Bâtiment 7 n’est plus un projet. Depuis un an, «ce rêve fou d’autogestion» s’est réellement incarné dans le quartier Pointe St-Charles. Rappelons qu’il a fallu au moins 10 ans de luttes citoyennes pour qu’en avril 2018, les portes du B7 s’ouvrent enfin à la population. Grâce à ce travail titanesque, cet ancien bâtiment ferroviaire est maintenant un lieu convivial de rencontres et de vivre-ensemble.
Une brasserie et une épicerie
Au premier regard, deux enseignes sont fièrement affichées. «Les sans-Tavernes» (bar, brasserie, coop) et l’épicerie «Le Détour». Les locaux sont maintenant aménagés et fonctionnels. Le bar et sa terrasse sont remplis en cette belle fin d’après-midi. Y règne une ambiance amicale et joyeuse où l’on peut circuler d’une table à l’autre, tout en dégustant une de la dizaine de bières brassées ici même. Les enfants y sont les bienvenus, ce qui a demandé de nombreuses démarches administratives. Tout à côté, la coopérative alimentaire Le Détour offre des choix variés : légumes et fruits frais, pain artisanal, produits exotiques, produits en vrac, etc. à des prix très abordables. La gestion de la coopérative a demandé et demande encore plusieurs heures de travail par semaine (travail de coordination rémunéré, mais permanence bénévole en alternance). Sans doute grâce à la qualité de la gestion et de la participation citoyenne, Le Détour n’est pas en déficit et a atteint un de ses objectifs : créer une alternative au désert alimentaire du quartier. Il y a également un jardin qui vient tout juste de prendre vie. Les jardiniers débrouillards s’inspirent des objectifs de la permaculture : augmenter l’autonomie alimentaire tout en pratiquant une agriculture respectueuse des écosystèmes.
Un écosystème en évolution constante
Les ateliers tels qu’ils avaient été décrits lors de l’ouverture semblent s’articuler comme prévus. Ceux-ci sont maintenant remplis d’activités. Après un an de fonctionnement, l’atelier de soudure La Coulée a organisé une exposition de sculptures où se côtoient artistes plus expérimentés et nouveaux étudiants. Et à même cette grande salle communautaire, Francine Bernier a mis sur pied une bibliothèque, « La Boite à Volumen » 1 . Cette initiative permet la circulation des livres et crée un espace d’échanges informels. Selon l’inspiration et les disponibilités, plusieurs projets citoyens peuvent être proposés et créés, car Bâtiment 7 est un écosystème en évolution. Ainsi, cinq groupes militants, partageant les mêmes valeurs de vivre-ensemble, ont été accueillis pour partager l’espace, par exemple Kabane 77. 2 La « Fabrique d’autonomie collective » a réussi le pari de départ : cette « propriété » commune est formée de cercles de réflexion et de décisions qui forment un écosystème avec les ateliers collaboratifs et les pôles de pratique. Chaque collectif qui occupe un espace commun en est responsable : il doit le respecter, le rendre accessible à tous, et véhiculer les valeurs de l’ensemble du commun, dont la gestion directe et inclusive. Il doit également contribuer au financement de l’ensemble en accord avec les règles définies dans les cercles de délibération 3. Cent nouveaux membres ont été intégrés et formés au processus de l’autogestion. Rompre avec le paradigme de la propriété privée et de la gestion hiérarchisée et appliquer les principes des communs «4 est un processus de transformation sociale à long terme qui est nécessairement ponctué d’avancées et de reculs. Choisir la démocratie directe comme mode de partage est éminemment politique et rejoint les objectifs de la Pointe libertaire, un des groupes fondateurs.
Les objectifs et les stratégies qui ont été définis pour la deuxième année se lisent ainsi : «construire un récit collectif pour mieux se positionner politiquement» (confié au cercle de « positionnement » et à celui de «Démocratie»), «tisser des liens forts avec la communauté» (sous la responsabilité des cercles «accueil» et «entretien»), « organiser des chouettes corvées pour créer le sentiment d’appartenance» (cercle «accueil» et «projets extérieurs»), etc. Quelques membres rencontrés qui ont participé à ces échanges et à l’élaboration de ces objectifs, se disent vraiment satisfaits du processus.
Un laboratoire de solidarité
L’autogestion par la démocratie directe fait de Bâtiment 7 un laboratoire passionnant. La détermination de ce groupe citoyen qui a réussi à articuler et concrétiser des principes de vivre-ensemble suscite l’admiration et, souhaitons-le, un mouvement de solidarité. Cet élan solidaire devra se manifester bientôt car un risque d’enclosure menace déjà l’intégrité physique du Bâtiment 7. Des condos seraient bâtis à même le terrain de l’immeuble à une proximité telle, qu’ils restreindraient considérablement l’espace vital nécessaire à un immeuble collectif voué à une vie communautaire. Le nouveau jardin est situé tout juste à côté et ne pourrait s’étendre. Un terrain destiné à la détente et aux festivités serait alors condamné, etc. (le terrain appartient toujours à Vincent Chiara du groupe Mach 5 ). La décision de permettre ou non cette expansion immobilière revient en dernier recours à la Mairesse Valérie Plante. Mais sans un vaste mouvement de solidarité, il est fort à craindre que la vue de ces quelques condos rappelle la vulnérabilité des communs. L’aventure de Bâtiment 7, du groupe Collectif 7 à Nous ne devrait pas rester unique. Bâtiment 7 pourrait être un modèle pour d’autres projets similaires, mais des tentatives récentes de réappropriation d’immeubles désaffectés en communs se sont mal terminées. «On» tolère à Pointe-St-Charles, semble-t-il, mais «on» ne veut surtout pas que ça se répande… Que souhaiter à Bâtiment 7 pour sa deuxième année d’existence? Que les projets de CPE et de chambres des naissances deviennent réalité, que ce commun soit partagé entre toujours plus de militants et surtout que cette inspiration donne vie à d’autres, un peu partout à Montréal et au Québec. Merci d’exister, Bâtiment 7 et bonne continuation de vie!
Notes
- Si vous avez des livres que vous n’utilisez pas, Francine Bernier serait heureuse de les récupérer
- Ce groupe luttait pour obtenir l’immeuble désaffecté du 77 rue Bernard (dans le Mile-end) et souhaitait créer une dynamique semblable à Bâtiment 7. Malgré un certain appui populaire, ils n’ont pu compter sur le support de l’arrondissement et de la Ville http://www.kabane77.org/.
- Le processus est complexe et en expérimentation constante, aussi il est difficile d’en rendre compte avec précision pour l’instant
- Les “communs” (ou biens communs) sont des ressources gérées par une communauté, qui en définit les droits d’usage, organise son propre mode de gouvernance, et défend les ressources contre les risques d‘enclosure. Il peut s’agir d’une communauté locale gérant une ressource matérielle.», source : Wikipédia
- Au fil des ans, Mach multiplie les acquisitions et ajoute à son portefeuille immobilier de nombreux immeubles en plus d’acquérir d’importants intérêts dans des immeubles prestigieux à Montréal, tels l’immeuble de la
Tour de la Bourse, la Tour ClBC, l’immeuble Imperial Tobacco et l’Édifice Sun Life pour n’en nommer que quelques-uns. ( Le monde juridique, 26 juin 2017). Il est en mai 2019 en lice pour acquérir Air Transat
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