Informer pour permettre de choisir
Par Claude Vaillancourt
La campagne électorale bat son plein, et comme toujours, la politique spectacle l’emporte. Les médias cherchent constamment à nous signaler qui fait les bons et les mauvais coups, comme dans une compétition sportive. Les chefs de parti pensent d’abord et avant tout à leur image, lancent leur promesse quotidienne dans une mise en scène bien huilée, et évitent les sujets les plus controversés. Les questions abordées le sont en fonction de leur rentabilité électorale. Inutile de dire qu’en de pareilles circonstances, dans un pareil tourbillon, il est difficile de se pencher sur des questions plus fondamentales, celles que l’on pourrait pourtant comparer à la colonne vertébrale qui soutient un ensemble de décisions politiques.
Nous avons quant à nous décidé d’examiner, en toute neutralité, le programme des différents partis en ce qui concerne quatre aspects de la politique fédérale, des sujets liés bien sûr aux préoccupations d’ATTAC : le libre-échange, les paradis fiscaux, la taxe sur les transactions financières et l’environnement. Quelles sont donc les avancées que les partis prétendent faire en ces matières?
Première observation : les sites des différents partis politiques ne sont pas vraiment conçus pour qu’on y trouve facilement le genre d’informations que nous cherchions. On y admire l’image des chefs sous différents angles (sauf celle de Stephen Harper, curieusement absent du site des conservateurs), on vous invite à donner généreusement, on y retrouve les grandes lignes que l’on répète à tous les médias. Les promesses clés sont présentées sur des pages au joli design et qui ressemblent à de la publicité. Mais les programmes? Où se cachent-ils donc? Nos partis seraient-ils donc gênés de ce qu’ils ont à nous offrir?
Voici donc, malgré tout, quelques aspects que nous avons pu faire ressortir. Notre but, en réalisant ce travail, n’est surtout pas d’influencer le vote, mais d’apporter de l’information et de stimuler la réflexion, dans la mesure du possible, sur des sujets essentiels qui échappent trop souvent à l’éclairage des grands médias.
Dans cette course électorale, quelle est la position des partis politiques en matière de libre-échange ?
par Catherine Caron
Parti conservateur
La position des conservateurs est bien sûr archiconnue. Ce sont de traditionnels promoteurs du libre-échange tous azimuts au service des intérêts privés, qui se vantent d’avoir multiplié les ententes depuis qu’ils sont au pouvoir, incluant le très controversé accord Canada-Chine. Sourds aux demandes pour plus de transparence et de démocratie lors de telles négociations, ils ont conclu l’Accord économique et commercial global (AÉCG) entre le Canada et l’Union européenne en concédant plus qu’ils n’en ont obtenu en échange. Ils espéraient pouvoir présenter cet accord parmi leurs accomplissements, mais le débat que les élus et mouvements sociaux européens ont réussi à soulever au sujet du controversé mécanisme de règlement des différends (qui permet aux entreprises de poursuivre les États lorsqu’une loi ou réglementation leur nuit) retarde la ratification et l’entrée en vigueur de cet accord. D’aucuns jugent que ce sont de faibles négociateurs qui risquent fort de sacrifier ou affaiblir le système de gestion de l’offre en agriculture dans les négociations du Partenariat transpacifique. Les conservateurs experts en commerce ? Pas aux yeux des économistes Jim Stanford et Jordan Brennan qui indiquent que « depuis l’élection du gouvernement Harper en 2006, les exportations canadiennes ont à peine progressé (à un taux moyen de 0,3 % seulement par année). C’est de loin la pire performance d’un gouvernement depuis la guerre, et le Canada accuse maintenant d’importants déficits commerciaux annuels (étant donné que nos importations ont augmenté beaucoup plus rapidement que nos exportations) ». (Rhétorique et réalité : évaluer le bilan économique du Canada sous le gouvernement Harper, Unifor, 2015, p.19). On ne trouve rien sur les enjeux du libre-échange sur le site Web du parti en date du 1er septembre 2015.
Parti libéral
Du côté du Parti libéral du Canada, il est loin le temps où il s’opposait au libre-échange. Le parti appuie la majorité des accords actuels et en négociation, indiquant sur son site Web qu’un « gouvernement libéral viserait à redynamiser la coopération en diminuant les entraves aux échanges et au commerce entre nos pays – y compris en améliorant les infrastructures frontalières, en simplifiant l’inspection du fret, et en facilitant la circulation des personnes ». Il exige par contre la protection du système de gestion de l’offre, menacé par le Partenariat transpacifique, seul enjeu lié au libre-échange qui s’impose dans la présente campagne électorale, le secteur agricole disposant d’un fort lobby. Il veut un nouveau sommet trilatéral avec les États-Unis et le Mexique et la signature d’une entente sur les énergies propres et l’environnement. Dans le cas d’accords avec des pays au bilan accablant en matière de droits humains, comme avec la Colombie, il a exigé/proposé en commission parlementaire diverses mesures visant à prendre en compte la situation de ces droits et des droits des travailleurs dans le cadre des négociations. Mais comme il considère généralement que le libre-échange est une voie d’amélioration des droits humains, ce qui est contestable, il a fini par donner son appui dans ce cas comme dans d’autres, en acceptant des mesures jugées insuffisantes par la majorité des opposants et défenseurs de ces droits.
Nouveau parti démocratique
Le Nouveau parti démocratique (NPD) a longtemps été un féroce opposant aux traités de libre-échange, au nom de la sauvegarde des services publics et du respect de la souveraineté et de la démocratie notamment. Cette position a toutefois changé et est devenue plus ambiguë sous le règne de Thomas Mulcair. Ainsi, le NPD se montre désormais favorable à des ententes jugées acceptables avec certains pays (ceux d’Europe par exemple comme dans l’AÉCG), tandis qu’il se montre très critique concernant des traités controversés avec la Chine, la Colombie, le Honduras, par exemple. Dans le cas de l’AÉCG, il exige surtout plus de débat et de transparence dans les négociations et de voir les textes finaux (que des fuites ont pourtant largement révélés) pour pouvoir finaliser sa position. Conformément à ce que le parti a adopté comme position lors de son congrès à Montréal, en avril 2013, il n’est pas d’accord pour que l’AÉCG inclue un mécanisme de règlement des différends. Il veut aussi préserver le droit des municipalités et des entités provinciales d’utiliser les contrats publics comme outil de développement local, mais ne dit pas un mot à ce sujet dans la présente campagne alors que l’AÉCG menace bel et bien ce droit. Sous la pression du lobby agricole, il exige la protection de la gestion de l’offre dans le Partenariat transpacifique. On ne trouve rien sur les enjeux du libre-échange sur son site Web en date du 1er septembre 2015.
Parti vert
À l’heure actuelle, le Parti vert du Canada est sans doute l’opposant le plus ferme aux accords de libre-échange et d’investissement. Sa chef, Élisabeth May, a mené la bataille contre le traité Canada-Chine. La plate-forme électorale du parti, disponible sur son site Web, explique bien pourquoi il s’y oppose toujours, ainsi qu’au Partenariat transpacifique et à l’AÉCG Canada-UE. Pour lui, ces accords posent une sérieuse menace à notre souveraineté et à notre capacité de décider de nos lois et règlements, notamment en matière environnementale. «Les Verts collaboreront aussi avec les députés verts des gouvernements du monde entier pour réclamer un examen global à grande échelle des tous les accords États/ investisseurs avec l’objectif de les revoir et de les améliorer pour rééquilibrer les droits démocratiques et réduire le contrôle des multinationales.» Cette page de son site Web, avant la campagne électorale, dévoile aussi sa vision sur ces enjeux.
Bloc québécois
Comme le Parti québécois, le Bloc québécois estime qu’il serait mieux servi (s’il) si le Québec était indépendant et souverain et négociait lui-même ses ententes commerciales. C’est ce qu’il met de l’avant sur son site Web en date du 1er septembre 2015. En général, s’il est un parti favorable au libre-échange, le Bloc ne l’est toutefois pas aveuglément. Il exige transparence et débat démocratique et exprime des réserves concernant l’ouverture des marchés publics aux compagnies étrangères, par exemple. Mais il dit peu de choses sur ces enjeux actuellement, sauf en réponse aux pressions du lobby agricole pour exiger le maintien intégral du système de gestion de l’offre dans le cas du Partenariat transpacifique et un vote à ce sujet à la Chambre des communes. Le programme mis en ligne sur son site ne traite qu’un d’un seul enjeu en indiquant : « Dans le cadre de l’Accord de libre-échange avec l’Union européenne, que le Bloc Québécois développe davantage ses positions en matière d’agriculture, notamment en favorisant les coopératives de producteurs laitiers pour les quotas d’imposition de fromages fins et en favorisant aussi les compensations aux artisans fromagers.» (p.15 (1) ). Dans le cas de traités controversés avec des pays aux bilans accablants en matière de droits humains, comme la Colombie, le Bloc s’y oppose.
Notes
1 : http://www.blocquebecois.org/x/http://www.blocquebecois.org/wp-content/uploads/2015/08/Programme.pdf.
La taxe sur les transactions financières
par Claude Vaillancourt
Dire que la taxe sur les transactions financières (TTF) n’est pas un enjeu central de la présente campagne électorale est un euphémisme. Pourtant, c’est bien le gouvernement fédéral qui a le pouvoir de la promouvoir sur le plan international et même de l’appliquer à une échelle nationale, s’il la jugeait utile. Se trouve donc exclue du débat public l’une des mesures les plus audacieuses pour redistribuer la richesse et contrôler les marchés financiers.
Seul le Parti vert a inscrit un net appui à la TTF dans son programme : «Les députés verts feront de la taxe sur les transactions financières internationales une priorité dans les relations internationales.» Pédagogues, les Verts expliquent très bien la nécessité de cette taxe.
D’après nos recherches, aucun des autres partis n’affiche une prise de position récente à ce sujet, qui soit bien visible sur leur site ou dans leur programme. Il faut alors se référer à des déclarations antérieures, qui datent dans certains cas de plusieurs années.
En mars 1999, le Nouveau parti démocratique (NPD) avait réussi à faire adopter, avec l’appui des libéraux, une motion stipulant «[ q]ue, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait décréter une taxe sur les transactions financières de concert avec la communauté internationale. » Depuis ce temps, le parti ne semble pas avoir évolué et ne va pas tellement plus loin que ce vieil appui de principe.
Les conservateurs ont toujours rejeté fermement la TTF. Lors du G20 à Toronto en 2010, Stephen Harper et son ministre des finances Jim Flaherty étaient parmi les principaux adversaires de cette taxe, que plusieurs pays cherchaient alors à promouvoir. Cette opposition du Canada a largement contribué à mettre ce projet à l’écart.
Quant au Parti libéral et au Bloc québécois, silence radio pour le moment… La TTF est sans aucun doute l’un des grands sujets négligés de cette campagne, et il est dommage que le seul parti qui la soutienne très clairement ne semble pas, à l’heure actuelle, dans une bonne position pour faire élire de nombreux députés.
Lutte aux paradis fiscaux : que fera le Canada ?
par Roger Lanoue
Dans le contexte des élections fédérales prochaines, une des questions soulevées occasionnellement, mais jamais approfondie, est celle de la lutte à l’évasion fiscale à l’aide de législations internationales complaisantes.
Rappelons comme contexte que les banques canadiennes ont historiquement facilité sinon implanté des mesures créant des paradis fiscaux dans plusieurs pays des Caraïbes, et que les lois et règlements canadiens font du Canada un pays complaisant vis-à-vis des entreprises minières de la planète.
Le Parti conservateur a fait ses promesses il y plus de trois ans pour faire payer ceux qui maraudent leurs fortunes ou revenus de façon à éviter de payer leurs impôts. Le gouvernement actuel a donc entre autres encouragé la délation de fraudeurs, précisé certaines clauses définissant l’évasion fiscale, et ajouté au dernier budget $16 millions pour engager plus de vérificateurs contre les utilisateurs des paradis fiscaux. Les critiques du gouvernement font ressortir que la délation est utilisée surtout contre les fraudeurs de l’assurance emploi, que les précisions sur l’évasion fiscale en fait transforment certaines pratiques précédemment illégales en pratiques d’évitement fiscal légales, et que l’ajout de $16 millions compense très peu pour les coupures de $600 millions que l’agence Revenu Canada a subies sur les derniers deux ans.
Le Parti libéral résume sa position comme «lutter contre l’évasion fiscale internationale», ce qui laisse entendre qu’il ne faudra pas aller beaucoup plus vite que les autres pays en ce domaine…
Le Nouveau parti démocratique a fait du thème « Tous les Canadiens et les entreprises canadiennes doivent payer leur juste part » un de ses thèmes majeurs, repris par plusieurs candidats dans leurs circonscriptions respectives. Par exemple : «Chaque année, des Canadiens et des entreprises canadiennes ont recours aux paradis fiscaux pour éviter de payer leur juste part d’impôt. Selon une étude indépendante, le Canada perdrait de 5,3 à 7,8 milliards de dollars en revenus en raison du recours aux paradis fiscaux.Bien qu’il soit prouvé qu’un investissement au niveau des enquêtes sur les criminels à cravate est exceptionnellement rentable, les conservateurs s’entêtent à réduire le nombre d’enquêteurs à l’Agence de revenu du Canada.»
Le Bloc québécois a historiquement pris position sur le scandale des paradis fiscaux, mais récemment ne fait que mentionner dans la liste de ses engagements « éliminer le recours aux paradis fiscaux »
Le Parti vert est généralement explicite sur le sujet. Chaque candidat peut présenter l’angle qu’il juge approprié. Par exemple : «Le gouvernement fédéral justifie les vagues de coupures sur le dos de l'équilibre budgétaire, alors qu'il est directement responsable de bien des points de déséquilibre (ou «équilibre artificiel»). Il n’y a pas douze mille solutions: récupérer les sommes astronomiques perdues dans les méandres de l'évitement fiscal des entreprises. Des milliards échappés qui pèsent si lourd face aux millions «économisés» sur le dos de notre identité culturelle.»
Une bonne occasion de faire le point avec les représentants des partis en lice sera le débat organisé par le collectif Échec aux Paradis Fiscaux (dont ATTAC Québec est membre, en collaboration avec le Devoir et la revue Liberté, lequel se tiendra à la Grande Bibliothèque de Montréal le 23 septembre prochain à 19h. Le débat sera aussi diffusé en direct sur le compte YouTube du site Échec aux Paradis Fiscaux.
C’est un rendez-vous !
Le défi du changement climatique : un enjeu invisible ?
par Dominique Bernier et Baptiste Godrie
De toute l'histoire de l'humanité, la lutte contre les changements climatiques constitue sans doute le plus grand défi que nous devrons surmonter collectivement. Alors que 2015 constitue une année charnière, avec la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP21) – aussi appelée Sommet de Paris – prévue en décembre, l'enjeu semble pratiquement absent de l'actuelle campagne électorale fédérale. ATTAC-Québec a procédé à une analyse des principales propositions mises de l'avant par les partis fédéraux en la matière.
Parti conservateur du Canada
Le site de campagne du Parti conservateur du Canada ne contient aucune plate-forme de propositions relatives aux enjeux climatiques. Dans son dernier Énoncé de politique officiel, datant de novembre 2013, le PCC tend à opposer protection de l’environnement et prospérité économique, comme si la première ne pouvait mener une société à la seconde : « Nous croyons que le gouvernement a la responsabilité d’assurer l’équilibre entre les valeurs parfois concurrentes que sont la protection de l’environnement et la création d’emplois. » Dans ce même document, le PCC met de l’avant l’importance de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Il entend également « promouvoir les énergies de remplacement (éolienne, solaire, géothermique), les combustibles de transition (biodiesel, éthanol, gaz naturel) » sans pour autant expliquer quelles sont ses cibles ni comment il souhaite procéder.
En mai dernier, les conservateurs ont annoncé que le Canada présenterait au sommet de Paris, en décembre 2015, un engagement de réduction de 30 % d’ici 2030 de ses émissions par rapport aux niveaux de 2005, sans plus de précision sur les moyens qu’ils souhaitent mettre en œuvre pour parvenir à cet objectif. Rappelons que, lors de la signature du Protocole de Kyoto, le Canada s'est engagé à réduire ses émissions de 6 % en dessous des niveaux de 1990 au cours de la période 2008-2012, mais que ce plan a été abandonné au cours des premières semaines de la prise de pouvoir du gouvernement Harper en 2006 et que, durant la période allant de 2008 à 2012, les émissions ont augmenté de 30 % par rapport aux engagements de Kyoto. Le PCC est également en faveur des projets d’oléoduc Enbridge et Énergie Est, ainsi qu’en faveur de l’exploitation des sables bitumineux et du transport du pétrole par train.
Parti vert du Canada
Le PVC est un des seuls partis politiques fédéraux à parler ouvertement des « limites à la croissance » fondées sur les capacités limitées de la planète. Dans son document de campagne intitulé Vision verte il présente des propositions argumentées, claires et détaillées pour réduire notre dépendance au pétrole et limiter les bouleversements climatiques.
Le PVC souhaite faire du Canada un leader dans le domaine des négociations internationales sur les émissions de gaz à effet de serre en proposant de réduire les émissions canadiennes de 40 % en dessous des niveaux de 2005 d’ici à 2020, puis de 80 % d’ici 2050, avec un objectif d’élimination des carburants fossiles au Canada d’ici 2050. Pour atteindre cet objectif ambitieux, il propose, entre autres, de miser sur les énergies renouvelables, de soumettre les bâtiments à des normes environnementales plus strictes, de soutenir l’agriculture biologique et d’investir dans les transports collectifs.
Le PVC souhaite financer ces investissements en instaurant notamment une gamme complète de taxes « pollueur-payeur », y compris une taxe nationale sur les émissions carboniques afin de réduire le recours aux combustibles fossiles.
Le PVC s’oppose aux projets d’oléoduc Enbridge et Énergie Est et souhaite mettre fin aux subventions versées aux compagnies de pétrole, de charbon et de gaz produit par la houille. Il n’est pas opposé au transport de pétrole par voie ferroviaire, mais souhaite des règlements plus stricts pour assurer leur transport de manière sécuritaire.
Enfin, le PVC est également un fervent critique des subventions accordées aux compagnies dans le secteur de l’énergie nucléaire et s’oppose à l’énergie nucléaire en raison de ses coûts économiques et environnementaux, et de la menace qu’elle constitue à l’égard de la sécurité mondiale.
Parti libéral du Canada
Le premier objectif du Parti libéral du Canada annoncé dans son document de campagne consacré à l’environnement, intitulé Du vrai changement. Un nouveau plan pour l’environnement et l’économie du Canada est la lutte contre les changements climatiques et le développement d’emplois verts. Pour le PLC, une politique verte, réductrice de la pollution et de la quantité de gaz à effet de serre, est une opportunité de développement pour le secteur économique soutenu par les investissements de l’État dans les technologies vertes.
Le PLC souhaite que le Canada organise, dans les trois mois après la tenue du Sommet de Paris, une réunion des premiers ministres des provinces dans le but d’élaborer un cadre d’action pour lutter contre les changements climatiques et réduire les émissions de carbone au Canada. Le PLC souhaite également supprimer progressivement les subventions accordées à la production de combustibles fossiles, en vertu de l’engagement pris par le Canada au G-20. Notons que, malgré ces intentions, le PLC appuie à ce jour le projet d’oléoduc Énergie Est et est en faveur de l’exploitation des sables bitumineux et du transport pétrole par train. Le chef du PLQ a toutefois récemment déclaré qu’il s’engagerait à réformer le processus d’évaluation des projets d’oléoducs pour tenir compte de leur impact climatique.
Récemment, le chef du PLC a annoncé, dans les médias, vouloir – en cas d’élection – investir 60 milliards de $ dans des projets d'infrastructures, dont certains sont liés à l'économie verte, et lancé l’idée d’une concertation avec les provinces pour mettre en place un marché du carbone.
Nouveau parti démocratique
La plate-forme électorale du NPD n’est toujours pas disponible en ligne. Les engagements présentés sur le site du parti demeurent très généraux. Il stipule que : «Tom Mulcair a un plan solide pour protéger l’environnement pour les générations futures tout en faisant croître l’économie et en créant de bons emplois. Comme premier ministre, Tom stimulera la production d’énergies renouvelables et abaissera les émissions de gaz à effet de serre. Il fera payer les gros pollueurs.»
L’analyse d’un document interne présentant l’ensemble des résolutions adoptées au fil des années nous indique cependant que le parti dispose d’un programme ambitieux et bien structuré en matière d’environnement. Celui-ci est articulé autour du concept de « juste transition », qui vise la création d’emplois par un chantier dédié à l’amélioration de l’efficacité énergétique, au développement des énergies renouvelables et à la prépondérance des transports collectifs. Il est en outre le seul parti à critiquer la suprématie des accords commerciaux sur les accords visant à protéger le climat ou l’environnement, et à vouloir donner préséance à ces derniers.
Bien que les résolutions du parti soient clairement en faveur d’une réduction massive de la production de combustibles fossiles, le chef du parti semble actuellement vouloir ménager la chèvre et le chou. Il s'oppose à l'inversion du flux du pipeline d'Enbridge, mais ne s’est pas prononcé de façon claire sur le projet d’oléoduc Énergie Est ni sur le transport de pétrole par train, se bornant à souligner la nécessité de resserrer le cadre d’évaluation environnementale.
Il demeure intéressant de rappeler, cependant, qu’à titre de ministre de l’Environnement du Québec, Thomas Mulcair n’a pas hésité à tenir tête à Jean Charest sur le projet de terminal méthanier Rabaska et sur de nombreux autres dossiers, quitte à perdre son titre de ministre. La position actuelle, qui peut sembler molle, pourrait bien n’être qu’une stratégie visant à conquérir l’électorat de l’Ouest.
Bloc québécois
Voué à la défense des intérêts du Québec à Ottawa, le Bloc québécois, qui ne présente des candidats qu’au Québec et n’aspire pas à former le gouvernement, présente, dans son programme daté du 1er mai 2014, des propositions en conséquence. En matière d'environnement et de changements climatiques, celui-ci évoque des principes généraux, articulés autour du concept de développement durable dans le but premier d’éviter de dilapider le patrimoine du Québec. Le développement durable vise, rappelons-le, à concilier développement économique, protection de l’environnement et justice sociale.
Le Bloc souhaite favoriser une transition vers une économie sans pétrole plus respectueuse de l’environnement, miser sur les énergies vertes, et faire de la conservation d’énergie un principe de tous les jours, mais ne propose rien de concret, aucune proposition chiffrée en ce sens. Il s’agit davantage de principes devant guider la prise de décision lorsque viendra le temps de donner son appui - ou non - aux propositions mises de l’avant par le fédéral. Le Bloc Québécois compte tout de même exiger du gouvernement fédéral qu’il se dote d’un plan concret de lutte aux changements climatiques touchant notamment le développement d’une politique de transport en commun et de mobilité durable, et encourager l’électrification des transports.
Pour conclure
Nous faisons face à une catastrophe climatique sans précédent. Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), les changements climatiques sont d'ores et déjà enclenchés. Nos gouvernements ont pris un retard inexcusable en la matière, si bien qu'au mieux, nous pouvons espérer limiter les dégâts. Malgré l’urgence des changements à apporter, l’enjeu des changements climatiques n’a que trop peu de visibilité dans la campagne électorale jusqu’à présent et les propositions apportées par les partis demeurent, pour la plupart, bien trop timides. Étant donné le triste bilan du gouvernement conservateur en matière de lutte aux changements climatiques, et son parti pris avoué en faveur de l'industrie pétrolière, de nombreux organismes conviennent de tout mettre en œuvre pour défaire ce gouvernement.
Changer le mode de scrutin pour respecter la démocratie
par Monique Jeanmart
Le système de vote est le cœur de la démocratie représentative. C'est un outil important qui permet aux citoyens de former les gouvernements et de faire entendre leur voix. Dans un système réellement démocratique, chaque vote devrait avoir une valeur égale permettant au Parlement de refléter la volonté politique et la diversité des opinions de la population. Depuis de nombreuses années des voix s'élèvent pour questionner/critiquer notre mode de scrutin. Que valent et que veulent ces critiques ?
D’où vient notre système électoral ?
Le mode de scrutin « uninominal majoritaire à 1 tour » tire son origine du système britannique. Le candidat qui est élu à la Chambre des Communes (ou à l'Assemblée nationale) est celui qui obtient le plus de voix dans sa circonscription – sans pour autant devoir obtenir la majorité absolue. Le parti qui fait élire le plus de candidats prend le pouvoir selon le principe « le vainqueur prend tout ». Seules 2 autres démocraties utilisent encore ce mode électoral: la Grande-Bretagne et les États-Unis.
Ce système électoral – considéré comme le cœur de notre démocratie est-il véritablementdémocratique et produit-il des gouvernements représentatifs ?
Depuis la Première Guerre mondiale, le Canada a connu 16 gouvernements majoritaires, mais seulement quatre représentaient réellement la majorité des votes. Les autres étant ce qu'on pourrait qualifier de « fausse majorité». La composition du gouvernement actuel (élu en 2011) montre les distorsions entrainées par ce mode de scrutin. Avec un taux de participation de 61 %, le parti conservateur de Stephen Harper a formé un gouvernement « dit » majoritaire en faisant élire 166 députés avec 39,9 % de voix. Le Nouveau parti démocratique (NPD) formait l'opposion officielle avec 103 députés élus par 30,6 % des voix. Les libéraux obtenaient 34 sièges (18,9 %), le Bloc québécois 3 sièges (3,91 % ) et le parti vert : 1 seul député pour 6,04 %. Cette « majorité » a donné à Stephen Harper 100 % du pouvoir, lui permettant de parler au nom de « tous » les Canadiens et de modeler le Canada aux visions conservatrices sans réelle majorité.
Dans un tel système – avec un seul gagnant par circonscription – la moitié des électeurs et plus n'élisent personne et leur vote est nul. En conséquence, la plupart des Parlements élus par ce système ne représentent pas la diversité de la population et de leur choix véritable. À long terme, un tel système décourage la participation et engendre cynisme et abstentionnisme. Beaucoup d'électeurs, sachant que leur vote ne comptera pas, ou lassés de voter stratégiquement plutôt que pour le candidat de leur choix, finissent par renoncer à un droit pourtant fondamental dans une démocratie. La participation décroissante aux élections fédérales de 1984 à 2011 – de 75,5 % à 61 % - témoigne de cette réalité (site de Fair Vote Canada).
Depuis de nombreuses années, différents partis et mouvements citoyens, au Canada comme au Québec, lancent un appel à revoir notre mode de scrutin pour adopter un « mode de scrutin proportionnel ». Différents systèmes de représentation proportionnelle (RP) existent : « mixtes » comme en Écosse, en Nouvelle-Zélande ou en Allemagne; « vote unique transférable » comme en Irlande et en Islande, mais quelque soit le modèle il repose sur un principe clair et démocratique le nombre de sièges obtenus est proportionnel aux pourcentages de voix exprimées. L'objectif étant de créer un système qui accorde une voix égale à chaque citoyen de façon à assurer aux lois et aux politiques gouvernementales une légitimité démocratique qui assure qu'elles soient le reflet de la diversité de la société et que le gouvernement soit redevable devant tous les citoyens.
La représentation proportionnelle en débat: faut-il choisir entre la démocratie ou la stabilité et l'efficacité ?
L'argument le plus souvent apporté contre la RP est qu'elle favoriserait des gouvernements instables. Selon Fair Vote Canada, une étude menée en 2007 montre qu'entre 1945 et 1998, les pays utilisant un système majoritaire uninominal à 1 tour ont voté 16 fois alors que les pays qui utilisaient la RP ont connu une moyenne de 16,7 élections ce qui montre une faible différence de vie dans la durée des gouvernements. Il en tire la conclusion que l'instabilité n'est pas un argument valable. (1)
Quand à l'argument que la RP risquerait d'augmenter l'impuissance des gouvernements en donnant trop d'importance aux petits partis et donc plus d'importance aux idéologies il va dans le sens de permettre à tous les points de vue d'être représentés.
Quels que soient les positionnements dans le débat, il est clair qu'adopter un nouveau mode de scrutin n'est pas simplement une question de technicalité mais suppose un changement de culture politique pour favoriser les coalitions et la collaboration plutôt que l'affrontement et les compétitions féroces auxquelles nous assistons présentement.
En conclusion, un questionnement sur le positionnement des partis qui s'affrontent en vue des prochaines élections montre que le seul parti qui s'oppose à tout changement du mode de scrutin est le parti conservateur, le Bloc québécois et le parti libéral y sont favorables, mais seuls le NPD et le parti vert en ont fait un engagement formel.