Avant-propos
L’Association québécoise pour la taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens, -une association non partisane mieux connue sous l’appellation Attac Québec -, est née en 1999 dans le sillage du déploiement des activités d’Attac en France. Elle prépare maintenant son Congrès de fondation qui se tiendra à Montréal le 8 avril 2000. Créée par six personnes au début de 1999 et ayant engagé ses premières manifestations publiques à l’automne de la même année dans le cadre de la campagne internationale pour exiger un moratoire sur les négociations à l’Organisation mondiale du commerce, Attac-Qc compte maintenant près de 100 membres et autant de sympathisants actifs. Parce que Attac se veut résolument internationaliste tout en déployant principalement son action au Canada, il convient de situer cette organisation locale dans l’ensemble du mouvement international qui se donne expressément pour but, comme Ignacio Ramonet en appelait de ses vœux en décembre 1997 dans les pages du Monde diplomatique, de « désarmer les marchés ». Au cœur de cette lutte, se trouve la revendication pour la mise en place d’une taxe sur les transactions sur les marchés des changes, mieux connue sous le nom de « taxe Tobin ». Nous centrerons donc la discussion autour de cette revendication, devenue emblématique des débats sur les moyens à prendre pour contrer l’instabilité des marchés financiers et leur domination sur l’économie réelle, celle qui, selon les termes de l’économie classique, assure la production des biens et des services destinée à servir d’assise au bien-être matériel des populations du globe. Le présent texte poursuit donc les objectifs suivants :
- retracer les origines du mouvement internmational en vue de la mise en place d’une taxe sur les transactions sur le marché des devises;
- faire l’état des lieux des divers acteurs en présence et de leurs principales propositions politiques;
- faire l’inventaire des actions et des débats à venir;
- décrire – dans leurs grandes lignes – les principales contradictions, forces et faiblesses du mouvement;
- présenter les axes de développement d’Attac Québec.
Ce texte se veut aussi une contribution à la clarification des enjeux et de l’orientation de ce mouvement tant au Québec qu’au Canada et à la définition de l’orientation des liens que le mouvement québécois devrait établir avec les organisations extérieures.
1. Origines économiques, institutionnelles et politiques
Afin de bien comprendre le mouvement actuel en faveur de l’imposition d’une taxe sur les transactions dans le marché des devises (Forex Market), il faut de remonter aux origines de cette proposition et de sa « récupération » par les divers acteurs sur la scène internationale, acteurs que nous retrouverons tout au long de cet exposé.
1.1 Les accords de Bretton Woods
Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, il convenait de remettre les économies occidentales sur pied. Tout devait donc être fait pour favoriser le commerce mondial : abattre les mesures protectionnistes, assurer des crédits aux pays dévastés pour leur permettre de faire redémarrer leur économie, stabiliser les marchés financiers. C’est ainsi que sont nés le GATT (General Agreement on Trade and Tariffs – l’ancêtre de l’Organisation mondiale du commerce), le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale.
De plus, les accords de Bretton Woods ont mis en place un système monétaire international fondé sur le dollar américain dont la valeur était garantie par l’or engrangé par la Réserve fédérale américaine. La valeur des devises nationales (le franc, la livre sterling, le mark, le yen, etc.) était ainsi alignée sur le dollar US et seule une mince plage de fluctuation était tolérée. Le système était solide : en effet, les Américains détenaient 75 % des réserves d’or mondiales et les États-Unis exportaient massivement vers les pays d’Europe. Le dollar américain était en forte demande puisque sa valeur était garantie par l’or, le gouvernement américain s’étant engagé à échanger ses dollars contre de l’or.
Mais il arriva ce qui devait arriver. Les économies européennes et japonaise se sont rapidement développées et ont commencé, elles aussi, à exporter massivement. D’exportateurs, les États-Unis sont devenus importateurs, ce qui a eu pour effet d’augmenter le nombre de dollars US en circulation dans le monde. De plus, au début des années 70, l’augmentation rapide du prix du pétrole par les pays de l’OPEP a mis en circulation des dizaines, voire des centaines, de milliards de dollars US dans les poches d’investisseurs avides de rendement. Le dollar américain subissait d’énormes pressions. Pressentant une baisse de la valeur du dollar, les gouvernements français et anglais ont demandé à la Réserve américaine de racheter les dollars contre l’or, tel que le voulaient les accords de Bretton Woods. La ruée fut si forte que le plancher de la salle de pesée de l’or de la Banque d’Angleterre s’est effondré sous le poids des lingots…
Le gouvernement américain ne pouvait rester passif devant une situation qui risquait d’entraîner l’effondrement de sa devise. C’est alors qu’en 1972, le président d’alors, Richard Nixon, annonça que les États-Unis abandonnait l’étalon or. Cela eut pour conséquence immédiate non seulement de contrer la ruée sur l’or et la baisse de la valeur du dollar, mais aussi de transformer toutes les devises nationales en marchandises dont le prix fluctuerait à l’instar des autres biens sur le marché. Cela mettait brutalement fin à la parité des devises et provoqua de violentes fluctuations de leur valeur, alimentant ainsi les visées spéculatives des investisseurs. La volatilité risquait alors de s’installer à demeure sur le marché des devises.
C’est alors qu’intervint un économiste américain de renom, James Tobin, qui, craignant les effets néfastes de la volatilité des devises qu’induirait la spéculation, a proposé de taxer les transactions sur ce marché. Tobin ne visait que la maîtrise de la volatilité des devises, volatilité vue comme étant défavorable au commerce international d’une part et à la maîtrise d’oeuvre d’une politique monétaire cohérente par les autorités gouvernementales par le biais de leur banque centrale, d’autre part. Il suggérait que les revenus tirés de cette taxe pourraient être versés à une organisation internationale telle que l’ONU sans insister, puisque là n’était pas le but de la taxe.
ENCADRÉ 1
La taxe Tobin, une arme économique
Une taxe sur les transactions monétaires serait un élément stratégique de la politique de financement à l’échelle planétaire car elle permet :
- de réduire à court terme la spéculation sur les taux de change et les flux de capitaux,
- d’accroître l’autonomie de la politique nationale,
- de rétablir la capacité d’imposition des États nations touchés par la globalisation des marchés.
La taxe est une formule simple et attractive pour réduire les flux déstabilisants. La base des rentrées fiscales consiste en des transactions dans les deux sens à très court terme et des transactions d’arbitrage financier dans le marché interbanques. Plus la fréquence des transactions est élevée, plus la taxe est importante. Son intérêt réside en ce qu’elle réduit les transactions à court terme sans gêner le commerce international, les mouvements de capitaux à long terme ou les ajustements des prix des monnaies basés sur les variations économiques réelles. Le poids sur le « commerce normal » ne serait pas significatif grâce au faible taux de la taxe : 0,1 à 0,5% (suivant la proposition). D’après un calcul des Verts allemands, si l’on part d’un taux d’imposition de 0,2%, un spéculateur qui travaille sur une base journalière serait imposé à 48% par an ; un investisseur sur une base hebdomadaire paierait 10% par an, et sur une base mensuelle seulement 2.4 %. Comme 40% des transactions monétaires s’effectuent en moins de deux jours et 80% en moins d’une semaine, la taxe aurait un effet modérateur.
La taxe vise le centre de l’instabilité financière moderne – les marchés de change « post Bretton Woods ». Le passage aux taux de changes flottants, la déréglementation des échanges et des marchés financiers et l’introduction d’une nouvelle technologie ont provoqué une expansion considérable des marchés des changes. Les taux de changes instables permettent une spéculation importante sur les places boursières, sur les marchés des options et sur les marchés correspondant d’arbitrage des intérêts. Les essais isolés de pays pour accroître la stabilité de leur taux de change par des stabilisations monétaires ou des « ancrages » impliquent des sommes d’argent considérables : il est nécessaire d’accumuler et de maintenir d’énormes réserves internationales afin d’intervenir dans les marchés monétaires et de maintenir des taux d’intérêt locaux extrêmement élevés qui attirent les capitaux étrangers. Des tentatives de ce type, soutenues par le FMI dans les années 90 en Asie et dans les pays d’Amérique Latine, ont généralement échoué. Réduire l’instabilité apportera plus de sécurité, moins de mesures de protection, moins de ressources financières mal dirigées, et une instabilité plus faible pour les variables macro-économiques clés dans leur ensemble.
Le capital devrait se tourner vers des investissements à long terme plus productifs, avec des gains eux aussi plus élevés.
Source : OXFAM, Grande-Bretagne, L’heure de la taxe Tobin a-t-elle sonné ?
ENCADRÉ 2
La taxe Tobin, un outil de développement
Les sommes que pourraient permettre d’amasser sont tout simplement colossales. En effet, quand on sait qu’en 1998, c’est plus de 1 8000 milliards de dollars qui se sont transigés sur les marchés des changes, une taxe d’à peine 1/4 d’un pour cent, pourrait générer des revenus de plus de 150 milliards par année. Quand on sait que, selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), il suffirait de 40 milliards par année pour éliminer la pauvreté sur l’ensemble de la planète on mesure bien quel puissant levier de développement cet impôt peut représenter. Le tableau ci-dessous illustre le mécanisme de la taxe à un taux de 0,25 %. Comme on le constate, ce sont les transactions à court terme, généralement spéculatives, qui sont surtout touchées. L’économie réelle, caractérisée par des transactions sur les moyen et long termes, est, à toutes fins utiles, épargnée.
Effet d’une taxe Tobin de 0,25 % sur une transaction de 1 million $ (aller-retour)
Type d’instrument financier Somme perçue par période Taux annuel réel de la taxe Calcul de la taxe
Obligation – 10 ans 5 000 $ sur 10 ans, soit 500 $ par année. 0,05 % 0,25 % x 2 fois, divisé par 10 ans
Obligation – 1 an 5 000 $ par année 0,5 % 0,25 % x 2 fois, divisé par 1 an
Obligation – 90 jours 5 000 $ par trimestre 2 % 0,25 % x 2 fois x 4 trimestres
Obligation – 30 jours 5 000 $ par mois 6 % 0,25 % x 2 fois x 12 mois Transaction quotidienne (overnight) 5 000 $ par jour 120 % 0,25 % x 2 fois x 240 jours ouvrables
Source : DILLON, John, Turning the Tide. Confronting the Money Traders. Ecumenical Coalition for Economic Justice, publié par Canadian Centre for Policy Alternatives, Ottawa, janvier 1997, p. 96.
Seules les transaction faites quotidiennement – et l’horizon de bien des transactions spéculatives se compte en minutes – se voient imposer un taux annuel de taxe supérieur à TPS ou à la taxe sur la vente québécoise (TVQ). Pourquoi ces transactions seraient-elles libres de taxes alors que l’achat de quelque bien ou service n’y échappe pas ? Y aurait-il deux catégories de contribuables ?
ENCADRÉ 3
La taxe Tobin, une arme politique
« Combattre en faveur de la taxation des transactions sur les marchés des changes, c’est affirmer la nécessité de démanteler le pouvoir de la finance et de ré-établir une réglementation publique internationale. En tant qu’impôt sur les transactions de change à but spéculatif, la taxe Tobin institue une forme de relation entre public et privé toute différente du type de collusion entre la politique et la finance que nous vivons quotidiennement […]. Taxer les opérations de change pour pénaliser la spéculation, contrôler les mouvements de capitaux à court terme, ce serait adresser un avertissement politique fort aux principaux acteurs économiques ; ce serait affirmer que l’intérêt général doit l’emporter sur les intérêts particuliers et les besoins du développement sur la spéculation internationale. La stabilité financière internationale qui serait introduite par la taxe sur les opérations de change aurait une portée particulièrement grande pour les pays à devises faibles, qui subissent à la fois les contrecoups de l’instabilité entre les grandes devises – c’est le cas pour les pays d’Asie qui souffrent de la grande instabilité du taux de change entre le yen et le dollar – et les effets de la défiance à l’encontre de leurs propres monnaies. Ce sont là de très bonnes raisons pour défendre la taxe.
F. Chesnais, Tobin or not Tobin, pp. 9-10.
1.2 La crise financière de l’ONU
La proposition faite par Tobin fut à peine discutée dans les cercles universitaires et parmi les spécialistes . Un silence médiatique complet a réussi à presque faire oublier ces propositions. Ce n’est qu’à la fin des années 80 que, à la faveur de l’aggravation de la situation financière de l’ONU, l’idée de taxes internationales, dont la taxe Tobin, ont fait l’objet d’un intérêt renouvelé et d’un débat public.
Depuis sa création, les cotisations des États membres ont financé les activités de l’ONU. Mais depuis environ 15 ans, plusieurs États ont omis – ou refusé – de payer leur quote-part. La crise depuis lors n’a cessé de s’aggraver. En 1997, les arriérés de cotisations des membres totalisaient 2,366 milliards $, dont 1,469 milliard $ des États-Unis, 248 millions $ de l’Ukraine et 237 millions $ pour la Russie. Les Américains refusent de payer leur quote-part parce qu’ils réclament des réformes radicales de l’ONU. À cela s’ajoute le fait que l’aide publique au développement ne fait que diminuer, aggravant la situation dans les pays les plus pauvres. Le système de financement par les États continue de s’écrouler alors que les besoins à l’échelle planétaire ne vont qu’en s’accentuant. Dans le court terme, la crise ne peut être résorbée que par l’amélioration du système de cotisations des états membres. Or, à une époque où les États sont pressés de couper leurs dépenses, plusieurs ont argué qu’il était impérieux de trouver des modes alternatifs de financement de l’ONU et d’autres agences mondiales.
On a ainsi vu de nombreuses propositions de mise en place de taxes mondiales : sur les hydrocarbures, sur l’utilisation des ondes, sur les transactions financières dans les marchés de change, sur l’utilisation commerciale des océans, sur l’extraction des minerais, sur l’utilisation des produits forestiers, sur les voyages internationaux par avion et bateau. On a même suggéré une loterie. C’est donc dans ce contexte que la taxe Tobin a été remise à l’ordre du jour au sein des agences de l’ONU et parmi les divers acteurs de l’aide au développement à travers le monde.
1.3 Le triomphe du néolibéralisme et les turbulences financières
Nous n’analyserons pas ici ni les causes, ni les effets sociaux et économiques des crises financières et l’endettement des États qui ont ébranlé le monde depuis les années 80. Après les défauts de paiement des pays d’Amérique latine aux débuts des années 80, la crise mexicaine en 1994 et la crise qui secoue encore l’Asie, le Brésil et la Russie, plusieurs analystes et chefs d’État ont commencé à craindre une débâcle générale. Outre leurs inquiétudes quant aux problèmes de rigueur, de transparence et la prévarication affligeant plusieurs pays, ils sont de plus en plus nombreux à vouloir mettre en place des modes de régulation du marché après une libéralisation galopante.
Dans un contexte où le chaos caractérise l’économie du monde ; dans une situation où le laisser-faire inhérent aux ajustements structurels imposés par les institutions financières internationales balaie les maigres services publics encore existants et où l’endettement des pays en voie de développement est endémique ; dans une conjoncture qui se caractérise par l’accentuation des écarts entre, d’une part, pays riches et pays pauvres et, d’autre part, nantis et économiquement faibles dans les pays industrialisés, les prises de conscience se radicalisent, les revendications se multiplient. C’est ainsi que des groupes de citoyens, alarmés par le pouvoir sans cesse croissant des intérêts privés réduisant comme peau de chagrin la marge de manoeuvre des autorités publiques, revendiquent un renversement des perspectives : le politique doit dominer l’économique, l’économie ne doit plus être au seul service du capital mais se mettre au service des hommes et de la société en général. La taxe Tobin est alors vue comme étant un des nombreux moyens à mettre en oeuvre pour ralentir la spéculation, responsable en grande partie des turbulences sur les marchés et d’assurer une distribution plus équitable des richesses de la planète. La taxe Tobin est revendiquée de concert avec d’autres mesures visant l’élimination de l’évasion fiscale pratiquée par les grandes multinationales et les investisseurs institutionnels, la mise en place de mesures favorisant une plus grande équité fiscale et, enfin, une prise en main démocratique des destinées de la planète.
On comprendra donc que plusieurs intérêts sont en jeu, que de nombreux acteurs interviennent et que de multiples dynamiques s’entrecroisent au sein de mouvement pour la mise en place de la taxe Tobin.
2. Les acteurs en présence
Avec le portrait que l’on vient de dessiner, on se doute bien que les acteurs intéressés par une taxe sur les transactions financières sont nombreux. Dans le cadre du présent texte, nous n’aborderons ici – et cela très brièvement – que les acteurs suivants : les organisations internationales (surtout celles du système de l’ONU), les États, les partis politiques, les syndicats, les ONG internationales et nationales, les regroupements de citoyens.
2.1 Les organisations internationales
Comme nous l’avons vu, beaucoup de la discussion autour de la taxe Tobin s’inscrit dans le débat sur la mise en place de modes de financement alternatif de l’ONU.
Mais cette recherche de mode de financement alternatif suscite de nombreuses controverses :
- si l’ONU a des modes autonomes de financement, quel contrôle pourront exercer les États-membres;
- les revenus d’une telle taxe proviendront surtout des pays développés, là où se trouvent les grandes places financières : ces pays n’accepteront pas de lever une telle taxe si une part – probablement importante – ne leur est pas réservée;
- quel contrôle démocratique pourra être exercé sur la gestion de ces fonds. Les remettre aux agences spécialisées de l’ONU signifie que l’on donne à des technocrates le mandat de gérer des fonds sans contrôle d’aucune instance élue.
Ces objections n’ont pas empêché des agences de l’ONU de prendre position en faveur de la taxe Tobin. C’est ainsi que, dès 1992, Ruben Mendez du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a publié une longue étude sur les modes alternatifs de financement. C’est aussi sous les auspices du PNUD que David Felix, un éminent professeur d’économie, a publié une importante étude sur la taxe Tobin . En 1995, le PNUD organisait un séminaire où la plupart des textes déposés prenaient position sur la taxe Tobin. (Ces textes ont été regroupés dans un livre portant sur la taxe Tobin publié par le Oxford University Press.). L’ UNDP a également stimulé le débat en 1994 et 1995 dans le cadre de son rapport sur le développement humain de plusieurs autres textes d’orientation. Par la suite, un groupe d’experts chargés d’étudier les modalités de financement des ententes du Sommet de l’environnement de Rio ont également retenu l’idée de modes alternatifs de financement.
Notons aussi que ces questions furent débattues lors des séances préparatoires au Sommet sur le développement social de Copenhague, bien que les documents finaux en fassent à peine mention. Mentionnons aussi que suite à des pressions des États-Unis et à des coupures par les Américains de leur financement du PNUD, celui-ci a presque totalement abandonné la discussion sur les modes alternatifs de financement. Il est d’ailleurs à noter que le gouvernement américain a été saisi d’un projet de loi – présenté par le sénateur Helms – qui visait à interdire les États-Unis de financer toute organisation internationale qui mettrait de l’avant des propositions de financement autonome et de taxes mondiales. Bien que la loi qui fut finalement adoptée ait été quelque peu adoucie, elle n’en a pas moins lancé un signal clair aux agences internationales.
2.2 Les ONG
Le débat agonisant au sein de l’ONU et de ses agences suite aux pressions menées par les États-Unis, les ONG ont pris le relais.
C’est ainsi, par exemple qu’en 1995, ECAAR (Economists Allied for Arms Reduction) a tenu des conférences à New York et Rotterdam pour stimuler le débat sur les modes alternatifs de financement. La même année, la Commission mondiale pour le financement de l’ONU (Global Commission to Fund the United Nations) a publié un numéro spécial de sa revue Futures qui fut ensuite publié sous forme de livre.
En 1995, 620 organisations de la société civile signent la déclaration alternative de Copenhague (dans le cadre du Sommet de 1995) endossant l’idée de taxes mondiales. Une résolution sur les taxes mondiales a également été adoptées par les ONG présentes au Sommet sur les femmes à Pékin. En 1997, les Recommandations RIO+5 : Managing Systems for Sustainable Development) contenaient également une longue discussion de la question des taxes mondiales. Dès 1995, dans le cadre de la préparation du Sommet du G7 à Halifax, une large coalition, le Halifax Initiative, a été mise en place pour revendiquer l’élimination de la dette des pays en voie de développement ainsi que la mise en place de la Taxe Tobin. La déclaration des ONG environnementales à l’occasion de la Ve conférence des ministres de l’environnement des pays de l’OCDE présente aussi l’alternative nécessaire des taxes mondiales.
On le voit, la majorité des ONG soucieuses de mettre fin à l’aggravation des conditions de vie et de travail de la grande masse des populations des pays en voie de développement, revendiquent une forme ou une autre de régime de taxation internationale susceptible de mettre fin à la domination des marchés financiers sur les sociétés et de permettre la collecte de revenus pouvant contribuer à mieux lutter contre la pauvreté, la dégradation de l’environnement, et financer les services d’éducation, les soins de santé, etc.
On verra que cet appui massif peut infléchir considérablement les propositions quant à la collecte, le recouvrement et la distribution des revenus que l’imposition d’une telle taxe pourrait générer.
2.3 La lutte contre l’AMI et le développement d’Attac
La prise en main de la revendication pour la mise en place d’une taxe sur les transactions financières par des regroupements de citoyens, des coalitions d’ONG, de syndicats et d’organisations religieuses repose sur d’importantes impulsions liées aux succès organisationnels, idéologiques et politiques de la lutte contre l’AMI et aux crises financières successives qui ont marqué l’actualité depuis la crise les crises monétaires en Europe en 1992 et 1993 et la chute du peso mexicain à la fin de 1994.
En effet, la « victoire » de la lutte contre l’AMI – qui a vu se mettre en place un réseau international de lutte comme on en avait rarement vu – a su catalyser les individus et organismes qui y ont participé en démontrant qu’il était possible non seulement d’infléchir mais aussi de faire mettre au rancart des politiques anti-populaires et anti-démocratiques. Par ailleurs, la situation des marchés financiers a dramatiquement montré les conséquences néfastes d’une libéralisation à tous crins des marchés et de l’importance – devenue déraisonable et incontrôlable – des opérations spéculatives sur le marché des devises. En décembre 1997, Ignacio Ramonet, directeur du Monde diplomatique lançait un appel à la création d’un vaste mouvement international en faveur de l’imposition d’une taxe sur les transactions sur le marché des devises. Mais à la différence des organismes de l’ONU et des ONG qui y avaient vu une source de financement pour les activités de l’ONU, Ramonet conférait à cette lutte d’autres dimensions :
- l’affirmation de la primauté du politique sur l’économique;
- la nécessité de mettre du « sable dans l’engrenage des marchés » non seulement dans le but d’enrayer les effets les plus néfastes de la spéculation mais surtout pour redonner aux États la possibilité de définir une politique monétaire conséquente, nécessité démocratique essentielle;
- les revenus de la taxe seraient consacrés à la lutte contre la pauvreté, à l’approvisionnement en eau potable pour l’ensemble de l’humanité, pour la dignité en matière d’habitat, pour la mise en place de soins de santé, pour l’éducation. Bref, c’est à un vaste chantier de redressement social et économique auquel Ramonet conviait toutes les énergies citoyennes.
À peine quelques semaines plus tard, on assistait à la naissance en France d’une organisation – Attac – qui allait rapidement regrouper plus de 12 000 adhérents en France seulement, regroupés dans plus de 80 associations locales. Cette initiative devait faire boule de neige. Rapidement, des groupes semblables se mettaient en place en Belgique, en Suisse romande, en Italie, au Brésil, au Portugal, en Tunisie, au Sénégal, aux États-Unis, à la faveur à la fois des contacts faits dans le cadre de la lutte contre l’AMI mais aussi des éditions en langues étrangères (italien, espagnol, arabe, grec, portugais, anglais) du Monde diplomatique.
Dès décembre 1998, était organisée une première rencontre internationale à laquelle ont participé des représentants de 10 pays : Philippines, Corée du Sud, Brésil, Mexique, Sénégal, Italie, Finlande, Belgique, Suisse et France. Cette réunion se donnait quatre principaux objectifs :
- permettre une première prise de contact ;
- débattre de l’orientation ;
- décider de la manière de travailler ensemble ;
- fixer le calendrier des initiatives prévues ou à envisager.
Les participants ont décidé entre autres choses de constituer le « Mouvement international pour le contrôle démocratique des marchés financiers et de ses institutions ». De plus, il a été prévu d’organiser une rencontre internationale à Paris au mois de juin 1999 avec pour objectif de réunir 2 000 personnes.
En mars 1999, avait lieu à Bangkok la première réunion du International Tobin Tax Network (ce réseau a été créé par une vingtaine d’ONG et 14 parlementaires à l’occasion d’une conférence sur le thème de la souveraineté économique et la mondialisation.
Plus près de nous, au Canada, il existe deux entités distinctes qui luttent pour la mise en place d’une taxe sur les transactions financières : Halifax Initiative et Attac Québec.
Halifax Initiative est une vaste coalition surtout présente au Canada-anglais qui regroupe des groupes humanitaires, religieux, écologistes, populaires et progressistes. Leur action a réussi à convaincre le NDP et le Bloc Québécois de défendre à la Chambre des communes une motion enjoignant le Canada de faire des pressions sur la scène internationale pour la mise en place d’une taxe sur les transactions financières, motion qui, à la surprise de plusieurs, fut adoptée. Nous reviendrons sur le sens qu’il faut donner à cette adoption dans la section sur les États.
Cette coalition est bien organisée, a gagné beaucoup de crédibilité auprès du mouvement international et entretient des contacts étroits avec une organisation similaire qui se met présentement sur pied aux États-Unis. Curieusement toutefois, la coalition est complètement absente du Québec. C’est ce qui explique la mise en place d’Attac Québec.
ENCADRÉ 4
Une majorité de députés appuie un projet de taxe sur les transactions OTTAWA (PC) – Des députés de tous les partis à la Chambre des communes, dont le ministre des Finances Paul Martin, appuient une motion favorable à l’adoption d’une taxe sur les transactions financières internationales.
Mais tous n’ont pas voté pour les mêmes raisons et personne, du reste, ne s’attend à ce que le projet ne suscite de sitôt l’engouement de la communauté internationale.
Imaginée par l’économiste américain James Tobin, prix Nobel d’économie, cette taxe serait appliquée à toute transaction financière internationale dans le but avoué de freiner la spéculation monétaire et la fuite des capitaux des économies plus faibles. Les sommes perçues serviraient à financer des projets internationaux tel que des programmes environnementaux ou d’aide au développement. Les députés des Communes ont voté mardi à 164 contre 83 en faveur d’une motion déposée par le néo-démocrate Lorne Nystrom et appelant Ottawa à adopter la « taxe Tobin » de concert avec la communauté internationale[…].
© La Presse Canadienne, 1999 (25 mars 1999)
À l’heure actuelle, Attac Québec est une organisation regroupant une centaine de personnes qui tente de faire connaître au Québec la revendication d’une taxe sur les transactions financières sur le marché des devises et l’abolition des paradis fiscaux. En très peu de temps, Attac Québec a su tisser des liens étroits avec deux importantes organisations populaires ayant un rayonnement à travers tout le Québec : Solidarité Populaire Québec (SPQ) et Alternatives. De concert avec le SPQ – qui regroupe plus de 130 organismes populaires et syndicaux à travers le Québec – Attac Québec mène une réflexion sur les modalités d’application d’une telle taxe. De plus, il entend participer aux nombreux ateliers de formation qui seront organisés par le SPQ dans les mois à venir.
Aux États-Unis, nous connaissons au moins deux importants regroupements reprenant à leur compte la revendication d’une taxe Tobin. Implanté en Californie, l’organisme Center for Environmental Economic Development a lancé ce qu’il appelle Le Tobin Tax Initiative qui se veut un lieu de réflexion sur la taxe Tobin. Par ailleurs, une coalition de 15 groupes, basée à Washington, – le Tobin Tax Advisory Committee – s’est donnée pour tâche de mener la lutte dans le cadre de leur appui au projet de loi sur le développement durable présenté par le représentant démocrate au Congrès américain, Bernie Sanders .
Comme on le verra plus loin, ce foisonnement ne va pas sans poser d’importants problèmes organisationnels, idéologiques et politiques.
2.4 Les États
Bien que les informations sur les positions des États soient souvent plus difficiles à obtenir, il n’en demeure pas moins que nous savons que plusieurs états ont soulevé et défendu la nécessité :
- de trouver des moyens alternatifs de financement de l’ONU ;
- d’assurer une régulation des marchés financiers afin de limiter la spéculation et la fuite des capitaux.
C’est dans ces différents contextes que la taxe Tobin a été soulevée comme étant une mesure possible, voire souhaitable. Voici quelques exemples des positions prises par des représentants officiels de certains États dans les dernières années.
En octobre 1995, à l’occasion de son discours à la session plénière des Nations Unies, François Mitterrand a soulevé la question d’un financement alternatif de même que les représentants de la Malaisie, du Pakistan, de la Suède et de l’Australie. Le 21 novembre 1995, Nicolaas Biegman, le représentant permanent des Pays-Bas invitait 30 délégations à un dîner de travail portant sur la question du financement alternatif. Il était assisté par le représentant de l’Autriche, Ernst Sucharipa, vice-président du groupe de travail de l’ONU sur les finances. La question fut encore soulevée par le Secrétaire général de l’ONU dans divers discours prononcés en 1996. Le 24 mai, l’Assemblée générale adoptait une motion enjoignant le SG de présenter un rapport proposant des moyens innovateurs de financement. Le 28 juin de la même année, le ministre des Affaires étrangères de l’Autriche, Benita Ferrero-Waldner, appelait à la mise en place de nouveaux mécanismes de financement dont une taxe sur les transactions financières.
L’administration Clinton a exprimé son opposition à toute proposition pouvant ressembler à une taxe. Il en va de même d’institutions internationales comme le Fonds monétaire international. Malgré des pressions américaines visant l’élimination de tout débat sur un financement global, l’Union européenne poussait dans la direction contraire. L’Union proposait même de lever unilatéralement des taxes sur les transports aériens et sur les émissions des gaz à effet de serre.
Notons aussi que le Groupe des 77, appuyé par la Chine, semble être favorable à la mise en place de moyens de financement alternatifs de l’ONU, dont des taxes internationales, mais leur position reste vague.
Outre le Canada, la Finlande propose dans son programme gouvernemental la mise en place d’une taxe Tobin. Sur un autre plan, le Chili impose une lourde taxe aux capitaux étrangers investis qui quittent le pays avant un an. La Malaisie impose de pareilles pénalités en vue d’enrayer la fuite des capitaux.
2.4.1 Motivations des États
Il convient de préciser qu’il risque d’y avoir autant de motivations qu’il y a d’États. Nous pouvons toutefois tenter de dresser une liste des raisons pouvant amener certains États à appuyer des taxes internationales :
- les pays en voie de développement y voient un moyen de financer l’aide au développement. Ils constatent que les agences des Nations Unies sont de plus en plus démunies devant les besoins et que les Nations Unies sont en pleine crise financière. De plus, l’aide publique au développement ne cesse de s’étioler, pour être remplacée par les investissements privés, lesquels ne privilégient qu’une dizaine de pays.
- certains pays dont le Canada y voient un moyen de contrer la spéculation sur leurs devises ;
- certains pays, dont peut-être le Canada, y verraient un moyen d’augmenter leurs recettes, soit pour baisser les impôts chez eux, soit pour remplacer les sommes qu’ils allouent à l’aide internationale.
Ces motivations diverses, souvent contradictoires, auront nécessairement un effet sur les possibilités de succès d’adoption d’une taxe Tobin à l’échelle internationale. En effet, puisque les revenus de la taxe viendront essentiellement des pays où sont concentrées les transactions sur le marché des devises – États-Unis, Angleterre, Allemagne, France, Japon, Hong-Kong – les pressions seront fortes pour qu’une part importante reste dans ces pays.
De plus, si cette taxe est vue comme un moyen alternatif de financement des Nations Unies, cela pose plusieurs problèmes :
- la charte de l’ONU lui permet-elle d’imposer des taxes ?
- les organismes internationaux sont normalement financés par leurs membres. Que répondre à ceux qui soutiennent qu’un financement autonome mine la possibilité des États membres de « contrôler » les activités de l’organisation ? Cela peut-il contrer un contrôle démocratique de l’organisme par ses membres ?
- les États-Unis qui contribuent au budget des Nations Unies à la hauteur de 25 % risquent de ne jamais accepter que le contrôle financier leur échappe, contrôle qu’ils utilisent d’ailleurs de manière brutale en retenant plus d’un milliard de leurs cotisations en vue d’imposer des réformes.
Par ailleurs, en supposant qu’une taxe sur les transactions financières soit levée hors du giron de l’ONU et qu’elle soit vue principalement comme un moyen de stopper la spéculation, les questions suivantes se posent : - qui assurera la perception et le recouvrement de la taxe : un organisme supra-national ou les États-nations ?
- si ce sont les pays, les pressions ne seront-elles pas fortes pour que les revenus demeurent dans les pays où elles sont perçues ?
- le mouvement de revendication de mise en place d’une telle taxe se contentera-t-il que la taxe ne soit utilisée que pour contrer la spéculation et garnir les coffres des états où se trouvent les principales places financières du monde ?
3. Actions à venir
3.1 Au Canada
À la suite de l’adoption de la motion sur la taxe Tobin à la Chambre des Communes le 23 mars 1999, voici ce que les organisateurs du Halifax Initiative propose comme actions :
- écrire aux députés et à Paul Martin pour leur demander des tenir des audiences publiques (au sein du comité des finances ou des Affaires étrangères) sur la taxe et les actions du gouvernement du Canada sur la scène internationale ;
- campagne de lettre auprès des gérants et présidents des institutions bancaires ;
- campagne auprès du président de la Banque du Canada.
Il est également fait mention que le Halifax Initiative travaillera à l’échelle internationale pour organiser un Parlement international sur la taxe où « siègeront » des parlementaires sympathiques à une telle mesure fiscale. La coalition canadienne participe également aux travaux d’un réseau international sur la taxe Tobin mis en place en mars à Bangkok.
Au Québec, Attac Québec entend mener une action plus militante et concertée, et ce, aux échelles tant locale, provinciale et nationale qu’internationale :
- faire une veille sur les activités du gouvernement du Canada sur la scène internationale en ce qui a trait à la mise en place d’une taxe sur les transactions financières et l’abolition des paradis fiscaux ; mener des campagnes incessantes pour que le gouvernement canadien agisse de manière congruente par rapport à la motion adoptée favorisant la mise en place de la taxe Tobin ;
- mener une large campagne de sensibilisation sur les effets de la spéculation, le fonctionnement des marchés financiers, la nécessité de mesures fiscales internationales, l’abolition des paradis fiscaux et de la mise en place d’un fonds international de développement ;
- faire connaître les activités du mouvement international en faveur de la taxe Tobin ;
- organiser une conférence internationale sur le « désarmement des marchés financiers » à l’occasion du Sommet des chefs d’État des Amériques et du Sommet des peuples qui se tiendra à Québec au printemps 2001.
ENCADRÉ 5
Les paradis fiscaux
« L’infrastructure financière s’est transformée, du fait des progrès de la technologie et des communications, en un système mondial en perpétuelle activité dans lequel « l’argent virtuel » (de simples icônes sur un écran d’ordinateur) peut se déplacer rapidement et facilement n’importe où dans le monde. L’univers des centres financiers offshore et des pays et territoires à secret bancaire fort constitue un élément clef de cette infrastructure, mais peut aussi être considéré comme un système ayant des composantes distinctes mais complémentaires et se renforçant mutuellement, dont beaucoup sont facilement manipulables par les criminels. »
Le mouvement international Attac revendique la dislocation des paradis fiscaux qui servent de paravent aussi bien à l’évasion fiscale d’une multitude d’entreprises mais aussi facilitent le blanchiment d’argent. La carte ci-dessous montre bien l’ampleur du phénomène.
3.2 À l’échelle internationale
À l’échelle internationale, plusieurs actions ont récemment eu lieu qui démontrent bien l’ampleur du mouvement :
- le 20 janvier 2000, le Parlement européen refusait d’endosser par une mince majorité de six voix (par 229 voix contre et 223 pour) une résolution sur la taxation des mouvements internationaux des capitaux ;
- au Brésil, une coalition avec en son sein 45 députés mènent une campagne sur les contrôle des capitaux. Des audiences publiques officielles ont été tenues l’été dernier ;
- deux parlementaires philippins présenteront également une motion tout en tentant de mener le débat au sein du Parlement régional de l’ASEAN et de l’union parlementaire de l’Asie-Pacifique ;
- une ONG de Grande-Bretagne a lancé en mars une campagne en faveur de la taxe Tobin ; un groupe de parlementaires anglais ont saisi le Parlement d’une motion endossant la taxe Tobin ;
- au début avril, le Parlement australien a lancé une enquête parlementaire sur les répercussions des transactions sur le marché des devises. Des ONG y feront des représentations et plaideront en faveur de la taxe Tobin ;
- plus de 200 organismes espagnols mènent une campagne en faveur d’un revenu garanti dans le cadre de laquelle ils invitent les politiciens à considérer la taxe Tobin comme un moyen d’augmenter les recettes de l’État ;
- en Belgique, 100 organismes mènent une campagne sur la nécessité de mâter les marchés. Parmi leurs propositions, se trouve la taxe Tobin. Quatre partis politiques ont intégré cette revendication à leur plate-forme.
- un réseau finlandais mène une étude de faisabilité sur la taxe Tobin et tente de se gagner des appuis au sein du parlement européen. * pétition internationale sur l’imposition d’une taxe sur les transaction sur le marché des devises et interdiction des paradis fiscaux. Possibilité d’une manifestation monstre à Bruxelles au printemps 2000.
4. Perspectives et contradictions
Du tableau sommaire que vous venons de brosser, nous pouvons tirer les principaux constats suivants :
- La revendication pour la mise en place d’une taxe sur les transactions financières se fait de plus en plus d’adeptes dans plus en plus de pays. Le mouvement s’amplifie.
- Les perspectives d’action internationales, même si elles se multiplient, demeurent floues. De plus, la revendication n’est pas unifiée dans son libellé. Pour le moment, la lutte se mène sur le principe d’une telle taxe. Aucun débat approfondi n’a été tenu sur le taux d’une telle taxe, ni sur ses modalités de perception, sa gestion ou sa distribution. Bien qu’il soit nécessaire de mener la lutte sur le terrain du principe, il importe également de soulever ces questions de manière à unifier idéologiquement le mouvement et ainsi mobiliser un plus grand nombre d’individus et d’organismes autour de propositions claires.
- Le mouvement repose sur des coalitions d’organismes engagés sur de nombreux autres fronts (anti-AMI, anti-FMI, anti-néolibéralisme, développement alternatif, fonds éthiques, micro-crédit, droits du travail, mise en place de politiques de consommation transnationales, etc.). Cela ne peut, à terme, qu’affaiblir le mouvement. En effet, il importe qu’à l’échelle nationale et internationale, il existe un noyau dont la seule mission soit la revendication d’une taxe sur les transactions financières d’aide aux citoyens et pour l’abolition des paradis fiscaux. (C’est pour cette raison qu’Attac Québec entend demeurer fidèle à sa mission principale : « désarmer les marchés financiers ».)
- Cela ne surprendra personne, mais les États-Unis représentent le principal obstacle à la mise en place de moyens de régulation des marchés financiers et de modes alternatifs de financement des organismes de l’ONU. Sans un puissant mouvement en territoire américain, la lutte sera vaine. De fortes pressions devront également venir de l’extérieur. C’est pourquoi, une stratégie « d’encerclement » sera nécessaire.
Congrès de fondation – Montréal, 8 avril 2000 Attac Québec se consolide et se développe
Né presque spontanément à l’initiative de six personnes qui engageaient en novembre 1998 des discussions sur la pertinence de mettre en place une organisation de lutte contre l’instabilité financière et l’aggravation des inégalités économiques partout dans le monde et au Canada, Attac Québec a vu ses adhérents se multiplier à l’automne 1999 à la faveur de sa première manifestation publique articulée autour de la campagne internationale contre la nouvelle ronde de négociations de l’OMC qui devait s’ouvrir avec sa Conférence ministérielle à Seattle à la fin du mois de novembre. Ce sont 140 personnes qui répondaient à l’appel d’Attac à Montréal le 3 décembre lors de sa première assemblée publique.
Depuis lors, riche de près de 100 membres cotisants répartis dans presque toutes les régions du Québec, Attac constate la nécessité de consolider ses acquis et de se transformer en un véritable centre de mobilisation, d’information et de débats autour de l’impératif autant économique que politique de lutte contre la toute-puissance des marchés financiers et d’imposer des régulations susceptibles d’atténuer les risques de chaos financier dont ces marchés sont, par leur nature et leur dynamique mêmes, intrinsèquement porteurs. Voilà pourquoi Attac Québec mobilise ses énergies à la préparation de son Congrès de fondation qui aura lieu le 8 avril à Montréal.
Les participants au Congrès se prononceront alors sur les Statuts, la Plate-forme, des principes et un plan d’action qui guideront le travail de l’organisation pour les 12 à 15 prochains mois. De plus, on y élira un Comité de direction et décidera de la structure interne.
De grands enjeux
Le Congrès de fondation sera en fait bien plus qu’une réunion de consolidation. Il s’agira en effet de la première occasion qu’auront les membres d’Attac de décider de l’orientation politique générale de l’Association. C’est ainsi que les participants auront à asseoir les bases de développement organisationnel d’Attac : l’Association doit-elle ou non accueillir dans ses rangs des personnes morales – syndicats, organismes ou groupes communautaires, etc. – ou doit-elle plutôt demeurer un lieu de rassemblement et de mobilisation de citoyens individuels ? Quels liens doit-elle tisser avec ceux et celles qui, en dehors de la grande région métropolitaine, veulent se regrouper autour de sa plate-forme : liens de coordination et d’appui ou intégration structurelle dans ses rangs ? De quels pouvoirs son comité de direction doit-il être nanti pour assurer à la fois la vie démocratique et l’efficacité de l’organisation ?
Au chapitre de ses axes d’action, quelle place donner au travail parlementaire et comment le structurer tout en conservant sa nature non partisane ? Quelles actions sont les plus susceptibles à la fois de mobiliser le plus grand nombre de personnes et d’amener le gouvernement canadien à œuvrer encore plus activement en faveur de l’implantation d’une taxe sur les transactions financières ? Sur quels thèmes Attac devrait-elle concentrer ses efforts d’éducation ? Quelles formes ses activités d’éducation devraient-elles prendre ? Comment assurer le développement de notre crédibilité dans des dossiers de nature économique et financière – souvent techniques et dominés par des experts – sans tomber dans l’intellectualisme et l’ésotérisme « scientifique »?
En plus d’intensifier ses activités de recrutement, de financement et d’éducation, Attac entend multiplier ses interventions dans les débats politiques et idéologiques sur les questions relatives à la fiscalité, à l’évasion fiscale, à la fiscalité internationale, au secret bancaire et aux paradis fiscaux. Pour l’aider dans ces tâches, Attac entend mettre en place un comité aviseur formé d’universitaires, de spécialistes et de citoyens pour préparer des avis sur l’ensemble de ces questions trop souvent passées sous silence, débattues derrière des portes closes ou laissées entre les mains d’experts. Car, comme l’affirme notre plate-forme, il s’agit de se « réapproprier notre monde » lequel est encore dominé par ceux qui n’y voient qu’un marché et des marchandises.
Pour participer au Congrès, il suffit de devenir membre:
ADHÉRER
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