Par Sujata Dey et Claude Vaillancourt
La présence d’un président hors contrôle aux États-Unis pose des défis que nous n’aurions jamais imaginés il y a à peine plus d’un an. Depuis sa prise du pouvoir, l’accumulation de mesures d’extrême droite est si importante qu’on ne sait plus par où commencer quand il s’agit de les dénoncer. Une grande partie de ces mesures affectent les populations bien au-delà des États-Unis : nous assistons à un triste spectacle sans capacité d’intervenir.
Parmi ce que nous devons subir : des droits de douane absurdes, un désengagement majeur dans le financement de la recherche scientifique, une censure impitoyable et des reculs considérables, voire un négationnisme, dans la lutte contre le réchauffement climatique; tout cela transforme le monde, sous les coups d’une charge réactionnaire jamais vue depuis longtemps.
Membre depuis 22 ans, j’espère qu’Attac Québec poursuivra pour un autre 25 ans. On aura sans doute encore besoin de remettre en question la domination du capital, et la légitimité de la taxation des transactions financières. Si on en n’a plus besoin, ce sera parce qu’Attac aura contribué à créer un monde où domine plutôt une organisation sociale basée sur la coopération et le capabilisme (voir l’excellent bulletin L’Aiguillon d’avril 2024).
Bravo! Ne lâchons pas!
Roger Lanoue
Les répliques se font décevantes dans notre classe politique. Au Canada, les deux principaux partis fédéraux se laissent emporter par une grande vague démagogique qui leur fait annoncer de dommageables baisses d’impôts et considérer les problèmes environnementaux comme secondaires. Le parti libéral a cyniquement choisi d’emprunter de larges pans du programme du parti conservateur pour semer la confusion et conserver le pouvoir.
De leur côté, les marchés financiers qui ont accueilli la victoire Trump avec enthousiasme subissent maintenant un dur lendemain de veille et ne savent plus où donner de la tête devant l’imprévisibilité du président des États-Unis.
Les oligarques au pouvoir
La montée de Trump s’accompagne malgré cela d’un enrichissement des oligarques qui prospèrent par des politiques qui sabrent la réglementation, réduisent leur fardeau fiscal et leur permettent de s’accaparer des contrats publics. À l’inauguration de la présidence de Donald Trump en 2025, on voyait tout juste derrière lui les PDG de Google, Facebook, Amazon, Tesla, Apple et TikTok, unis dans une étrange collusion. On les appelle les GAFAM, mais ce sont bien plus que des entreprises : ils sont de véritables oligarques numériques, dont l’influence politique ne cesse de croître, aux États-Unis comme ailleurs.
Selon Luke LeBrun, les plateformes comme YouTube et Facebook ont déjà contribué à créer un écosystème politique parallèle au Canada où prospèrent les théories du complot, la haine et les mouvements antidémocratiques. Ce n’est pas une erreur du système. C’est le système : là où la polarisation et l’indignation génèrent des clics, des revenus… et du pouvoir.
Chez nous, le pouvoir oligarchique prend un autre visage. Face à la montée de l’extrême droite et les menaces de Trump, les lobbys économiques bien établis voient une opportunité en or pour imposer leur programme. Le Conseil canadien des affaires, par exemple, milite activement pour une déréglementation accrue — saluant même le retour de Trump comme un appel à l’action pour accélérer l’intégration économique nord-américaine au détriment des protections sociales, environnementales… et linguistiques D’autres veulent relancer des projets extractivistes comme Énergie Est ou LNG Québec, contre la volonté de nombreuses communautés et experts climatiques, pour tisser des relations commerciales avec d’autres pays. Plusieurs veulent aussi « éliminer les obstacles au commerce interprovincial » — une formule apparemment neutre, mais qui vise la langue française, les normes professionnelles québécoises et plus largement, toute forme de souveraineté politique au nom du libre-marché.
Dans ce contexte, la démocratie devient un terrain de jeu pour celles et ceux qui ont les ressources d’y jouer à leur avantage. Les citoyen.ne.s, par contre, n’ont ni firmes de relations publiques, ni accès VIP aux cabinets ministériels pour faire valoir leur point de vue.
Pour les droits du peuple palestinien

Manifestation en soutien à la Palestine, mars 2025
Attac Québec, avec les autres groupes Attac dans le monde, se mobilise pour les droits du peuple palestinien aux côtés d’un grand nombre d’organismes et de citoyen·nes. Nous avons exigé que le Canada prenne position en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza et en Palestine et pour le respect du droit international par tous les acteurs du conflit actuel. Nous appuyons et participons aux actions de la Coalition du Québec Urgence Palestine exigeant, entre autres, un cessez-le-feu complet et permanent; la fin du « blocus total » imposé par Israël depuis octobre 2023; la libre circulation de l’aide humanitaire; le retrait des troupes israéliennes de Gaza. Nous avons interpellé la Caisse de dépôt et placement du Québec dans le cadre de la campagne Sortons la Caisse des crimes en Palestine.
Nous ne pouvons simplement pas nous taire devant l’ampleur de l’injustice, des souffrances et de la destruction que subit le peuple palestinien, à Gaza mais aussi dans les territoires occupés illégalement par l’armée et les colons israéliens. Nous ne pouvons pas faire semblant que le conflit actuel aurait commencé le 7 octobre 2023, à la suite de l’offensive criminelle du Hamas, alors que des dizaines de résolutions de l’ONU attestent du contraire et des violations répétées des droits de ce peuple par l’État d’Israël, en toute impunité, depuis des décennies.
En mars 2024, la rapporteuse spéciale de l’ONU sur Gaza avait déjà pointé le risque du génocide en cours à Gaza. Il se confirme plus que jamais au moment d’écrire ces lignes, un an plus tard, après plus de 53 000 personnes tuées, plus de 119 000 blessé·es, plus de 11 200 disparu·es et quelque 2 millions de personnes risquant aujourd’hui l’insécurité alimentaire sévère, voire la famine, subissant ordres d’évacuation, bombardements et déplacements sans fin[i]. Tout cela doit cesser de toute urgence! La mort et la déshumanisation de l’Autre, quel qu’iel soit, ne conduiront jamais à la sécurité et à la paix. En ce 25e anniversaire d’Attac Québec, à notre modeste échelle, nous réaffirmons notre solidarité avec le peuple palestinien avec tous ceux et celles qui luttent pour le respect des droits humains et des droits international et humanitaire, criant : Halte au génocide à Gaza!
Attac Québec joue un rôle essentiel pour mettre en lumière les enjeux de justice sociale et économique. Lors de mon implication au sein de l’association, j’ai pu constater sa capacité à mobiliser les citoyennes et les citoyens contre la financiarisation et pour une économie plus équitable et plus écologique. À travers ses événements, ses publications et ses actions militantes, Attac Québec a su créer un espace de réflexion et d’engagement d’une rare qualité. Aujourd’hui, alors que l’association célèbre son 25e anniversaire dans un contexte mondial inquiétant, son travail est plus essentiel que jamais!
Longue vie à Attac-Québec!
Qu’elle continue d’inspirer et de renforcer les luttes pour un monde plus juste!
Dominique Bernier
Continuer nos combats
Une association comme la nôtre est prise au dépourvu devant des changements si brutaux et rapides. Comment maintenir nos campagnes devant tout ce qui arrive? Comment agir devant le rouleau compresseur actionné par Trump et Musk, devant la transformation des rêves les plus fous de l’extrême droite en réalités bien concrètes?
D’abord déconcerté par le résultat stupéfiant des élections aux États-Unis, le mouvement social commence à s’organiser. On dénonce Trump dans de grandes manifestations aux États-Unis et ailleurs même au Québec, on proteste contre Musk et ses compressions barbares en s’en prenant à sa marque fétiche, les voitures Tesla, on enterre les discours des élus républicains sous les huées dans les assemblées publiques. Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez mènent leur charge en dénonçant la puissante oligarchie qui a pris le pouvoir.
Les associations militantes ont le devoir de poursuivre leur travail contre vents et marées, de s’accrocher à ce qu’elles défendent, parce que le pire actuellement serait de démissionner. En cette année où nous fêtons le 25e anniversaire d’Attac Québec, le rappel de nos actions passées nous permet de constater à quel point nous avons été pertinent.e.s, ce qui doit stimuler nos nouvelles actions.
Ainsi, notre campagne sur le lobbyisme reste essentielle. Nous voulons exposer les mécanismes invisibles — ou volontairement opaques — par lesquels quelques acteurs économiques capturent nos institutions. Nous voulons surtout redonner le pouvoir aux citoyen·nes, à celles et ceux qui vivent les conséquences de décisions prises trop loin d’eux.
Les oligarques, numériques ou industriels, n’ont pas de légitimité démocratique. Mais ils auront toujours de l’influence tant que nous ne nous organiserons pas, collectivement, pour la leur reprendre.
👉 Restez à l’écoute : nous lancerons bientôt notre « Prix du lobby de l’année » — pour dénoncer les pires abus d’influence au Québec et nos recommandations pour changer les lois et politiques sur le lobbyisme au Québec.
Pour en apprendre davantage :
– Saqué, Salomé, Résister, Éditions Payot, Paris 2024
– Cadwalladr, Carole, «How to survive the broligarchy: 20 lessons for the post-truth world», The Guardian, 17 novembre 2024
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