L'Aiguillon, le bulletin d'ATTAC Justice sociale pour une planète durable

Justice sociale pour une planète durable

Bulletin no 59 - Mars 2019
Dans ce printemps où les jeunes du monde entier se mobilisent pour réveiller les décideurs politiques, le bulletin met en évidence – une fois de plus – l’irrévocable contradiction de nos gouvernements qui, pour assurer leur réélection, veulent à la fois concilier l’environnement avec notre modèle économique de croissance. Dans son article, Claude Vaillancourt, montre les racines d’un même mal qui afflige la planète : les inégalités sociales et la crise environnementales. Les riches, individus ou pays, sont les plus grands destructeurs de la planète, mais ce sont les plus défavorisés qui en vivent les conséquences dramatiques dans leur quotidien. La fiscalité reste le canal le plus efficace pour à la fois redistribuer la richesse et prendre les mesures nécessaires pour favoriser la transition écologique. La chronique de Jeanne Gendreau situe le combat écologique sur un autre terrain : celui des inégalités entre les sexes. Écologie et féminisme : 2 courants de pensée qui s’accordent sur la vision que l’oppression séculaire des femmes partout dans le monde et la surexploitation de la Nature relèvent d’une même cause. La lutte pour sauver la planète est le même combat que celui que mènent les féministes pour l’accès à l’égalité. Dans cette semaine de dépôts des budgets gouvernementaux, la chronique sur les finances publiques de Chantale Santerre permet de comprendre ce qui fonde ces budgets à savoir le lien entre le système fiscal et le panier de services que nous obtenons en retour des taxes et impôts que nous payons. Mais au-delà des chiffres, les choix que font les gouvernements sont politiques et influencés par les attentes de la population et donc, par la perspective de leur réélection.

Table des matières

Le billet du CA

Se mobiliser pour réveiller les décideurs politiques

par Monique Jeanmart
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«Si la planète était une banque, on l’aurait déjà sauvée»1

Le 20 février dernier, dans le cadre des élections partielles à Outremont, se tenait un débat des candidats des différents partis pour répondre à la question l’urgence climatique, c’est quoi votre plan?

La candidate libérale y affirmait se présenter pour le parti libéral parce que c’est le meilleur parti pour « créer des emplois de qualité qui contribuent à une croissance durable à long terme tout en luttant contre les changements climatiques; parce que le parti libéral est celui qui présente les meilleures stratégies pour sortir de la crise écologique sans nuire à l’économie.» Ces déclarations sont celles que le parti revendique depuis la COP 21 à Paris et que Justin Trudeau et la ministre de l’environnent, Catherine Mc Kenna, répètent à satiété.

La même semaine, l’Office national de l’énergie (ONE) concluait, dans un 2e rapport que le gouvernement doit aller de l’avant avec le projet de pipeline Trans Mountain même «… (si) le projet serait susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs(…) qu’il pose un risque important pour la population d’épaulards (…) et qu’il augmentera considérablement les émissions de GES…» 2

Ces déclarations et ce rapport obligent une fois de plus à questionner la conciliation possible de l’économie et l’environnement qui fonde toutes les politiques de nos gouvernements.econ_environt-2.jpg Nous ne vivons pas une crise climatique. Les dérèglements climatiques vécus partout sur la planète ne sont pas une crise dont nous sortirons par des politiques aussi contraignantes et drastiques soient-elles. La planète vit des modifications profondes et irréversibles qui la font entrer dans une nouvelle période de l’histoire déterminée par l’action humaine : l’anthropocène. Cette évolution est irréversible, quoi que nous fassions il n’y aura pas de retour en arrière; c’est en terme de transition qu’il faut penser ces changements et adapter nos stratégies et nos actions.

La vision libérale cristallise la contradiction fondamentale de toute politique environnementale qui veut concilier les besoins de – l’environnement avec notre modèle d’économie de croissance. Depuis plus de 40 ans nous savons qu’il n’est pas possible de combiner croissance économique infinie et respect des limites biophysiques de notre planète. 3 Mettre fin à cette course à la croissance ne sera pas si simple : parce que la croissance n’est pas qu’un élément de notre système : elle en est le cœur même. La transition ne sera pas possible tant que derrière nos gouvernements les lobbys des affaires pèseront de tout leur poids pour concilier les politiques environnementales avec l’économie de marché.

Toute autre stratégie qu’on l’appelle développement durable, capitaliste vert, ou même bourse du carbone – si chère à Justin Trudeau – n’est qu’écran de fumée qui cache les vraies causes, le capitalisme prédateur dominé par la recherche du profit où les multinationales dictent leur loi. manifestation_berri_web-2.jpg

Le 15 mars 2019, 120 000 jeunes au Québec et des centaines de milliers d’autres dans une centaine de pays, ont marché pour exiger de nos gouvernements que cessent les politiques néolibérales qui sacrifient l’avenir de la planète sur l’autel des profits. Écoutons-les et mobilisons-nous pour sauver avec eux ce que nous avons saccagé!

Notes

  1. Slogan, « Les jeunes en marche pour le climat », manifestation du 15 mars 2019, Montréal
  2. Feu vert de l’ONE à Trans Mountain. Le Devoir 23 février 2019
  3. D.H.Meadows et all., Halte à la croissance. Rapport sur les limites à la croissance. Fayard 1973

Inégalités sociales et changements climatiques
Couper le mal par la racine

par Claude Vaillancourt
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Les deux maux qui frappent l’humanité le plus durement, les changements climatiques et les inégalités sociales, nous mettent dans une situation inconfortable. Comme notre temps disponible est forcément très limité, est-il possible de se préoccuper également de l’un et l’autre de ces problèmes? Puisque le dérèglement du climat nous met devant une échéance dramatique et menace l’avenir de notre planète, certains choisissent de s’y attaquer en premier. Mais est-il alors acceptable de faire pour cela abstraction de la misère dans laquelle s’enfoncent trop de gens aujourd’hui?

Et si, en vérité, il n’y avait pas d’opposition entre ces deux causes? Ces maux ont en effet la même origine : un système économique qui sacrifie tout au libre marché. L’idéologie de la croissance sans fin, sans redistribution réelle de la richesse, a mené à ce monde inquiétant dans lequel nous vivons, avec un fort penchant pour l’autodestruction. En l’attaquant de front, il est alors possible de se pencher simultanément sur nos deux grandes préoccupations.

Ce monde inégalitaire qui est le nôtre a fait des individus les plus riches les plus grands pollueurs. Un phénomène que le journaliste Hervé Kempf, entre autres, a bien documenté dans son best-seller Comment les riches détruisent la planète il y a plus de dix ans déjà. Et qui continue à se reproduire à haute échelle. Nous en avons eu un autre exemple au Forum économique mondial cette année, alors qu’on plaçait les dangers climatiques parmi les risques plus élevés pour les populations, et que les riches gens d’affaires qui s’y rendaient n’ont pas renoncé à leurs jets privés.

Ce décalage se produit aussi entre pays riches et pays pauvres, les premiers ayant de loin la pire empreinte écologique, et les seconds adoptant le plus souvent le mode de développement le plus nocif et le plus polluant, parce qu’il coûte moins cher. L’incapacité, ou tout simplement le refus de traiter simultanément les problèmes d’inégalités sociales et d’environnement, crée un cycle de misère qui ne fait qu’accentuer les difficultés.migrants_image.jpg L’hyper consommation des pays riches, leurs émissions dans l’atmosphère ont des répercussions partout sur notre planète, mais surtout dans les pays du Sud, confrontés à des sécheresses, du déboisement, de la désertification, de l’exploitation polluante des ressources naturelles. À cela se joint de l’évasion fiscale pratiquée à haute échelle, privant ces pays de ressources financières, des plans d’ajustement structurel qui ont forcé un retrait de l’État dans le secteur des services publics, une situation dont la responsabilité repose sur un secteur financier occidental qui en a largement profité pour s’enrichir.

La pauvreté, le manque de ressource, le manque d’espoir créent de vastes mouvements de population, une émigration forcée qui se heurtent à des frontières qu’on refuse d’ouvrir dans les pays fortunés, sous la pression des mouvements d’extrême-droite. Pourtant, les politiques adoptées actuellement rendront encore plus criant le problème des migrations, par leur refus de traiter le problème à la source, et feront de nouvelles pressions sur les frontières.

Gilets jaunes et fiscalité

gilet_jaune_finale_fin.jpgLe cas des Gilets jaunes en France montre bien la difficulté de s’attaquer aux changements climatiques sans tenir compte des inégalités sociales. Le gouvernement Macron a jugé bon de mettre en place une taxe sur l’essence, jugée nécessaire pour réduire la consommation de pétrole. Mais le gouvernement français a eu tout faux dans sa façon d’imposer cette mesure, qui arrive à un bien mauvais moment. Cette taxe suit en effet une importante baisse de l’impôt sur la fortune. Ses revenus ne sont pas attribués à la transition énergétique, mais visent à compenser les pertes causées par les importants cadeaux donnés aux plus riches, dont des exonérations de cotisations sociales accordées aux employeurs. Il s’agit là d’une mesure parfaitement régressive. Tout cela alors que les transports en commun, et plus spécifiquement le train, ont été considérablement réduits, qu’on a ainsi forcé les gens à acheter des voitures, qui viennent maintenant gruger le budget des familles de la classe moyenne. On comprend alors la colère des Gilets jaunes.

Cette très grande maladresse du gouvernement Macron vient discréditer l’idée même de la taxe sur le carbone, qu’il a d’ailleurs retirée, sans vraiment calmer le mouvement d’opposition. Ce qui donne des munitions aux opposants de cette taxe, comme Doug Ford au Canada, parti en mission héroïque contre cette mesure.

Qu’on le veuille ou non, la fiscalité est le seul canal efficace permettant de bien distribuer la richesse et de mettre en place les mesures nécessaires favorisant la transition écologique. Une taxe sur le carbone bien conçue et bien appliquée a un effet dissuasif sur la consommation d’essence tout en apportant des revenus aux gouvernements. Il s’agit d’un outil dont on ne doit pas se priver. Elle demeure plus intéressante que le marché du carbone, un mécanisme compliqué, se prêtant à la spéculation, à la fraude, et liant la transition énergétique aux caprices du marché.

Il est toutefois important d’associer la création d’éventuelles écotaxes à une vision plus globale de la fiscalité. Le système actuel met un poids très lourd sur la classe moyenne, alors que les plus riches et les grandes entreprises profitent aisément des échappatoires offertes par les paradis fiscaux. La concurrence fiscale entre les États est un autre facteur qui contribue grandement à soulager les entreprises de leur devoir de payer des impôts. Il s’agit d’un mal qui affecte tous les paliers de gouvernements : pour attirer des entreprises sur un territoire, on leur offre de grasses subventions et de tout aussi généreux cadeaux fiscaux, ce qui devient à la longue très coûteux.

Dans cette situation, toute baisse d’impôt offerte à la classe moyenne devient un soulagement et est grandement appréciée. Avec comme conséquence que les revenus de l’État s’amoindrissent toujours davantage. Et qu’il devient alors très difficile d’offrir de bons services publics, de réduire les inégalités sociales et de combattre les changements climatiques, faute de moyens.

Prêts pour un changement radical

Nous sommes donc prisonniers de deux spirales. La première accentue le fossé entre pays riches et pays pauvres, avec les problèmes de migration qui en découlent, entre autres. La seconde nous enferme dans un climat d’austérité perpétuelle, les États se mettant dans une position où il leur est impossible d’aller chercher les revenus dont ils ont besoin. Plus personne n’ignore aujourd’hui les problèmes conséquents. Même les organisations internationales qui ont soutenu fermement les mesures responsables du désordre actuel, comme le Fonds monétaire international et le Forum économique mondial, ne cessent de lancer des signaux d’alerte.

Mais plutôt que de proposer les changements qui s’imposent, soit une transformation en profondeur de notre système économique, tant nos gouvernements que les grandes entreprises préfèrent mettre de l’avant de fausses solutions. Comme produire encore et toujours plus de biens, mais avec de l’énergie verte. Ou remplacer le moteur à explosion par des véhicules électriques. Ou relancer l’économie avec des accords de libre-échange, en faisant croire que la richesse éventuellement créée par de polluants déplacements sans fin de marchandises finira un jour par se déverser sur les plus pauvres. Ou se fier à la responsabilité des très grandes entreprises qui, prises d’une ferveur soudaine, deviendraient écoresponsables, et s’intéresseraient aux moins nantis en se lançant dans d’aléatoires opérations caritatives.

Au Québec plus particulièrement, le terme «radical» a toujours soulevé une certaine crainte, comme si notre société, qui aime tant le consensus, se rebutait devant des transformations risquant de déplaire à certains. C’est pourtant ce qu’il faut souhaiter, un tournant radical dans nos choix de société. Parmi ces choix : une fiscalité beaucoup plus équitable; une réglementation sévère contre les pollueurs et pour protéger la santé de la population; une limitation extrême de l’exploitation des énergies fossiles; la priorité accordée à des services publics de qualité et à de bons programmes sociaux; une vision autre de la consommation, basée sur la durabilité des produits et la réduction des déchets. Des solutions simples, applicables, mais qu’on refuse de mettre en œuvre et qui équivalent, dans le domaine de l’économie, à un gigantesque changement de culture.

Le défi pour le mouvement social dans les prochaines années est de faire pression sans relâche sur nos gouvernements pour changer cette culture. Ce qui s’avère considérable. Le gouvernement libéral, à Ottawa, est de ceux dont les bonnes intentions hautement affirmées s’effondrent tragiquement dès que des intérêts économiques particuliers sont en jeu. Celui de la CAQ, au Québec, est un véritable néophyte, sinon un béotien, lorsqu’il s’agit d’aborder les questions sociales et environnementales. Il s’agit tout de même de deux gouvernements qui pourraient rester sensibles à des revendications affirmées de la population, puisqu’ils semblent un peu moins empêtrés dans l’inflexible dogmatisme économique des conservateurs et des libéraux provinciaux qui les ont précédés.

La dégradation de l’environnement, la croissance constante des inégalités sociales, chacun de ces phénomènes étant imbriqué l’un dans l’autre, nous donnent raison d’agir le plus fermement possible. L’idéologie responsable de la fabrication du monde actuel est plus ébranlée que jamais. Il est très clair que le refus de changer ne se justifie plus par des théories, mais reste le lot d’une élite omnipotente qui s’accroche avec un puissant acharnement à ses privilèges. Il faut espérer que l’instabilité que nous vivons présentement et les dangers qui se pointent aient au moins l’avantage d’impulser le grand virage nécessaire.

Cet article a également été publié dans le journal électronique Par la bande, no 15, février 2019

LES FINANCES PUBLIQUES POUR LES NULS

Citoyens, citoyennes, comprendre vos finances publiques!

par Chantal Santerre
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Le 19 mars 2019, le ministre fédéral Morneau présentait le budget du Canada pour l’année 2019-2020. La même semaine, le 21 mars 2019 le tout nouvellement élu Gouvernement du Québec présentait lui aussi son budget pour l’année 2019-2020.

Cela nous fournit l’occasion, pour cette deuxième chronique, de parler de ce qu’on appelle l’état des résultats.

Budget et état des résultats

Lorsqu’un gouvernement dépose son budget, il nous présente ce qu’il prévoit réaliser comme revenus et encourir comme dépenses. Le budget, en d’autres mots, est un état des résultats prévisionnels.

L’état consolidé 1 des résultats que vous pouvez voir ci-contre, nous présente ce qu’ont réellement été les revenus et les dépenses du Gouvernement du Québec pour l’année 2018, en les comparant avec ce qui était prévu dans le budget annuel. L’état des résultats, comme son nom l’indique, donne donc le résultat de l’exploitation d’un organisme, d’une entreprise ou autre entité économique. Ce résultat d’exploitation provient de la différence entre les revenus et les dépenses. sans_titre-2.jpgSource : Comptes publics 2017-2018, volume 1, États financiers consolidés du gouvernement du Québec, Année financière terminée le 31 mars 2018, p. 85. 2

Le résultat de l’exploitation d’une entité économique est son bénéfice net (ou surplus ou excédent), ceci si les revenus sont supérieurs aux dépenses. Si les dépenses sont supérieures aux revenus, alors nous aurons une perte nette, ou déficit.

On le devine : pour une entreprise à but lucratif, plus le bénéfice est élevé, plus l’entreprise est rentable. De la même manière, pour un ménage, plus l’excédent des revenus sur les dépenses est élevé, plus le ménage s’enrichit. Ce qui est positif en soi.

Par contre, pour un gouvernement, il n’en va pas de même et entre ici en jeu une première différence importante entre un gouvernement et une entreprise.

En effet, un gouvernement n’a pas pour objectif de générer le plus grand surplus possible : au contraire, et cela est même inscrit dans la loi, le gouvernement vise à atteindre l’équilibre budgétaire, c’est-à-dire à faire en sorte que ses revenus égalent ses dépenses, et qu’il n’y ait donc ni surplus ni déficit. Il en est ainsi parce que, contrairement à une entreprise, un gouvernement n’encourt pas des dépenses dans le but de gagner le plus de revenu possible.

La mission d’une entreprise — autrement dit son but — est de générer des revenus en lien avec le type de produits ou de services qu’elle offre. Pour remplir cette mission, l’entreprise devra encourir des dépenses. Les dépenses sont encourues dans le but de générer des revenus: et c’est là que se situe la deuxième grande différence entre un gouvernement et une entreprise: le premier n’a pas pour mission de générer des revenus. La mission d’un gouvernement est multiple et si vous examinez l’état des résultats du Gouvernement du Québec pour l’année financière 2017-2018, vous pourrez constater qu’elles sont les cinq suivantes: «Santé et services sociaux» ;«Éducation et culture»; «Économie et environnement»; «Soutien aux personnes et aux familles» et «Gouverne et justice».

Dépenses pour l’année financière terminée le 31 mars 2018tableau_2.jpg On peut donc dire qu’un gouvernement n’encourt pas des dépenses pour générer des revenus, mais que, dans son cas, c’est plutôt l’inverse : il doit percevoir suffisamment de revenus pour financer correctement les dépenses en lien avec les missions qu’il doit réaliser. Et c’est justement pourquoi un gouvernement a le pouvoir de taxer.

Finalement, en plus des dépenses relatives à chacune des missions du gouvernement, il y a la dépense du Service de la dette, qui est la portion des intérêts payés sur la dette publique pour l’année financière.

Les différentes sources de revenus autonomes du gouvernement du Québec sont les suivantes: «Impôts sur les revenus et les biens»; «Taxes à la consommation»; «Droits et permis»; «Revenus divers»; «Revenus des entreprises du gouvernement». S’y ajoutent des «Transferts du gouvernement fédéral» qui ne constituent pas un revenu autonome parce qu’il ne provient pas du pouvoir de taxation du Gouvernement du Québec, mais bien d’un transfert sans condition du Gouvernement du Canada qu’il verse à toutes les provinces pour le financement des services publics.

Revenus pour l’année financière terminée le 31 mars 2018tableau_1.jpg

Les objectifs d’un système fiscal

Le choix et la manière de taxer les citoyens du Québec revient au gouvernement, et dans ces décisions, il est bien évidemment influencé par sa population. Ce qui est choisi n’est donc en rien immuable et il est important de s’en souvenir. Notre système de taxation a ainsi évolué au cours des années, et il est le résultat des différents choix politiques qui ont été faits.

Ces décisions ne concernent d’ailleurs pas seulement le système de taxation, mais aussi les services que nous avons choisi de nous offrir collectivement. Ce panier de services est ce que nous obtenons en retour des taxes et impôts que nous payons collectivement, et il est donc très important de ne pas dissocier ces deux éléments.

On reconnaît généralement qu’un système fiscal a trois principaux objectifs:

• Prélever les ressources nécessaires au financement des services publics;

• Favoriser le développement économique et la création d’emplois;

• Améliorer l’équité et la répartition de la richesse.

Si on les rapporte aux cinq missions du Gouvernement du Québec présentées dans son état des résultats, nous sommes à même de constater la cohérence qu’il y a, et qu’il doit y avoir, entre la perception des revenus et les dépenses devant être financées.

L’état des résultats nous présente aussi de manière très concise la manière dont nous finançons nos services publics et ce que sont ces services publics.

Par contre, comme nous l’avons dit dans la chronique précédente, les comptes publics3 renferment une mine d’informations et lorsque vous regardez attentivement l’état des résultats, vous pouvez constater qu’il y a justement, dans la marge de gauche, des numéros d’annexes qui nous exposent le détail des différentes sources de revenus et des différents postes de dépenses.

Dans cette mine d’informations beaucoup plus détaillées vous pourrez, je l’espère, vous plonger avec délices et vous pourrez bien mieux les savourer armé de ces quelques notions comptables que j’ai ici tenté de vous expliquer.

Notes

  1. On utilise le terme consolidé parce que l’on regroupe dans un seul État des résultats l’ensemble des résultats d’exploitation des entités qui forment le gouvernement.
  2. http://www.finances.gouv.qc.ca/documents/Comptespublics/fr/CPTFR_vol1-2017-2018.pdf
  3. Comptes publics 2017-2018, volume 1, États financiers consolidés du gouvernement du Québec, Année financière terminée le 31 mars 2018 http://www.finances.gouv.qc.ca/documents/Comptespublics/fr/CPTFR_vol1-2017-2018.pdf

Écoféminisme et transition juste

par Jeanne Gendreau
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«Le féminisme, en libérant la femme, libère l’humanité toute entière»1 «L’égalité entre les sexes est la prémisse à la lutte aux changements climatiques».2

Ces propos n’ont pas été dits lors du 8 mars dernier par un groupe de femmes, mais par un cadre de l’ONU en 2017 lors d’une activité en parallèle à la COP 21. Monsieur Y. Glemarec conviait ainsi la communauté internationale à une vision écoféministe de la transition.

L’écoféministe est issu de deux concepts, deux visions, deux actions complémentaires: Le féminisme et l’écologie! image_jeanne_3.jpg

D’un point de vue écoféministe, la structure patriarcale asservit la femme et la Nature de façon systémique. La Nature mérite respect, elle est un partenaire à part entière. À l’intérieur du système capitaliste, où la valeur dominante est la croissance infinie, la Nature et les femmes sont au service de ceux qui possèdent pouvoir et argent. Pour les écoféministes, la femme et la Nature sont toutes deux violentées par le système.3 Ce qui diffère, à certains niveaux, de la notion strictement écologiste où la Nature est perçue comme une valeur souvent utilitaire.

La prise de conscience écoféministe a pris ses racines dans les mouvements altermondialistes, féministes et écologistes. Dans nos sociétés occidentales, c’est Françoise D’Eaubonne qui a pressenti la convergence entre ces deux combats. «Le féminisme ou la mort» (1974) contient déjà toutes les prémisses de l’analyse écoféministe occidentale.

Dans les pays du Sud, c’est Vandana Shiva qui a contribué grandement, par ses voyages et implications dans de nombreux pays «émergents», à ce que l’écoféminisme devienne de plus en plus une réalité. Elle a mis de l’avant l’empowerment collectif des femmes à partir de leur rôle et de leur pouvoir dans l’agriculture traditionnelle et dans la subsistance de la famille. Ce qui diffère du féminisme occidental où la première étape de l’émancipation de la femme est l’affranchissement des rôles traditionnels. L’écoféminisme est difficile à définir, car il ne se théorise ni ne s’exprime de la même façon à travers le monde, les réalités étant très différentes d’un pays à l’autre et surtout d’un continent à l’autre. Mais l’axe principal caractéristique de l’écoféminisme est le partenariat égalitaire avec la Nature.

Le féminisme «d’égalité»

Le féminisme qui est le plus connu et soutenu au Québec (et dans de nombreux pays occidentaux) est un féminisme axé sur l’égalité des droits: les femmes doivent avoir les mêmes droits que les hommes dans la sphère publique: même accès aux emplois, égalité salariale, représentativité égale à tous les niveaux de pouvoir, etc. À cela s’ajoute l’objectif d’un partage égal des tâches au niveau domestique. Dans ce féminisme dit «d’égalité», les femmes luttent sur le même terrain que les hommes (mais pas à armes égales…) et participent au système économique dominant, bien qu’il y ait une conscience de plus en plus claire, chez ces féministes, que le capitalisme issu du patriarcat génère toujours plus d’inégalités. Il y a aussi plusieurs courants de pensée féministe dans nos pays dits «du nord», mais le mouvement féministe de base s’est construit autour de Simone de Beauvoir qui, en 1949, a créé une onde de choc: «On ne naît pas femme, on le devient».

Régénérer les écosystèmes

L’écoféminisme a comme objectif de combattre les inégalités, en rééquilibrant l’ensemble des écosystèmes. Ce mouvement de régénération nécessite une véritable rupture avec le paradigme de la croissance à tout prix. Considérer la Nature comme partenaire égale signifie d’abord et avant tout de cesser de la piller et de l’exploiter. L’écoféminisme doit donc rompre avec le capitalisme autant qu’avec le pouvoir patriarcal, afin que soit possible ce travail. Les solutions actuelles, dites «vertes», font appel strictement à de hautes technologies qui perpétuent la déprédation des systèmes et accentuent les inégalités. L’obsession de la croissance infinie se retrouve dans les projets «verts» et dits de «développement durable». Rien d’étonnant à ce qu’ils récoltent chaque année plus de 70% du financement mondial des budgets dédiés à la lutte aux changements climatiques. Ce sont des hommes, de par leurs postes de pouvoir dans les multinationales et dans les États, qui décident ces projets hautement subventionnés. 4

L’écoféminisme et le mouvement de la décroissance, du moins dans les pays riches, ont beaucoup d’objectifs en commun. Mais il est clair pour les écoféministes, que la gestion de cette décroissance et sa charge mentale seront également partagées entre hommes et femmes, tant au niveau domestique que collectif. La plus grande crainte des féministes (à raison) est que se reproduisent, dans ces nouveaux modèle, les inégalités hommes femmes.

L’objectif d’une «transition juste», veut rendre compte des injustices géographiques, raciales, sociales, économiques, etc. Le travail pour atteindre l’égalité entre hommes, femmes et Nature doit tenir compte de toutes ces composantes. Et c’est un immense défi! Puisse-t-il être partagé entre hommes et femmes…. dans un mouvement d’égalité et de sororité!

Notes

  1. Françoise d’EAUBONNE : «Le Féminisme ou la Mort» (éd. P. Horay), 1974
  2. Alexandre Shield, Les femmes sont les premières victimes des changements climatiques, Le Devoir, décembre 2017
  3. 14 fois plus de femmes meurent lors de catastrophes climatiques : Développement et paix, Chaud devant : impacts des changements climatiques dans les pays du Sud et recommandations pour une action du Canada, rapport 2015
  4. «… les 30 % qui restent sont distribués à des microprojets dans les communautés rurales; 0.01 % de l’argent est octroyé à des projets gérés par des femmes.» Le Monde selon les femmes. Plaidoyer pour le genre dans les négociations climat-environnement, 2012
POUR CONTINUER LA RÉFLEXION

…sur l’écoféminisme

par Jeanne Gendreau
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Livres

Camille Robert, Toutes les femmes sont d’abord ménagères, Somme Toute, 2017, http://editionssommetoute.com/Livre/toutes-les-femmes-sont-dabord-menageres Histoire d’un combat féministe pour « rendre visible un travail qui ne l’est pas ». Une démarche écoféministe?

Collectif, Faire partie du monde, les Éditions du remue-ménage 2017, http://www.editions-rm.ca/livres/faire-partie-du-monde/ Dix féministes réfléchissent, chacune à leur façon, sur l’Écoféminisme et tentent de développer des stratégies de résistance.

Attac, Le monde qui émerge, Éditions Les liens qui libèrent, 2017, https://www.alternatives-economiques.fr/monde-emerge-alternatives-peuvent- Le chapitre 5 est consacré à l’écoféminisme, écrit par Elizabeth Peredo Beltram.

Article

Joël Martine, L’écoféminisme et les mobilisations pour l’environnement dans les pays du Sud , dans Les Possibles, numéro 14- Été 2017, https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-14-ete-2017/debats/article/l-ecofeminisme-et-les-mobilisations-pour-l-environnement-dans-les-pays-du-sud

Un film

Benedikt Erlingsson, réalisateur, Une femme en guerre (V.F. de Woman at War), film islandais, 2019, https://www.ledevoir.com/culture/cinema/550885/une-femme-en-guerre- Une femme démantèle les pylônes électriques de sa région pour protester contre l’appropriation du territoire commun par la multinationale Rio Tinto.

CONTACT

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ÉQUIPE DU BULLETIN:

Coordonnatrice: Monique Jeanmart

Coordonnatrice adjointe: Jeanne Gendreau

Mise en page électronique: Wedad Antonius et Jeanne Gaudreau

 

Pour toute suggestion, commentaire ou questions, veuillez vous adresser à Monique Jeanmart moniquejeanmart@videotron.ca

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