Attac Québec est parmi les signataires de cette lettre envoyée au gouvernement fédéral. Elle dénonce le fait que le Canada «n’ait pas approuvé une proposition à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) visant à rendre les vaccins, les traitements et les technologies liés à la COVID-19 plus abordables et plus facilement accessibles à tous les pays…» et demande au Canada de «participer à l’effort mondial visant à sauver des vies, et non y faire obstacle».
La lettre envoyée :
Le très honorable Justin Trudeau, C.P., député
Premier ministre du Canada
Objet: Pourquoi le Canada bloque-t-il l’effort mondial contre la COVID-19 ?
Monsieur le Premier Ministre,
Depuis le début de la pandémie, les dirigeants du monde entier n’ont cessé de parler de la nécessité d’une solidarité mondiale pour nous aider à traverser cette crise sanitaire unique en son genre. Vous étiez l’un des premiers à demander l’égalité d’accès aux technologies de santé pour combattre la COVID-19 dans le monde entier. Mais au fil du temps, les appels à l’unité ont été suivis par un manque d’engagement décevant de la part de nombreux pays riches, incluant le Canada.
Le fait que le Canada n’ait pas approuvé une proposition à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) visant à rendre les vaccins, les traitements et les technologies liés à la COVID-19 plus abordables et plus facilement accessibles à tous les pays est un exemple flagrant de ce décalage entre l’acte et la parole.
En octobre 2020, l’Afrique du Sud et l’Inde ont fait une proposition conjointe visant à déroger temporairement à certaines obligations de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l’OMC jusqu’à ce que la situation d’urgence sanitaire soit réglée. Cette dérogation signifierait que les membres de l’OMC n’auraient pas à accorder ou à faire respecter les brevets et autres droits de propriété intellectuelle couvrant les médicaments, les vaccins, les diagnostics et d’autres technologies telles que les masques et les ventilateurs dédiés au traitement de la COVID-19.
Cette proposition de dérogation n’est pas une panacée. Mais une fois ces barrières et restrictions éliminées, les États membres de l’OMC et la communauté scientifique pourront continuer à travailler au développement et à la distribution de nouveaux tests de dépistages, vaccins, médicaments et fournitures médicales, sans craindre les risques de litiges et les sanctions commerciales prévues par l’Accord sur les ADPIC.
À l’heure actuelle, la technologie et les connaissances en matière de vaccins sont gérées comme des propriétés privées par les compagnies pharmaceutiques, bien qu’elles soient financées en grande partie par de l’argent public, à raison de 100 milliards de dollars. Alors que les communautés du monde entier s’adaptent à la « nouvelle normalité » de la pandémie, les sociétés pharmaceutiques continuent de faire leurs affaires comme si de rien n’était. Grâce à leurs droits exclusifs et à leurs monopoles protégés par l’OMC, les sociétés pharmaceutiques sont en mesure de charger des prix plus élevés et ainsi limiter la concurrence des produits génériques. Il a été démontré à maintes reprises que cette concurrence était essentielle pour faire baisser les prix à un niveau accessible, en particulier pour les pays à faibles et moyens revenus.
Dans le contexte de l’urgence sanitaire actuelle de la COVID, il en résulte que les pays riches comme le Canada obtiennent des contrats privés avec les fabricants de vaccins, alors que de nombreux pays en développement n’ont toujours pas vu l’ombre d’une dose de vaccin. Alors que le Canada a commandé suffisamment de doses des différents vaccins disponibles pour inoculer l’ensemble de sa population à plusieurs reprises, il est estimé qu’un cinquième de la planète n’aura pas accès aux vaccins avant 2022. La proposition faite à l’OMC de suspendre temporairement certaines restrictions de l’Accord sur les ADPIC contribuerait à limiter les obstacles et à augmenter la fabrication et l’accès à des fournitures médicales vitales dans le monde entier. Le Canada a maintenu qu’il n’a pas rejeté cette proposition. Mais le Canada n’a pas non plus dit oui, se joignant à l’Australie, au Brésil, à l’Union européenne, au Japon, à la Norvège, à la Suisse, au Royaume-Uni et aux États-Unis pour faire obstruction à la dérogation au Conseil des ADPIC de l’OMC.
Le Canada affirme à tort que les flexibilités existantes dans l’Accord sur les ADPIC, telles celles concernant la délivrance de licences obligatoires pour la fabrication de médicaments brevetés, affirmées dans la déclaration de Doha de 2001 sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique, sont suffisantes. Cependant, comme l’ont souligné Médecins sans frontières et d’autres organisations de plaidoyer sur les enjeux de santé, ces flexibilités ne sont accessibles qu’au cas par cas, ce qui peut prendre des années à régler avec les entreprises détentrices de brevets ou les gouvernements étrangers. Pour endiguer la COVID-19, il faut que les produits soumis à des revendications et à des restrictions exclusives en matière de brevets et d’autres droits de propriété intellectuelle deviennent accessibles et abordables dès maintenant.
En février, plus de 400 organisations aux États-Unis ont demandé au président Joe Biden de soutenir cette dérogation au Conseil des ADPIC. Plus de 100 organisations de la société civile ont demandé au Parlement européen de la soutenir également, tout comme de nombreux parlementaires européens. Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé appelle les États membres, dont le Canada, à soutenir cette dérogation. Les organisations de la société civile et les syndicats canadiens lancent des appels similaires depuis des mois.
La pandémie de COVID-19 est la plus grave crise sanitaire et économique mondiale des dernières décennies. Au Canada et dans le monde entier, le virus a touché de manière disproportionnée les femmes, les travailleurs et travailleuses migrants et à faibles salaires, les personnes racisées et marginalisées. Des millions de vies ont été perdues à cause de ce virus.
Tout le monde, à travers le monde, doit être préservé contre cette pandémie le plus rapidement possible. Le Canada doit participer à l’effort mondial visant à sauver des vies, et non y faire obstacle. Nous appelons le gouvernement canadien à soutenir la dérogation dès maintenant.
Signé :
Trade Justice Network
Amnistie internationale Canada francophone
Amnesty International Canada
Canadian Centre for Policy Alternatives (CCPA)
United Steelworkers (USW)
Group of 78
National Farmers Union
National Union of Public and General Employees (NUPGE)
Unifor
MiningWatch Canada
Syndicat de la fonction publique (SCFP)
HIV Legal Network
CWA Canada, The Media Union
Canadian Health Coalition
Public Service Alliance of Canada
Trade Justice PEI
Grandmothers Advocacy Network
Canadian Jesuits International
Interagency Coalition on AIDS and Development
Canadian AIDS Society
Action Canada for Sexual Health and Rights
KAIROS: Canadian Ecumenical Justice Initiatives | Initiatives œcuméniques Canadiennes pour la justice
Canadian Aboriginal AIDS Network
Canadian Federation of Nurses Unions
Ministry for Social Justice, Peace, and Creation Care with the Sisters of St. Joseph of Toronto
Jesuit Refugee Service – Canada
Jesuit Forum for Social Faith and Justice
Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC)
Congress of Union Retirees of Canada
Attac Québec
Canadian Coalition for Global Health Research / La Coalition Canadienne pour la recherche en santé mondiale
Council of Canadians | Le Conseil des Canadiens
Friends of Medicare
Canadian Society for International Health / Société canadienne pour la santé internationale
The United Church of Canada | L’Eglise Unie du Canada
Hospital Employees’ Union
Centre Oblat • A Voice for Justice
Migrant Workers Alliance for Change
Copie à L’honorable Mary Ng, C.P., députée, Ministre de la Petite Entreprise, de la Promotion des exportations et du Commerce international, mary.ng@international.gc.ca et à L’honorable Marc Garneau, C.P., député, Ministre des Affaires étrangères, marc.garneau@parl.gc.ca
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