Les BIC : un projet d’éducation et de mobilisation
Le projet des BIC (Brigades d’information citoyenne) est né d’un double constat : la menace que faisait peser le néolibéralisme sur les acquis démocratiques de nos sociétés et l’absence d’information véritable dans la population, particulièrement dans la partie non ou moins organisée de celle-ci.
L’idée a été lancée il y a deux ans par Attac Québec, lors d’une rencontre internationale de l’Alliance sociale continentale à La Havane, dans le cadre de la lutte contre la ZLEA. Cet élément de la lutte a été accepté par les personnes déléguées et a été inclus dans la liste des moyens proposés pour combattre l’offensive néolibérale dans les Amériques lors de la déclaration finale. Le principe des brigades s’inspire de celles qui ont permis l’alphabétisation de la population cubaine dans les années 60, une opération jugée inégalée jusqu’à maintenant par les Nations Unies.
Le lancement
Les BIC, Brigades d’Information Citoyenne, ont pris naissance dans le Parc National du… Bic, près de Rimouski, pendant la fin de semaine du 4 au 6 juin dernier. Lancée par Robert Jasmin, d’Attac Québec, et portée par la coalition Cap-Monde (Convergence pour l’avenir des peuples du Monde), l’idée est devenue réalité.
Une centaine de personnes venues de toutes les régions du Québec et de milieux très divers – un avocat du secteur privé, une pilote d’hélicoptère, une assistée sociale, un psychologue, des étudiantes, un musicien, des syndicalistes, des retraités… et plusieurs autres – se sont réunies à l’appel de Cap-Monde pour lancer ce nouveau projet citoyen.
À l’origine, deux constats : d’une part, l’attaque frontale des droits humains par les tenants du néolibéralisme et d’autre part, l’analphabétisme politique d’une large partie de la population; analphabétisme organisé et entretenu par l’élite politique et financière néolibérale.
« La propagande des idéologues néolibéraux est telle qu’elle a même réussi, dans certains cas, à gagner l’adhésion de ses victimes », estime Robert Jasmin. « L’information étant souvent de la désinformation, ou du conditionnement, il fallait faire avancer d’un cran l’éducation populaire, et avant tout, l’information citoyenne », conclut-il.
Avancer d’un cran, c’est d’abord sortir des réseaux organisés. Il s’agit de compléter le travail déjà fermement amorcé par les centrales syndicales et les groupes communautaires au sein desquels les outils de promotion et d’information sont variés et nombreux. Il ne s’agit donc pas de faire double-emploi. Il faut faire plus et autrement, mais à partir de ce qui a déjà été fait. Ainsi, une trousse citoyenne a été confectionnée : une petite boîte de carton clairement identifiée « Trousse d’information citoyenne » et contenant quatorze fascicules est mise à la disposition des brigades.
Le texte de ces fascicules se veut accessible à toutes et à tous de manière à pouvoir faire l’objet d’analyses, de discussions et d’observations de la part des personnes regroupées au sein des brigades. Le contenu, ouvertement anti-néolibéral, se veut une antidote au discours unique dominant, une grille permettant de mieux lire et décoder les dessous des éditoriaux des grands médias ou de la propagande de l’Institut économique de Montréal.
En plus de définir et d’expliquer le néolibéralisme, on nous présente les effets de celui-ci sur les différents aspects de la vie en société tels que l’environnement, la santé, l’éducation, la culture, le travail, l’agriculture, le commerce, la répartition des richesses et les droits humains. La trousse comprend en outre une cassette vidéo produite par le SFPQ : « L’État en question. Le Québec sous un règne néolibéral. »
Le projet a obtenu l’appui et la participation de groupes, de personnalités et de syndicats des différents secteurs d’activités : l’Union paysanne, la FIIQ, la CSQ, Serge Roy, Laurent Laplante, Lorraine Guay et plusieurs autres.
« Avec les BIC, nous proposons une démarche collective de partage d’informations fondée sur une volonté d’autoformation », a déclaré Danielle Pinsonneault, une des responsables du projet, lors de la séance d’ouverture de la semaine dernière.
C’est à cette occasion que Ricardo Petrella a, lui aussi, signifié son appui au projet. Dans l’incapacité d’être présent physiquement, il a tenu à préciser, sur film, qu’une personne ne peut seule être citoyenne ou citoyen. « C’est ensemble, avec les autres, que nous sommes des citoyennes et des citoyens à part entière », a renchéri Robert Jasmin. « C’est tout le contraire du credo de Margaret Thatcher qui affirmait : “There is no such thing as society” et qui plaidait en faveur de la règle du chacun pour soi. »
Venu aussi au BIC manifester sa solidarité, le groupe Loco Locass s’est joint aux « Pitounes », de Rimouski, pour assurer la partie festive de l’événement. Leur « Libérez-nous des libéraux » a largement trouvé écho chez les participantes et participants réunis pour se libérer des néolibéraux.
Un consensus s’est vite dégagé des assises du BIC : la connaissance et l’information sont des richesses et toute richesse doit être partagée. Les brigades d’information citoyenne constituent un projet d’alphabétisation politique citoyen non partisan. Il s’agit de s’apprendre à lire les événements en partageant non seulement nos convictions, mais aussi nos doutes, nos questions, nos pratiques.
« Pour nous, déclare Lorraine Guay, le savoir est un levier de la démocratie et celle-ci repose sur une citoyenneté consciente, libre, critique et active. “Les brigades d’information citoyenne”, deviendront-elles un jour des “brigades d’intervention citoyenne” » ? La question est déjà dans l’air.
Pour l’instant, les membres de la première brigade du BIC sont repartis dans leur région respective au milieu de celles et ceux qui constitueront les futures brigades, elles-mêmes porteuses peut-être d’autres brigades en puissance.
Mais pourquoi ce choix du mot « brigade » ? La question a été posée à Robert Jasmin. « Et pourquoi pas ? Pourquoi, a-t-il fait valoir, ne pourrions-nous pas récupérer, nous approprier et utiliser par des moyens et pour des fins pacifiques un vocabulaire que certains veulent belliqueux. Le choix du mot “brigade” veut signifier clairement que les citoyens et les citoyennes peuvent s’organiser en petits groupes d’affinité pour contrer l’offensive néolibérale au moyen d’une arme de persuasion massive, l’information. »
« Et puis, de conclure Robert Jasmin, le mot a aussi des relents plus que pacifistes : pensez à un des métiers les plus doux et les plus bienveillants qui soient : celui de brigadière ou de brigadier scolaire ! »
La complicité des uns et des autres
Toute cette opération ne peut voir le jour que si nous réussissons à faire naître une solidarité active au sein non seulement des groupes de CAP-Monde, mais de tous ceux qui forment l’aile marchante (1) de la société. Nous avons actuellement une réponse très positive des uns et des autres et le projet suscite un réel enthousiasme des militantes et des militants à qui nous en avons fait part. Ces personnes proviennent d’organisations syndicales ou de mouvements sociaux, tels le SFPQ, le SPGQ, les ACEF, la Ligue des droits et libertés, Développement et Paix, etc.
L’objectif du projet
Toutes et tous conviennent qu’aucun changement politique majeur n’est possible que si une base citoyenne prend forme de façon ferme et stable. Or, celle-ci ne sera elle même possible que si nous décidons d’entreprendre cette bataille pour une éducation et une formation de celles et ceux que le monde de l’information a, au mieux, négligés et, au pire, désinformés.
Il ne s’agit pas de partir en croisade et de faire des citoyennes et des citoyens de simples conscrits. Tout au contraire, il s’agit simplement de fournir aux gens les clés et les instruments susceptibles de leur donner une meilleure compréhension de ce système qui les régit, afin qu’ils puissent en toute liberté assumer leur condition de citoyennes et de citoyens et de s’impliquer en connaissance de cause.
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