Du 9 au 14 août prochain, se tiendra à Montréal le 16e Forum social mondial (FSM), pour la 1ere fois dans un pays du Nord. Différents auteurs montrent l’importance de ce grand rassemblement de la société civile mondiale comme espace de dialogue et de convergence. Ce que l’on peut en espérer est que la compréhension des défis auxquels est confronté le monde actuel dynamise l’action de tous ceux qui militent pour construire un monde meilleur.
Le bulletin fait également le point sur la situation de 2 pays phares de la gauche latino-américaine – Bolivie et Brésil – confrontés à un tournant de leur histoire.
Les rideaux sont tirés sur la COP 21. Si elle a constitué un indéniable succès politique en amenant 195 pays aux intérêts très diversifiés à s’engager à lutter contre les changements climatiques, dans une perspective citoyenne il est certain que l’entente signée – à cause de la cible fixée et surtout parce qu’elle constitue une position de principe non contraignante – ne sauvera pas la planète. De conférence en conférence, une évidence s’impose : le monde doit changer, mais la planète ne sera pas sauvée par les politiciens, ni par les ententes internationales. Un autre constat s’impose : malgré les rapports alarmants qui montre l’urgence, le combat contre la dégradation de la planète peine à mobiliser les citoyen-ne-s comme si, parce que les causes sont lointaines et invisibles, de cette information, résultait un déni de la réalité ou – pire encore – un sentiment d’impuissance et un repli sur l’individualisme. Une question se pose dès lors : comment mobiliser les masses dont le seul horizon est la visite au centre d’achat la fin de semaine ? Comment susciter ce grand élan global indispensable pour rendre possibles les changements de mode de vie et les révolutions économiques sans lesquelles nous sommes voués à disparaître. D’abord il faut changer notre vision du monde et notre message pour que l’écologie ne soit plus perçue comme une contrainte, mais comme une opportunité. Que réduire notre dépendance au pétrole ne soit plus seulement la perte de milliers d’emplois et d’une certaine liberté, mais l’ouverture sur une autre vision d’un monde qui n’est pas totalement à inventer, mais qui existe déjà en germes ailleurs sur la planète. Que notre rapport à la terre doit changer pour cesser de la voir comme un ensemble de ressources à exploiter – ou pire encore le lieu où déposer nos rejets sous forme de pollutions diverses – mais comme une alliée à protéger. Déconstruire certaines vérités établies pour expérimenter des fondements différents à notre vie collective. Sortir de l’impasse économique actuelle – fondée sur l’extractivisme, le consumérisme et la course à la croissance sans fin – pour montrer que de nouveaux modèles existent avec de nouveaux emplois, de nouvelles façons de vivre et de travailler dans des économies différentes basées non plus sur des rapports d’exploitation, mais sur la collaboration, la solidarité et le partage. De nouveaux modes de vie qui ne sont pas un retour en arrière vers une vie austère et triste, mais l’utilisation des nouveaux moyens technologiques pour les mettre au service des humains et non de l’ogre capitaliste et du profit. Mais le plus important sans doute est de montrer que ces changements ne sont pas des utopies, mais que des dizaines de milliers de personnes partout dans le monde les expérimentent déjà et tracent la voie d’un nouveau monde. Depuis son existence, le Forum social mondial a été ce lieu stratégique et rassembleur où des militants venus de continents différents ont partagé leurs expériences et leurs luttes. S’il constitue un lieu de dialogue et d’échange, il est également un amplificateur des luttes locales et un puissant moyen pour faire connaître ces nouvelles pratiques. Alors qu’il se tiendra cet été à Montréal, pour la 1re fois dans un pays du Nord, il constitue une formidable opportunité pour faire converger – et surtout faire connaître – ces nouveaux mondes en émergence pour insuffler un réel processus de transformation.
Les auteurs sont membres du collectif d’organisation du Forum social mondial Montréal 2016 Du 9 au 14 août prochains, le Forum social mondial (FSM) se tiendra à Montréal, de l’UQAM à l’Université Mc Gill, en passant par le CEGEP du Vieux Montréal et le Quartier des spectacles. Pour l’édition 2016 de cet événement phare du mouvement altermondialiste, plus de 50 000 personnes sont attendues, dont les représentant-e-s de 5 000 organisations de 120 pays, pour participer à plus de 1 500 activités. Pour la première fois de son histoire, ce grand rassemblement de la société civile mondiale visant à trouver des solutions aux problèmes de notre temps sera organisé dans un pays du Nord. Cela soulève de nombreux défis, mais offre aussi de grandes opportunités pour les mouvements sociaux et citoyens du Québec. Nous abordons ici ces différents enjeux à partir de trois questions.
1. Pourquoi tenir un FSM au Nord ?
Depuis son apparition en 2001, le FSM s’est toujours tenu dans un pays du Sud (Brésil, Inde, Venezuela, Mali, Pakistan, Kenya, Sénégal, Tunisie). La symbolique visait à opposer le Nord, où se concentre le pouvoir politique et économique mondial, au Sud, où se rassemble la majorité de la population qui vit sous le joug des puissances du Nord. Puisque le Forum économique mondial se tient chaque année à Davos (Suisse), symbole du paradis bancaire, alors le Forum social mondial devait se tenir au Sud, en commençant par Porto Alegre (Brésil), symbole de la démocratie participative. En opposant ainsi symboliquement la participation populaire des masses du Sud au pouvoir de l’argent de l’élite du Nord, on souhaitait illustrer la fracture du monde engendrée par la mondialisation néolibérale. Or, le monde a évolué depuis 2001. Certes, fondamentalement la dynamique n’a pas changé et les inégalités sociales continuent de se creuser. Cependant, les crises qui se multiplient ébranlent l’ordre actuel. Alors que le modèle de la civilisation occidentale, industrialiste, individualiste et consumériste atteint ses limites sociales et écologiques, de nouveaux mondes émergents en Asie, en Amérique latine, avides de prendre enfin leur place. Aujourd’hui, la distinction Nord/Sud ne fait plus sens. Il y a désormais du Nord au Sud et du Sud au Nord. La ligne de fracture majeure n’oppose plus des pays de part et d’autre de l’équateur, mais parcourt l’ensemble des sociétés, opposant des élites qui monopolisent richesses et pouvoirs, aux masses de gens qui survivent dans un monde sur lequel ils n’ont plus vraiment de prise. La démocratie a cédé la place à une oligarchie mondiale qui impose ses règles partout. La chose est devenue évidente depuis la crise de 2008, ce qui a provoqué une vague de mobilisations qui, depuis 2011, se répand aux quatre coins du monde (Printemps arabe, Indignés espagnols, manifestants grecs, mouvance Occupy de New- York, Tel-Aviv, Berlin, Rio, Montréal, Istanbul, Sarajevo, Hong Kong…). Les peuples bougent, manifestent, s’indignent et s’insurgent partout. Il importe désormais de faire le lien entre toutes ces formes d’indignation, de faire converger l’ensemble de ces aspirations au changement. Nous pensons que le Forum social mondial, en tant qu’espace de rassemblement de toutes les forces progressistes qui souhaitent concrétiser ces autres mondes nécessaires en émergence, peut favoriser cette convergence. Nous pensons qu’il est désormais temps que les peuples du Nord sortent de leur apathie et rejoignent le combat des peuples du Sud pour construire un monde différent. Car tel est l’un des buts du FSM : stimuler les luttes locales et renforcer la convergence des organisations de la société civile locale et globale pour insuffler un réel processus de transformation. Depuis sa création, le FSM s’est majoritairement tenu en Amérique latine, et cela a coïncidé avec la vague d’élections de gouvernements de gauche dans cette région du monde. Il ne faut pas voir là un lien de cause à effet. Cependant, cela témoigne de la grande vitalité des mouvements sociaux et des organisations de la société civile du Sud de notre continent, et surtout de leur capacité réelle à influencer le jeu politique et, finalement, les choix de société qui sont mis de l’avant. Au regard des gouvernements conservateurs et néolibéraux qui se multiplient en Europe et en Amérique du Nord, il est clair que la dynamique est totalement différente. Ce qui nous amène à penser que sur le plan du progressisme, ainsi que de la force politique des mouvements sociaux et de la vitalité de notre société civile, nous sommes dramatiquement sous-développés. En somme, pour changer le monde, les mouvements sociaux du Nord ont aujourd’hui besoin de la force de ceux du Sud. Un peu comme les printemps arabes ont précipité les mouvements d’indignation et d’occupation en Europe et en Amérique du Nord, il est aujourd’hui temps que le Nord reçoive le FSM pour profiter à son tour de son énergie transformatrice. Nous avons besoin d’un évènement de grande envergure pour provoquer le changement, pour que la volonté d’en finir avec l’oligarchie et le néoconservatisme prennent le dessus. Nous sommes convaincus que c’est au cœur de l’empire qu’il faut désormais organiser un FSM et le faire dans un esprit de convergence et de complémentarité avec l’ensemble des initiatives progressistes qui émergent partout sur la planète. Imaginons quelques instants dans quel monde nous vivrions si des gouvernements progressistes à l’écoute des mouvements sociaux et citoyens étaient aux commandes de la majorité des pays du G8 ?
2. Pourquoi avoir choisi Montréal ?
En décembre 2013, lorsque nous avons soutenu la candidature de Montréal devant le Conseil international du FSM, le Québec est apparu comme l’endroit idéal pour tenir la première édition nordiste du FSM pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’immense vitalité des mouvements sociaux que révélait le printemps érable de l’hiver 2012 a convaincu. Les images de la jeunesse bravant durant des mois l’autorité d’un gouvernement totalement hermétique aux demandes sociales a donné de l’espoir à nombre d’activistes à travers la planète (et surtout dans les pays dits développés), qui se sont dit, au Nord aussi c’est possible de se mobiliser et de remporter des victoires. Non la jeunesse n’est pas apathique, et elle peut même être une véritable force de changement. Oui, il y a un avenir pour les mouvements sociaux. D’ailleurs, depuis les grèves étudiantes de 2012 au Québec, les luttes se poursuivent de manière ininterrompue. Mentionnons les mobilisations contre les politiques d’austérité, l’action des mouvements environnementaux et la mobilisation du mouvement syndical dans le cadre des négociations du secteur public. L’autre élément important, c’est l’enracinement de l’altermondialisme et des forums sociaux au Québec. Depuis 2001, plusieurs centaines de Québécois-e-s ont participé aux différentes éditions du FSM partout sur la planète. Nous avons aussi déjà organisé deux forums sociaux québécois (2007 et 2009) qui ont rassemblé plusieurs milliers de personnes. Il existe par ailleurs une dynamique régionale des forums sociaux au Québec, puisque des forums sociaux locaux se sont tenus à Québec-Chaudière Appalaches, au Saguenay-Lac St-Jean, en Mauricie, en Outaouais, à Laval, dans Lanaudière, Montréal Nord, Anjou, au Bas-St-Laurent… Finalement, l’organisation du premier Forum social canadien (le Forum social des peuples à Ottawa en août 2014) a témoigné d’un nouveau déploiement de la mouvance altermondialiste au Canada. Ce forum a permis d’élargir la dynamique des forums sociaux à l’ensemble canadien et auprès des peuples autochtones. Nous disposons ainsi, au Québec et au Canada, des connaissances, des réseaux et de l’expertise nécessaires pour accueillir à notre tour le FSM.
3. Que pouvons-nous apporter de plus au mouvement altermondialiste en organisant le FSM chez nous ?
Le prochain FSM devra bâtir sur les acquis des Forums précédents : il sera à la fois un amplificateur des luttes locales, un espace de dialogue et de convergences des mouvements locaux et globaux et un moment de construction d’une compréhension commune des enjeux, esquissant des pistes d’action à tous les niveaux. Mais il devra aussi relever de nouveaux défis afin de dynamiser les luttes sociales au Nord et ailleurs, notamment en faisant la jonction entre les mouvements récents d’indignation et d’occupation (Printemps arabes, Printemps québécois, Occupy, Indignés, Idle No More…) et la mouvance altermondialiste qui se rassemble au FSM. Le FSM de 2016 doit faire la jonction avec les nouvelles pratiques de contestation sociale qui émergent depuis 2011. Il faut que ces multiples espaces de mobilisation sociale et politique dialoguent et se renforcent les uns les autres. Le FSM 2016 doit permettre de rapprocher les mouvements sociaux traditionnels (syndicats, ONG, groupes communautaires…) avec les nouvelles générations de militants, plus fugaces et spontanés, qui émergent actuellement. Ce pari du renouvellement des pratiques sociales de contestation et de mobilisation, nous entendons le relever grâce à la méthodologie que nous déployons tout au long du processus organisationnel du FSM 2016. En effet, nous concevons le FSM 2016 comme un processus collectif et humain qui repose sur 5 grandes valeurs : l’inclusion et l’ouverture, la transparence, l’horizontalité, l’autogestion et l’indépendance. Il s’adresse à tous les citoyen-ne-s et organismes militants qui souhaitent s’y impliquer. Il entend, favoriser la convergence entre organisations et l’engagement militant personnel durant tout le processus organisationnel et pas uniquement lors de l’évènement, comme ce fut trop souvent le cas dans les FSM précédents. Concrètement, tout cela se réalise à travers l’implication des organisations et des personnes dans les 6 groupes de travail du Collectif FSM 2016, ainsi que dans les comités autogérés qui prennent en charge l’animation de thématiques spécifiques au sein du FSM 2016. À ce jour, plus de quinze comités autogérés sont en fonctionnement. Par ailleurs, le Forum pourra s’affirmer en tant qu’espace décentralisé et mondial, en utilisant le potentiel d’Internet pour favoriser la tenue d’activités à distance, mais en relation avec le FSM 2016. Concrètement, le Forum social mondial dispose de trois qualités fondamentales. Tout d’abord, en tant que moment d’échange entre militants, activistes et citoyen-ne-s du monde entier, il permet de passer de la réflexion à l’action et, en ce sens, suscite une large prise de conscience des enjeux et des luttes en cours. Ensuite, en permettant aux activistes de se rencontrer, de se connaître et de se relier entre eux, le FSM constitue un formidable outil de réseautage, du niveau local à l’échelle globale. Finalement, comme espace de convergence entre organisations et mouvements autour de campagnes, d’actions et d’initiatives communes, le FSM nous rend plus fort et donne de la visibilité à toutes les luttes spécifiques. Le FSM 2016 se tiendra au Canada dans un nouveau contexte politique. En effet, lors des élections d’octobre 2015, la population canadienne a chassé le gouvernement conservateur qui, depuis 10 ans, menait une politique économique ultralibérale appuyée sur un extractivisme prédateur et un fort conservatisme social. La lutte contre les sables bitumineux et les oléoducs au Canada, la mobilisation des peuples autochtones pour leurs droits, la force des mouvements sociaux contre les politiques d’austérité et le néolibéralisme, ont contribué à ce changement politique. Il importe aujourd’hui de saisir l’opportunité de la tenue du FSM 2016 à Montréal pour dynamiser encore davantage les luttes et profiter de cet élan de solidarité internationale pour élargir nos bases militantes et promouvoir des actions concrètes. C’est le moment de partager avec la société civile mondiale et les mouvements sociaux d’ailleurs, nos luttes, mais aussi nos victoires, de manière à mutualiser nos expériences militantes, sortir de notre isolement et nous renforcer les uns les autres. Dans la construction de ces autres mondes en gestation, il importe d’apporter notre contribution. Parce que d’autres mondes sont nécessaires, et ce n’est qu’ensemble que nous les rendrons possibles.
Plusieurs grandes organisations environnementalistes se sont réjouies de l’entente signée à Paris à la suite de la dernière Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21). Elles considèrent que l’intention de maintenir le réchauffement climatique à moins de 20C est une victoire considérable, et que l’entente constitue à elle seule un bel exploit, puisqu’elle a réussi à rassembler 195 pays aux intérêts très diversifiés, parfois contradictoires. Mais les militantes et les militants réunis au contre-sommet, d’abord à Montreuil, puis à Paris, prétendent que COP21 est un échec. Ils s’inquiètent surtout de l’absence de contraintes dans l’accord : une position de principe a peu d’impact si on ne prend pas des moyens fermes pour forcer les pays à la soutenir. D’autres faiblesses de l’accord ont été soulevées : un financement insuffisant pour combattre les effets des changements climatiques et favoriser une véritable transition écologique; des échéances trop longues pour évaluer les résultats, alors que le problème nécessite des réactions dans des délais particulièrement serrés. De plus, ces groupes ont dénoncé l’adhésion à de « fausses solutions », comme la bourse du carbone, ou la captation et le stockage du carbone dans le sol ou les océans. Le milieu environnementaliste est donc sorti divisé de cette rencontre internationale. Plusieurs grandes ONG, comme Greenpeace et Sierra Club à l’international, ou Équiterre et l’AQLPA au Québec, ont suivi de près les négociations officielles qui se déroulaient au Bourget, en banlieue de Paris. Elles ont tenté d’influencer le résultat final par un lobbyisme allant à contresens de celui très persistant des grandes entreprises. Se considérant un peu comme partie prenante du résultat final, il devenait difficile pour elles de ne pas s’en réjouir. Pour d’autres groupes, comme la Coalition Climat 21, Attac, les Amis de la Terre, Via Campesina, Alternatiba, les jeux étaient faits avant même l’ouverture de la conférence. Des brouillons de l’accord circulaient, et les longs mois de préparation du sommet permettaient de savoir quelle en serait l’orientation générale. Le résultat de la conférence a d’ailleurs été celui anticipé, même si certains s’étaient permis d’espérer une meilleure entente. Il y a donc une unité à reconstruire au sein du mouvement environnementaliste. Les enjeux devant nous sont beaucoup trop importants pour que ce dernier puisse s’affaiblir à long terme par des divisions. Un point de vue semblait partagé par tous au lendemain de la COP21 : l’Accord ne permettrait pas d’arriver à des résultats satisfaisants sans une très importante pression populaire pour rappeler aux élus leurs engagements. Il serait donc possible de retrouver une certaine unité en stimulant des actions allant en ce sens. Des cibles communes peuvent être rassembleuses. Au Québec, par exemple, il devient essentiel d’empêcher la construction de l’oléoduc Énergie Est. Le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) considère qu’il faut laisser 80% des réserves de pétrole, de gaz ou de charbon sous terre. Puisque d’importantes mobilisations citoyennes ont empêché la construction de pipelines en Colombie-Britannique et aux États-Unis, il ne reste plus que le Québec comme voie de sortie au pétrole archipolluant des sables bitumineux. Bloquer ce projet nuirait considérablement à l’exploitation de cette ressource. Le FSM à Montréal arrive ainsi à un moment approprié. La mobilisation contre l’oléoduc Énergie Est n’est pas seulement une lutte locale, elle peut rejoindre aussi les personnes de tous les pays qui jugent essentiel de réduire considérablement l’exploitation des énergies fossiles. En ce sens, il s’agit là d’une bataille symbolique qui, si elle est gagnée, peut en stimuler d’autres. Cette question devra rester omniprésente pendant le FSM. Un FSM à Montréal, en se donnant comme lieu de rencontre important, pourrait éventuellement rapprocher les environnementalistes. Ce qui ne sera pas facile après les désaccords des lendemains de la COP21. Mais il faut espérer que la gravité de la situation et la mise en branle de projets communs pourront réunir les différentes factions. Ne serait-ce que pour ça, le FSM à Montréal trouve son entière justification.
Depuis sa création au début des années 2000, le Forum social mondial (FSM) constitue un moment important dans la dynamique du mouvement altermondialiste. Car il permet de rassembler les militants et les organisations venant des cinq continents de la planète. Symbole de la lutte contre le néolibéralisme dans laquelle le réseau des Attac joue un rôle d’avant-garde, le FSM témoigne qu’il est urgent de construire des alternatives. Pour Attac France, nous vivons actuellement plus qu’une crise globale. Nous assistons à l’effondrement d’un modèle qui se voulait unique et universel. Cet effondrement tient au déchaînement aveugle de forces économiques et financières et à la complicité des États et des forces dominantes qui minent la démocratie en transformant la société et la nature en terrain de jeu pour les entreprises transnationales. De la même manière que le mouvement altermondialiste s’est opposé au principe thatchérien selon lequel il n’y aurait pas d’alternatives, il exprime aujourd’hui le refus des sociétés de se soumettre à la religion de l’argent. Car cette religion impose le dogme mortifère de la concurrence généralisée entre les peuples qui détruit les solidarités, et de croissance à tout prix qui détruit la planète, son climat et sa biodiversité. Pour Attac, les FSM sont un moment privilégié pour exprimer et faire converger ces résistances sociales et environnementales. C’est aussi un moment privilégié pour confronter les expériences de changement radical, et indiquer les chemins à partir desquels peuvent être construites les transitions vers ces « autres mondes » dont nous rêvons, les yeux ouverts, et malgré tous les obstacles. En prenant place à Montréal en 2016, le FSM se tiendra pour la première fois dans un pays du Nord. Ce choix a une double signification. D’abord, dans la réalité, la représentation Nord – Sud est multiforme dans la structuration de nos sociétés : il y a un nord dans le Sud, et un sud dans le Nord. En second lieu, le Canada et sa province du Québec sont le lieu de luttes stratégiques en ce début de 21e siècle. C’est la lutte émancipatrice des étudiants québécois en 2012 – symbolisée par le carré rouge – contre une vision capitaliste de l’éducation. Ce sont également les mouvements de résistance citoyenne contre les traités de libre-échange, et contre l’extractivisme et la surexploitation de la nature. Le réseau des Attac se mobilise pour le FSM de 2016 car il sera centré, comme les précédents, sur le combat des mouvements sociaux face à un système capitaliste mondialisé qui aggrave les injustices sociales, multiplie les guerres et les violences, met en danger la planète et affaiblit les libertés. Le FSM de Montréal sera ainsi organisé autour des principaux axes des luttes que nous menons à l’échelle locale et mondiale contre la finance prédatrice, le réchauffement climatique, l’extraction des énergies fossiles, les accords de libre-échange. Nous voulons participer activement à des ateliers, assemblées et conférences sur ces différents axes stratégiques, en collaboration avec Attac Québec et les organisateurs du FSM. Il s’agira de continuer à construire une stratégie globale, fondée sur la solidarité des mouvements, et de rechercher ensemble des alternatives face à une mondialisation capitaliste en pleine crise. C’est le sens que nous donnons à notre participation à ce FSM de Montréal.
En février dernier, j’ai eu l’occasion de participer au Forum social thématique (FST) dressant le bilan des 15 ans du Forum social mondial (FSM) pour y représenter les mouvements sociaux luttant contre les dérives du secteur minier au Québec. En tant que militante d’Attac Québec, j’ai pu assurer une présence de cette organisation altermondialiste, membre du réseau international Attac, lequel fait partie des entités fondatrices du Forum social mondial. Avec pour slogan Un autre monde est possible, c’est en 2001 à Porto Alegre au Brésil, qu’a eu lieu le premier Forum social mondial. Ce Forum social thématique sur les 15 ans du Forum social mondial m’a permis de tisser des liens importants avec des organisations brésiliennes qui se préoccupent, tout comme la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine dont je suis co-porte-parole, des impacts du développement minier sur l’environnement et les gens. Mais ce qui ressort avant tout de cette expérience, pour moi, c’est le constat que les stratégies de domination des multinationales et de l’élite financière internationale ne connaissent pas de frontières. Il y a, en effet, plus de ressemblances que de différences entre la situation politique et économique du Brésil et celle du Québec. Dans le cadre du FST, j’ai rencontré plusieurs chercheurs et activistes qui luttent contre l’industrie du nucléaire au Brésil, mais aussi en Bolivie, en Argentine et ailleurs en Amérique latine. Plusieurs d’entre eux envisagent de participer au Forum social mondial à Montréal, en août prochain, afin de créer un axe fort sur l’extractivisme. Cet événement d’importance sera une excellente occasion pour réseauter et construire des solidarités en vue d’exiger l’arrêt de la filière uranifère, le respect des droits de la personne et la protection de l’environnement à l’échelle mondiale. Signe que cette question préoccupe au plus haut point les militants d’Amérique latine, de nombreux ateliers sur la question ont eu lieu tout au long du FST. Citons notamment la conférence de Mme Raquel Rigotto, professeure et chercheuse au Département de santé communautaire à la Faculté de médecine de l’Université fédérale de Ceará, et coordinatrice du Centre de Frame – travail, environnement et santé, donnée conjointement avec Chico Whitaker, militant altermondialiste de renommée internationale et membre fondateur du Forum social mondial. Une assemblée de convergence sur l’industrie minière a également été organisée par la CNTI, une centrale syndicale locale qui représente les travailleurs du secteur minier. Les intervenants ont dressé un portrait très critique de la façon dont fonctionne l’industrie minière, tant sur le plan social qu’environnemental ou économique. C’est avec grand intérêt que j’ai constaté que les problèmes associés au secteur minier brésilien sont sensiblement les mêmes que ceux que nous dénonçons au Québec, ce qui est somme toute peu surprenant dans un monde de plus en plus globalisé. Comme ici, le phénomène des portes tournantes entre l’industrie et le secteur public semble très marqué au Brésil, de même que la corruption et la complaisance étatique face à l’industrie qui en découle. Les revendications portées par les ONG et les syndicats locaux sont également très similaires à celles qui sont mises de l’avant par la Coalition Québec meilleure mine: • Plus de démocratie et de transparence; • Le droit des peuples d’être consultés, de consentir aux projets ou d’y apposer leur veto; • Des zones libres d’exploitation minière; • Des garanties financières pour la restauration des sites miniers à la fermeture; • Le respect des peuples autochtones; • L’utilisation de la meilleure technologie disponible et l’innovation dans toute la chaîne de production afin de minimiser les impacts. J’ai également eu l’occasion de tisser des liens avec des organisations qui se sont impliquées dans le cadre du déversement de Bento Rodrigues, un village situé près de la ville de Mariana, dans l’état du Minas Gerais. Ce déversement, lié à la rupture d’un barrage de rejets provenant d’une mine de fer appartenant à une filiale de la multinationale Valeconstitue, avec près de 60 millions de mètres cubes de rejets, est le plus gros déversement de l’histoire de l’industrie minière. Il est intéressant de noter que Vale est aussi impliquée dans la construction du barrage du Belo Monte, un projet hautement contesté, qui délogerait plus de 25 000 autochtones de leurs territoires ancestraux en plus d’inonder un écosystème unique sur plus de 500 km2. La catastrophe du Minas Gerais, vraisemblablement causée par la négligence de la compagnie, a complètement détruit le village de 800 habitants, a entraîné la mort de dizaines de personnes et a affecté plus d’un million de personnes provenant de 50 municipalités en aval, les privant d’eau potable ou de leurs moyens de subsistance. L’énorme coulée de boue toxique a engendré la contamination de plusieurs rivières, dont l’un des fleuves principaux du Sud-est brésilien – le Rio Doce – sur plus de 600 km, le rendant complètement stérile et détruisant totalement toute l’économie de la région. L’estimation officielle – somme toute conservatrice – des préjudices associés à ce déversement, s’élève à 5,2 milliards de dollars américains. L’ensemble des impacts associés à cette tragédie font en sorte que plusieurs analystes n’ont pas hésité à la qualifier de « Fukushima du Brésil ». Après le Forum social thématique, une visite aux abords du Rio Gualaxo do Norte, près de l’épicentre de la tragédie, m’a permis de constater l’ampleur de la dégradation environnementale associée à cette catastrophe, de même que la consternation et la colère de la population touchée. En tant que militante d’Attac Québec, je me suis intéressée à certains ateliers et grandes conférences portant sur les questions politiques et économiques. J’ai notamment assisté à une grande conférence portant le titre « Démocratie et développement en temps de coups d’État et de crise », qui bien que très axée sur l’actualité politique brésilienne, m’a permis de constater une fois de plus les similitudes quant aux stratégies mises en place par l’élite financière pour contrôler la politique dans les différents pays du monde. Dans le même sens, un atelier portant sur le « Monde du travail : l’austérité, la crise et le chômage », a démontré que les pratiques antisyndicales des gouvernements et des entreprises ne connaissent pas de frontières, mais forment une tendance lourde qui s’inscrit dans la panoplie de stratégies qui visent à affaiblir toujours plus les droits des travailleurs, les services publics et la démocratie au profit du marché et de la minorité possédante. Enfin, un atelier a permis de tisser des liens importants entre toutes ces questions. Intitulé « Pour un système fiscal plus équitable: l’égalité de traitement entre les revenus; propositions pour le secteur des industries extractives », cet atelier a permis d’aborder en profondeur la question d’une plus grande justice fiscale entre les entreprises et les individus. Au Brésil comme au Québec, l’industrie minière ne paie pratiquement pas d’impôt en raison de redevances excessivement basses sur les ressources exploitées et du recours aux paradis fiscaux. Elle bénéficie également de nombreuses subventions. Au final, l’exploitation minière se fait à perte pour l’État, qui au lieu d’en tirer un revenu doit payer pour voir extraire ses ressources non renouvelables. Or, ces ressources appartiennent de plein droit à la population des pays en cause. Il est odieux qu’à l’heure où les gouvernements mettent en place des politiques d’austérité qui affaiblissent les services publics et le filet social, l’on fasse reposer sur les peuples le financement du pillage de nos ressources par une industrie multimilliardaire. Finalement, l’expérience acquise tout au long de ce Forum social thématique m’a fait prendre conscience de l’importance de développer le plus possible les questions de l’extractivisme et de la justice fiscale lors du Forum social mondial à Montréal, en août prochain. J’ai la ferme intention de mettre à profit les contacts que j’ai eu la chance de créer au Brésil pour le faire.
« Nous sommes convaincus que le capitalisme n’est pas la solution pour la vie et encore moins pour l’Humanité. »Evo Morales
En politique, chaque mouvement entraîne une réaction. C’est ce qui explique les nombreuses victoires récentes de la droite en Amérique du Sud. Les mouvances de gauche semblent en effet aux abois en Argentine, en Uruguay, au Vénézuéla et au Brésil. Un pays toutefois se démarque du lot : la Bolivie. Depuis 2006, le pouvoir y est détenu par Evo Morales, le premier président amérindien de Bolivie, autrefois berger de lamas et cultivateur de coca. Le 12 octobre 2014, Evo Morales a été réélu pour la troisième fois, dès le premier tour avec 59,5 % des voix. Son parti obtient aussi la majorité des sièges du parlement. Il dirigera donc le pays pour 5 années supplémentaires, jusqu’en 2020 Si sa popularité résiste si bien à l’usure du pouvoir, c’est parce que Morales a misé sur des politiques sociales et nationalistes. En une décennie à la tête de l’État, il s’est assuré de nationaliser les ressources naturelles et les industries stratégiques, principalement celles liées à l’énergie et aux télécommunications. La Bolivie a aussi profité des prix élevés du gaz naturel exporté vers le Brésil et l’Argentine. Ces revenus ont servi à une redistribution de la richesse. Par ne donner qu’un exemple, Morales a fait augmenter le salaire minimum de 20 % au 1er mai 2014, en l’honneur de la Journée internationale des travailleurs. Les résultats économiques sont spectaculaires pour ce pays qui était le plus pauvre du continent : l’économie croît chaque année depuis le début du mandat de Morales, et atteint même un pic de 6,78 % en 2013. La croissance dans les huit dernières années surpasse celle des trois décennies et demie qui ont précédé l’arrivée de la gauche au gouvernement en Bolivie. De plus, cette manne a profité à la majorité du peuple. De 2005 à 2011, le taux de la population vivant dans la pauvreté diminue de 60 % à 45 %. Le salaire minimum a grimpé de 87,7 %, les dépenses en santé, en éducation, en nutrition et en habitation ont augmenté de 45 %. Tout cela n’a été possible que parce que la Bolivie a fait la sourde oreille aux plans d’austérité proposés par les représentants du FMI qui vivaient grassement à La Paz de salaires non taxables. À l’encontre de toutes les thèses des partisans de l’austérité, le succès bolivarien (1) montre que l’investissement public massif dans les infrastructures favorise la productivité et l’investissement privé par la suite. Toutes ces avancées permettent de relativiser la récente déconvenue d’Evo Morales lors de son dernier référendum. Morales comptait modifier la Constitution avec l’accord de la population, car elle ne permet que deux mandats présidentiels consécutifs. La Cour constitutionnelle lui avait permis de se présenter pour la troisième fois en 2014 puisque son tout premier mandat (2006-2010) précédait en 2009. Le 28 février, Morales a demandé aux Boliviens s’ils permettaient un quatrième mandat présidentiel consécutif (donc le pouvoir pour Morales de 2020 à 2025). Le peuple a voté non à une faible majorité : 51%. Cela garantit le départ de Morales en 2020 après un total de 14 ans au pouvoir. En somme, Morales dispose de larges appuis et a un puissant atout : l’absence de figure d’opposition capable d’unir la droite et tous les votes de contestations, comme cela a été le cas au Venezuela et en Argentine. Son principal adversaire reste l’influence des États-Unis dans la région sud-américaine. En 2008, Morales expulse du territoire bolivien le DEA (Drug Enforcement Administration), qui aurait détruit des cultures de coca, alors que lui, ancien chef syndical de producteurs de coca, préférait la collaboration avec les cultivateurs. Selon le témoignage d’un informateur du DEA nommé Carlos Toro, le DEA menait une opération nommée Naked King, visant à associer le gouvernement de Morales au narcotrafic afin de salir son image. Le 1er mai 2013, Morales accuse l’USAID (Agence des États-Unis pour le développement international) de conspiration contre son gouvernement. Il l’expulse en affirmant que l’agence donnait de l’argent à des Boliviens pour qu’ils s’opposent au gouvernement en place. Les leçons de la gauche bolivarienne (1) sont importantes. Une économie solide dépend des investissements de l’État dans les infrastructures. La gauche ne pourra toutefois pas compter éternellement sur les exportations comme source principale de prospérité. Une économie redistributive doit compter sur une économie moins sensible aux fluctuations des prix de matières premières. En effet, la manne gazière est pour l’essentiel terminée suite à la chute des prix du gaz en 2015. Le modèle bolivarien reste toutefois très inspirant pour ce qui est du commerce. En effet, la Bolivie a adopté un Traité de commerce des peuples permettant l’échange direct entre les marchandises – troc – produites par chaque pays. Ce troc empêche qu’une monnaie s’impose dans tous les échanges commerciaux et qu’un pays émetteur de cette monnaie en arrive à dominer tous les autres. C’est une alternative très intéressante lorsqu’on la compare aux actuels traités de libre-échange. (1) Inspiré par le libérateur Simon Bolivar, « bolivarien » est le nom donné par Hugo Chavez – puis Evo Morales – aux réformes économiques, sociales et nationalistes implantées dans la société après leur accession au pouvoir.
« Je suis la présidente qui a été élue par le peuple sur la base d’élections libres et équitables. » Dilma Rousseff
Au Brésil, à l’inverse de la situation en Bolivie, on trouve un gouvernement de gauche empêtré dans de nombreuses crises. Comment se fait-il que des manifestants exigent le départ de Dilma Rousseff, la présidente tout juste réélue (octobre 2014), censée occuper son poste jusqu’en 2019 ? Il faut d’abord revenir sur le modèle socialiste qui a été implémenté par Luiz Inácio Lula da Silva (président de 2003 à 2011). Ce populaire président a misé sur la simplicité même : donner de l’argent aux pauvres. Il a privilégié les mères dont les enfants allaient à l’école et dont la famille se faisait vacciner et voyait régulièrement un médecin. Ainsi, les programmes sociaux évitaient les coûts bureaucratiques et amélioraient la vie des plus pauvres. Lula expliquait que l’université formait de supposés experts incapables de comprendre les pauvres et terrorisés par l’idée de donner directement de l’argent aux nécessiteux. Son Parti des travailleurs (PT) a aussi lancé l’expérience municipale du budget participatif, pour inclure les citoyens et non les seuls élus dans l’élaboration des finances publiques. Suite à un cancer de la gorge en 2011, Lula décide de ne pas se représenter et Dilma Rousseff, elle aussi membre du PT, le remplace à la présidence de l’État. Lula quittait le palais présidentiel avec un taux d’approbation de 80% auprès de la population, dû aux réussites économiques et sociales du pays. Dilma Rousseff a poursuivi le travail de son prédécesseur, ce qui a permis sa réélection en 2014, une victoire qui a confondu les médias occidentaux. Les progrès sociaux ont garanti sa victoire : chômage très bas, allocations familiales, logements sociaux, misère réduite à 1,7 % de la population… Toutefois, un mécontentement latent prend déjà forme en 2013, lorsque des citoyens descendent dans la rue suite à une hausse des prix des billets d’autobus. Ces hausses de tarifs ont été la goutte qui a fait déborder le vase pour ces manifestants, frustrés de voir les dépenses de l’État être accaparées par les Jeux olympiques plutôt que par les besoins de la population. Les manifestations actuelles sont quant à elles dues aux allégations de corruption touchant le gouvernement du PT. Petrobras, une compagnie pétrolière publique à 51 %, aurait fabriqué un système de collusion dès 2004, accordant des contrats publics à diverses compagnies en échange de pots de vin, totalisant 3 milliards de dollars. Jusqu’à 200 millions de dollars de pots de vin auraient été versés au Parti des travailleurs. Lula a été éclaboussé par l’affaire. Son domicile, celui de son fils et l’Institut Lula qu’il a créé en 2011 ont été l’objet de perquisitions en mars dernier, en même temps que les immeubles de magnats de la construction accusés de corruption. Lula aurait reçu divers cadeaux : des maisons de campagne et de l’argent pour son Institut. La présidente Rousseff n’est pas épargnée, puisqu’elle est accusée d’avoir dissimulé des dépenses faites par des banques publiques, en 2014 et 2015. Ces allégations et ces procédures d’enquête sont la cause des manifestations qui réclament le départ de Rousseff. Elles ont atteint des millions de participants, particulièrement nombreux à Sao Paolo, fief de l’opposition. Le juge Sergio Moro, chef de l’enquête sur le scandale Petrobras, est une figure populaire chez ces manifestants. Un processus de destitution a été enclenché contre la présidente Rousseff, qui sera soumise au vote du Congrès. Si la présidente est destituée, le vice-président Michel Temer, du parti centriste PMDB, deviendrait président du Brésil par intérim. Rousseff réagit aux scandales en donnant un ministère à Lula le 17 mars. Devenant chef de cabinet de la présidente, il obtient immédiatement une immunité judiciaire. Ce coup de théâtre est évidemment perçu comme un aveu de sa culpabilité par les opposants du gouvernement. Le 29 mars, le PMDB se dissocie du gouvernement du PT, et tous les ministres du PMDB démissionnent de leur poste. Pour ce qui est des manifestations, une question se pose. Serait-ce une colère légitime instrumentalisée par une droite incapable de gagner démocratiquement? Plusieurs manifestants réclament un nouveau coup militaire, comme seul remède pouvant mettre fin au pouvoir du Parti des travailleurs. Les rassemblements sont aussi galvanisés et promus par les médias privés du Brésil, pratiquement unanimement anti-Rousseff. Pire encore, les catastrophes s’accumulent à une vitesse folle au Brésil, menaçant le succès des prochains Jeux olympiques dont le gouvernement de gauche s’enorgueillissait déjà. Le Brésil connaît une dépression économique, le PIB chute de 3,8 % en 2015, le chômage double et l’inflation dépasse les 10 %. Le désastre économique est dû aux dettes libellées en dollars américains qui se sont renchéries alors que les prix des matières premières exportées par le Brésil ont chuté. À cela s’ajoutent des inquiétudes suscitées par l’épidémie du virus Zika, apparu au Brésil en 2003. Pourtant, les experts ne sont pas certains que ce virus puisse causer la microcéphalie, et ses symptômes avérés sont bénins, ne durent qu’une semaine et n’apparaissent que chez le quart des malades. La partie n’est cependant pas nécessairement perdue pour le gouvernement, pourvu qu’il continue à résister aux pressions. Il peut compter sur l’appui de sympathisants fidèles : 149 000 manifestants pro-Roussef sont dans la rue le 31 mars. La gauche peut encore convaincre les députés de voter contre la destitution de Rousseff. Lula, quant à lui, a remporté une victoire dans son bras de fer avec le juge Sergio Moro. L’affaire Petrobras a été retirée à Moro pour être confiée à la Cour suprême du Brésil, jugée plus impartiale. Enfin, une possible reprise économique est en vue pour le Brésil, suite aux investissements massifs dans les Jeux olympiques.
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