Il convient tout d’abord de définir ce qu’est le numérique responsable.
Le numérique responsable s’appuie sur trois volets :
– l’environnement : économiser les ressources non renouvelables, limiter les émissions de GES (gaz à effet de serre), réduire les pollutions, protéger la biodiversité.
– l’éthique : données personnelles, droit d’auteur, guerres et exploitation des humains, santé
– l’inclusion : personnes handicapées, fracture numérique, égalité hommes/femmes
Historiquement, c’est le volet environnement, l’écoresponsabilité numérique, qui a été moteur et premier sujet d’inquiétude. Les études d’analyse de cycle de vie menées depuis plusieurs années ont démontré que c’est la fabrication et l’usage des équipements des utilisateurs qui impactent le plus l’environnement, pour environ 80 %. Et ce sur les quatre sources d’impacts étudiées : énergie, GES, eau et ressources abiotiques. Les impacts engendrés par les infrastructures réseau et les centres de données n’arrivent que loin derrière. Cet écart s’explique par le nombre : 4,7 milliards de terminaux utilisateurs, contre 1,5 d’équipements réseau et seulement 0,07 pour les centres de données.
Par conséquent, l’objectif à atteindre, et à bien garder en mémoire en permanence, est de fabriquer moins d’appareils utilisateurs. Pour cela, il faut s’attacher à allonger la durée de vie de ce qui existe déjà et en avoir un usage essentiel. C’est la sobriété numérique que promeut notre Collectif Numérique Responsable, sobriété qui se décline au niveau des consommateurs, mais de plus en plus au niveau des entreprises dans le cadre de la RSE (Responsabilité sociétale des entreprises1 ) et des fournisseurs et développeurs au moyen de l’écoconception. Par exemple, en écoconception numérique, le développeur va s’attacher à diminuer le plus possible le temps de navigation de l’utilisateur.
La position des GAFAM sur cet échiquier.
GAFAM qui sont devenus GAMAM, Facebook s’appelant maintenant Meta. C’est le modèle économique même des GAMAM qui est à l’extrême opposé de l’objectif principal, et vient en contradiction de l’éthique et de l’inclusion.
Ce modèle économique repose sur le marketing de l’attention (retenir le visiteur le plus possible), sur l’économie des données (collecte et vente à des fins publicitaires) et surtout la création de besoins, par définition non essentiels puisqu’on les a créés artificiellement. En manipulant la prise de décision des consommateurs, ceci impulse un consumérisme effréné et une surutilisation des outils numériques, par exemple l’infonuagique.
Chapeautant le tout, une structure d’oligopole qui cible l’ensemble des utilisateurs. Très difficile actuellement d’échapper aux GAMAM !
Pour vivre et être de plus en plus rentables pour leurs actionnaires, les GAMAM poussent les utilisateurs à consommer, acheter toujours plus d’appareils, utiliser toujours plus d’espace de stockage, utiliser toujours plus de bande passante pour aller de plus en plus vite.
Pourtant le discours environnemental est présent. Il est d’ailleurs d’un contenu quasi identique aux cinq GAMAM : empreinte carbone, CO², gaz à effet de serre. Donc un effort monocritère qui révèle un soupçon d’écoblanchiment, la réduction des impacts devant toujours être multicritères (GES, eau, ressources) pour éviter de reporter un impact sur l’autre. Mais c’est logique, puisque les GAMAM ne prennent pas en compte les impacts de leur modèle économique. Ils considèrent seulement leurs activités intrinsèques, basées principalement sur l’économie de la data et donc le stockage dans les centres de données. Pourtant, comme nous l’avons vu, les data center posent le moins de problèmes environnementaux. D’une part parce qu’ils sont moins nombreux que les appareils utilisateurs, mais aussi parce qu’ils ont fait d’énormes progrès en matière de durée de vie des serveurs et supports de stockage, climatisation et consommation énergétique. Dans ces conditions, les GAMAM peuvent effectivement passer pour de bons élèves.
Cependant, même si les améliorations techniques ont compensé jusqu’à présent l’accroissement de la consommation de données, il y a des limites à tout et l’utilisation des données doit aller vers plus de sobriété.
Des pistes de solutions
L’acteur qui possède les clés de contrôle, c’est le consommateur, c’est-à-dire tout le monde. Malheureusement, il n’en a pas toujours conscience. Avant tout nouvel achat (et pas seulement un achat numérique), il devrait se poser la question du besoin réel et faire la démarche en pleine conscience.
Adoptez la méthode BISOU2 !
Il peut aussi veiller à prolonger la durée de vie de ses appareils, et en avoir un usage sobre, vraiment utile à son confort de vie.
Une autre piste serait du côté des pouvoirs publics et une législation plus contraignante. En Europe, nous avons le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données). Il est prévu pour agir sur le volet éthique pour encadrer la collecte et l’utilisation des données personnelles, mais a eu un effet domino sur le modèle économique. Ne pouvant plus collecter certaines données sans consentement, un vent de panique a soufflé un moment sur les entreprises qui basaient uniquement leur marketing sur ces méthodes intrusives. Pour autant, les algorithmes ont été adaptés, ceux de Google en tête qui a revu certains de ses services en conséquence comme Google Analytics.
Après avoir travaillé 20 ans dans de grandes entreprises du numérique, Nicole Paul a fondé La Félixe, un organisme de services et conseils informatiques pour une communication différente, éthique et écoresponsable. Depuis 2017, La Félixe fait partie du Collectif Numérique Responsable.
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