à Porto Alegre, le FSM lui-même s'internationalise. De Mumbay (2004) à Belem (2009), en passant par Nairobi (2007), il parcourt désormais le monde, en ayant pris soin de semer ici et là des branches locales, nationales, continentales, etc. Il existe ainsi aujourd'hui une multitude de forums sociaux (Forum social québécois, Forum social européen, Forum social africain,...), qui articulent les résistances à différentes échelles. Cette coordination et cette mise en commun sans précédent des résistances à travers le monde sont sans aucun doute le principal accomplissement du FSM depuis toutes ces années, et il est de taille.
La rançon du succès
Mais une telle croissance ne pouvait manquer de susciter des débats autour de l'avenir de la structure, de ses objectifs, de ses limites, etc. Outre les enjeux entourant les aspects organisationnels (par exemple comment parvenir à s'assurer que le fonctionnement du FSM soit en cohérence avec ses principes (2)), la question de son utilité même est de plus en plus évoquée. En effet, le prix à payer pour parvenir à réunir une gamme aussi large de mouvements sociaux a été d'entretenir un certain flou quant au projet défendu, exprimé notamment dans le refus d'adopter une déclaration commune à la fin de chaque événement. On peut comprendre la crainte des organisateurs de se voir accuser de chercher à synthétiser un altermondialisme dont la diversité est justement une des forces principales, pour prétendre ensuite s'en faire le représentant « officiel ». La clé de voute du processus doit rester une démarche aussi inclusive que possible, ce qui passe nécessairement par la reconnaissance et le respect de la multiplicité des luttes et des stratégies.
Cela étant, de plus en plus de participants et d'observateurs, à l'image d'Olivier Bonfond du CADTM-Belgique (3), estiment qu'il faut « se situer beaucoup plus dans la construction que dans la « vitrine » de l'alternative ». Selon lui, « [l]e débat, l'analyse et l'élaboration des alternatives sont des étapes nécessaires, mais elles doivent aboutir à des actions concrètes » sous peine de multiplier des rencontres « agréables, mais stériles »... Après plus de 10 ans d'existence et face à un ennemi affaibli certes, mais toujours redoutable, il est plus que temps pour le FSM d'entendre cet appel. Il faut toutefois reconnaitre que des efforts ont été faits dans ce sens pour organiser, par exemple, des convergences mondiales sur des enjeux spécifiques (opposition à la guerre en Irak, conférences climatiques). La mise sur pied du Conseil international (4) a par ailleurs permis au FSM de se doter d'une structure à même de lui assurer une plus grande cohérence et une régularité, même si elle est loin d'avoir résolu tous ses problèmes de fonctionnement. Il s'agit donc d'évolutions encourageantes, mais qui doivent impérativement être approfondies.
N'en attendre ni trop, ni trop peu...
Les défis sont donc nombreux, aussi bien en interne qu'à l'extérieur du processus, mais il serait toutefois injuste de faire payer à ce dernier le prix de notre impatience à les voir surmontés. Une alternative réelle ne se décrète pas. Elle se construit, elle s'expérimente, avec tout ce que cela implique de frustrations et de contradictions. L'apport immense du FSM tient avant tout dans son existence même et dans ce qu'elle représente en termes d'apprentissage et de pratique de la coordination au niveau mondial. La pire erreur serait probablement d'en attendre trop, trop vite et d'en sacrifier le potentiel émancipateur sur l'autel de l'efficacité. Mais il serait tout aussi inconscient de se satisfaire naïvement de ce qui a été accompli jusqu'à présent. On ne peut se payer le luxe de l'autosatisfaction. Les enjeux sont trop importants, comme nous le rappelle tous les jours le triste spectacle de l'actualité. Reste alors la seule option possible : continuer à avancer. À tâtons certes, mais résolument, et en s'assurant qu'on ne se trompe pas de chemin...
(1) : En 1999, lors d'une conférence ministérielle de l'OMC à Seattle, des manifestations monstres bloquent la réunion et entrainent son ajournement. Cet événement spectaculaire est l'une des premières victoires de taille de ce que l'on désignera par la suite comme le mouvement altermondialiste.
(2) : À cet égard, les nombreux dysfonctionnements observés lors du FSM de Nairobi en 2007 ont servi de signal d'alarme (frais de participations trop élevés qui ont empêché de nombreux Kenyans d'y avoir accès, accords douteux passés avec des firmes privées pour l'approvisionnement en nourriture, sources de financement et gestion des fonds dénoncées pour leur opacité).
(3) : Olivier Bonfond, « Altermondialisme ou barbarie ? », 20 décembre 2009.
(4) : Pour une brève description du Conseil International du FSM, voir : www.crid.asso.fr/spip.php?site110.
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