Action citoyenne pour la justice
fiscale, sociale et écologique

Prix du lobby de l’année – 4 pages d’Attac


Dans le cadre de sa campagne sur le lobbyisme, l’Action citoyenne pour la justice fiscale, sociale et écologique (Attac Québec) décerne pour la première fois en 2025 son Prix du lobby de l’année.

Ce document de 4 pages est disponible en version PDF ici.

 

Mais d’abord, qu’est-ce que le lobbyisme?

Le lobbyisme est la défense d’intérêts commerciaux par des entreprises ou des groupes d’entreprises. Si ce travail demeure légitime, il ne l’est plus quand leur capacité de persuasion devient disproportionnée. Or les lobbyistes des grandes entreprises en mènent large. Les firmes les plus prospères dépensent des montants élevés pour influencer à la fois les élu·es, les fonctionnaires et l’opinion publique. Elles agissent ainsi dans le but de hausser leurs profits. Mais leurs intérêts commerciaux ne correspondent pas nécessairement à ce que veulent les populations. Et souvent, leur influence ne s’exerce pas de façon transparente.

Par son Prix du lobby de l’année, Attac Québec souhaite « récompenser » le lobby le plus efficace. Celui qui a démontré la plus grande capacité d’influence tout en défendant une firme dont les affaires sont dommageables, soit pour l’environnement, soit pour le bien commun, soit pour la justice sociale, soit pour tout cela à la fois. Ce prix est accordé selon cinq critères1 et selon des informations colligées rigoureusement. De façon plus large, en braquant les projecteurs sur un cas précis – le gagnant de 2025 –, nous visons à démontrer le fonctionnement du lobbyisme et comment il agit, souvent à l’encontre des processus démocratiques.


Qui étaient les autres finalistes ?

    • Amazon : pour ses nombreuses rencontres avec des titulaires de charges publiques et l’obtention de nombreux contrats publics, malgré la fermeture brutale de ses entrepôts au Québec.
    • McKinsey : pour ses contrats publics remportés sans appels d’offre, à prix très élevés, et pour sa propagation de l’idéologie néolibérale, entre autres.
    • Devimco : pour son lobbyisme intensif auprès de la Ville de Montréal et du gouvernement fédéral afin de pouvoir construire ses projets immobiliers à l’abri des règlementations municipales.
    • Google : pour ses pressions faites afin d’établir de très nombreux partenariats avec des organismes gouvernementaux majeurs tant fédéraux que provinciaux.
    • Pfizer : pour avoir contribué à ce que les médicaments au Canada soient parmi les plus chers au monde, grâce à un lobbyisme exercé auprès du gouvernement fédéral.

Le gagnant : GLENCORE

Qui est Glencore?

Glencore a été fondée en 2013 par Marc Rich, un trader auparavant mêlé à des scandales financiers impliquant de la fraude, de l’extorsion de fonds, de l’évasion fiscale. Cette puissante multinationale, dont le siège social est à Baar en Suisse, cumulait un chiffre d’affaires de 231 milliards $ en 2024. Elle compte 235 filiales dans 35 pays, dont 7 au Québec. Sur son site Web, Glencore prétend être « l’une des plus grandes sociétés mondiales de ressources naturelles diversifiées et un important producteur et distributeur de plus de 60 matières premières qui améliorent la vie quotidienne ». Mais là où elle s’installe, elle est aussi reconnue pour soulever de multiples scandales. Elle a subi des procès pour corruption aux États-Unis, au Brésil, au Royaume-Uni, en Suisse et aux Pays-Bas. Elle a été impliquée dans les Paradise Papers qui ont révélé que la compagnie avait enregistré 107 sociétés dans des paradis fiscaux. Elle a été dénoncée pour ses activités minières nuisibles à l’environnement, pour corruption ou violations des droits humains dans des pays comme la Colombie, la Zambie et la République démocratique du Congo. La compagnie reste malgré tout puissante et très rentable, grâce à ses grandes capacités d’influence.

Glencore est la firme qui a le mieux répondu à nos cinq critères nous permettant de déterminer le lobby de l’année.

Glencore exerce ses activités dans différentes régions du Québec où elle est propriétaire de plusieurs compagnies.

La santé de travailleurs et de travailleuses est affectée par les activités de Glencore et de ses sous-traitants, cela lui a valu plusieurs plaintes, comme celle-ci, faites à la CNEEST (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail). Malgré tout, Glencore continue à avoir l’oreille des gouvernements qui tardent à la sanctionner et à lui imposer des changements à la hauteur des problèmes soulevés.

Au Québec, Glencore compte 17 lobbyistes enregistrés et 5 cabinets de conseil sont à son service. À Ottawa, elle emploie 1 employé et 19 cabinets-conseils. Elle fait affaire à des firmes de lobbyisme comme TACT, Fasken Martineau, National, Earnscliffe, Navigator, Sussex, Hill+Knowlton, McMillan, Vantage et d’autres. Un de leurs lobbyistes, Adam Bolek, est actuellement responsable d’un réseau de droite, le Canada Strong & Free Network.

Les registres des lobbyistes révèlent que Glencore a eu de nombreuses rencontres avec des titulaires de charges publiques. La firme a 13 mandats actifs inscrits dans le registre du Québec (Carrefour Lobby Québec) et 53 rencontres sont listées dans le Registre des lobbyistes du Canada. Il est clair qu’elle sollicite et obtient des rencontres multiples et de divers types avec des titulaires de charges publiques et se donne ainsi de remarquables capacités d’influence.

Glencore est aussi représentée par des associations industrielles (comme l’Association minière du Québec, l’Association minière du Canada et des organismes tels les chambres de commerce) et par des compagnies associées (comme CEZinc, Elk Valley Resources, Falco et Osisko). Il s’agit là d’un élément important de sa stratégie d’influence, selon les dires mêmes de la compagnie. Selon le registre fédéral des lobbyistes, l’Association minière du Canada a tenu 1049 rencontres avec des responsables politiques ou des fonctionnaires fédéraux, allant du cabinet du premier ministre jusqu’à l’ambassadeur représentant le Canada auprès de l’ONU.

Clairement, les liens étroits de Glencore avec le monde politique lui permettent de faire avancer ses intérêts. Un ancien lobbyiste de l’Association minière du Québec, Daniel Bernard, est aujourd’hui député caquiste à Rouyn-Noranda, où il a battu la députée de Québec solidaire, Émilise Lessard-Therrien, farouche critique de la Fonderie Horne.

Plusieurs reportages révèlent aussi que Glencore aurait réussi à faire plier l’ancien ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, afin que le Canada ne ratifie pas la Convention de Bâle, qui interdit l’importation de substances toxiques. Selon le registre fédéral, au moins trois lobbyistes de Glencore travaillent sur des questions liées aux traités internationaux et au traitement/recyclage de substances, une activité de la Fonderie Horne. L’entreprise affirme vouloir continuer à faire pression pour assouplir des règles, notamment afin d’importer de nouveaux déchets dangereux provenant d’une mine en Bulgarie— des résidus refusés partout ailleurs dans le monde.

Glencore dépense beaucoup pour se donner une bonne image. Obtenir la sympathie du public, c’est aussi avoir un plus grand pouvoir. Elle se montre ainsi bonne citoyenne écologique en prétendant être une actrice de la décarbonation grâce aux minéraux critiques qu’elle exploite. Elle vante ses journées opération recyclage à Rouyn-Noranda, comme si cela faisait oublier les problèmes liés au fait que la Fonderie Horne brûle des déchets dangereux provenant du monde entier.

Glencore se met aussi en valeur par ses dons et commandites : pour des paniers de Noël, à des fondations, des écoles, des hôpitaux et des organismes culturels, allouant plus de 480 000 $ annuels à des projets communautaires. Ces dons, bien qu’appréciables, voire nécessaires à plusieurs organisations, rendent bien sûr plus difficiles les critiques à son égard.

En tant que donatrice de la Fondation de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), Glencore a créé un important partenariat et la Chaire de recherche institutionnelle REGENERE UQAT — Fonderie Horne. Après avoir pollué des lacs et territoires de la région, la firme se protège en créant le Programme Éco-Fonderie, une opération d’écoblanchiment finançant, par les profits du recyclage d’appareils électroniques, des projets dans les écoles pour « limiter l’empreinte environnementale ».

La Fonderie Horne collabore financièrement à une étude dont l’objectif est de réduire les émissions de contaminants à Rouyn-Noranda, mais dont les clauses de confidentialité et de protection du secret industriel posent problèmes. De plus, ne reconnaissant pas les études de la Direction de la santé publique sur l’arsenic, la Fonderie Horne a conçu ses propres programmes de biosurveillance lui permettant de contourner les méthodologies indépendantes.

Glencore sait très bien profiter de la générosité de nos gouvernements en obtenant d’importantes subventions. Selon le Registre fédéral des lobbyistes, en 2024, elle a obtenu 646 272 $ du fédéral (notons aussi un crédit d’impôt potentiel de 150 millions $ en 2023) et plus de 2,9 millions $ du Québec (et plus de 1,8 million $ d’autres sources provinciales). Rappelons que le gouvernement du Québec lui octroie jusqu’à 2,6 millions $ en subvention pour la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, sur deux ans.

Soulignons aussi qu’en 1989, Noranda (fusionnée à Falconbridge, qui sera acquise par Xstrata, qui sera achetée par Glencore en 2013) a obtenu un prêt de 83 millions $ des gouvernements fédéral et québécois pour convertir ses émissions d’acide sulfurique en sulfates commercialisables. Grâce à cette installation, l’entreprise génère aujourd’hui environ 55 millions $ par an. Le prêt public n’a jamais été remboursé.

Glencore est-elle sanctionnée lorsqu’elle ne respecte pas les normes? Elle est parfois perçue comme étant trop puissante pour l’être. Elle a profité des exemptions prévues au Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère — un sujet fréquemment abordé dans le registre des lobbyistes — pour obtenir des dérogations à la loi et dépasser les seuils permis d’émissions polluantes. En 2019, le Dr. Horacio Arruda, alors directeur national de Santé publique du Québec, aurait même demandé de retirer d’un rapport public une annexe révélant un lien entre l’arsenic émis par la Fonderie Horne et un risque accru de cancer du poumon à Rouyn-Noranda. L’emprise de la compagnie sur cette ville remonte à la fondation de cette dernière (lire Voyage au bout de la mine de Pierre Ceré), elle y joue même un rôle dans l’approvisionnement en eau potable.

Une de nos demandes d’accès à l’information nous a permis de constater que la filiale CEZinc, avec la permission de la Ville de Salaberry-de-Valleyfield et du ministère de l’Environnement, a obtenu des autorisations pour agrandir un site de résidus, malgré les risques environnementaux posés à un milieu humide.

Glencore n’est pas une grande utilisatrice du similitantisme (ou astroturfing) au Québec, cette pratique très critiquable consistant à créer de fausses organisations de la société civile pour contrecarrer l’opposition à un projet. Elle l’a pourtant fait en Australie, en créant le Project Ceasar pour défendre l’utilisation contestée du charbon. Au Québec, elle a néanmoins mis en place une page Facebook intitulée J’appuie la Fonderie, visant à façonner l’opinion publique en sa faveur.

Influencer… dans quels intérêts?

Glencore s’est servie de son immense capacité d’influence pour « accroître durablement le rendement total pour les actionnaires », comme elle le dit sur son site Web. Ce qui va trop souvent à l’encontre des intérêts de la population du Québec. Cette influence, qui lui permet d’accumuler des profits colossaux, est disproportionnée face à celle des individus et des associations qui, contre Glencore, essaient de défendre le bien commun, l’intérêt public, le droit à un environnement sain.

L’influence de Glencore lui permet de contrôler les lois qui l’affectent, de limiter les campagnes citoyennes contre ses activités, d’éviter de rendre des comptes concernant les effets négatifs de ses pratiques industrielles.

Mobilisons-nous! Suivez la campagne sur le lobbyisme d’Attac Québec et contactez-nous à quebec@attac.org si vous voulez vous impliquer!

Image campagne lobbyisme

Avec l’appui de ces organisations alliées :
Comité ARET de Rouyn-Noranda
Regroupement Vigilance Mines Abitibi-Témiscamingue (REVIMAT)
Mining Watch Canada
RevolvAir
Mères au front

  1. Ce document donne des exemples, sans prétendre à l’exhaustivité. Les sources sont dans la version Web/PDF, pas dans la version imprimée. ↩︎

 

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