L'Aiguillon, le bulletin d'ATTAC Pour éviter le naufrage de la planète

Pour éviter le naufrage de la planète

Bulletin no 58 - Décembre 2018
«Il est trop tard pour être pessimiste». Yann Arthus-Bertrand
Les élections terminées, un nouveau gouvernement élu, que peut-on en attendre ? C’est la question que pose Claude Vaillancourt. Au premier regard rien de rassurant. Mais peut-être que ce premier ministre plus pragmatique et moins idéologique sera plus ouvert à écouter la société civile si elle se manifeste assez fort. Il faudra sortir dans la rue et rappeler - de toutes les façons possibles - que nous tenons à la justice sociale et climatique. A partir d’une déclaration de Philippe Couillard pendant la campagne électorale, l’article de Baptiste Godrie montre la déconnexion de certaines de nos élites politiques avec la réalité vécue par les défavorisés. L’individualisation des politiques de lutte contre la pauvreté masque les fondements structurels et collectifs de la pauvreté. C’est tout le système économique et alimentaire qui est à questionner et à repenser. L’article de Monique Jeanmart prolonge l’analyse des inégalités en lien avec les changements climatiques. Lutter pour le climat c’est lutter pour un monde plus juste. Partout sur la planète, ce sont les plus vulnérables, les plus pauvres qui subissent le plus intensément les conséquences des changements climatiques. Par des manifestations, par l’engagement individuel et la recherche de nouveaux modes de vie, des dizaines de milliers de citoyens décidés ont entrepris la plus grande bataille de notre histoire. Celle que nous ne pouvons pas perdre parce qu’il n’y a pas de planète B. Jeanne Gendreau prolonge la réflexion : une multitude de groupes de citoyens inventent et expérimentent de nouveaux modes de vie qui préparent l’après-capitalisme. Deux rencontres majeures ont permis ce printemps des mises en commun autour de ces expérimentations. Pour imposer le changement, il faut investir l’espace public, mais surtout connecter entre eux, seule façon, de constituer une réelle force de changement Chantal Santerre ouvre dans ce bulletin une nouvelle chronique qui reviendra à chaque publication : Les finances publiques pour les nuls. Dans ce 1er article, elle pose les bases et définit les concepts qui devraient permettre à chaque citoyen de consulter les rapports gouvernementaux et de jouer son rôle de citoyen.

Table des matières

Le billet du CA

Nouveau gouvernement, vieilles batailles

par Claude Vaillancourt
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L’élection de la CAQ n’apportera sûrement pas les changements attendus par une grande partie de la population au Québec. Cette dernière vient d’élire pas moins de 106 députés appartenant à des partis campés à droite et adeptes des politiques néolibérales. images-2.jpg

Avec ce choix très clair, les Québécois.e.s continuent de faire preuve d’une étrange ambivalence. On tient à préserver de bons services publics, en santé et en éducation notamment. Mais on vote pour des gouvernements qui préfèrent accumuler les compressions budgétaires et ouvrir les portes à l’entreprise privée, ce qui en réduit l’accessibilité.

L’histoire se répète. Sitôt élu, Jean Charest s’était lancé dans une grande «réingénierie» de l’État, sa réforme de l’administration publique a soulevé une opposition si forte auprès de la population que le projet a été remis en cause. L’élection de Philippe Couillard lui a permis d’appliquer des plans d’austérité dont les effets ont été tellement négatifs et tellement dénoncés que le PLQ a tenté d’assurer sa réélection par des annonces de réinvestissements dans les secteurs victimes de compressions.

Avec sa promesse de «mettre de l’argent dans les poches des Québécois», nous risquons de revivre le même psychodrame une troisième fois en peu de temps. François Legault cherche déjà comment il pourrait bien baisser les revenus de l’État plutôt que de se demander comment renflouer les services publics.e-caquiberal.jpg

Un bref regard sur son équipe ministérielle n’a pas de quoi nous rassurer. 16 ministres (sur 23) sont entrepreneurs, gens d’affaires ou gestionnaires, ayant parfaitement bien intégré la culture administrative du secteur privé. Ses trois ministres «économiques» sont de purs pratiquants de l’économie de marché. Et le peu d’intérêt de la CAQ pour la transition écologique se trouve confirmé par les promesses d’importants projets d’infrastructures routières et par la nomination d’une personne peu expérimentée à la tête du ministère de l’Environnement.

Le tableau n’est cependant pas aussi noir qu’on pourrait le penser. Après trois années de mesures d’austérité, il semble évident qu’on ne peut plus poursuivre dans la même voie sans prendre de grands risques politiques. Le cuisant échec des libéraux aux élections est dû en grande partie à ces politiques impopulaires. François Legault saura probablement en tirer les conclusions qui s’imposent.

De plus, le nouveau premier ministre ne semble pas aussi idéologue que son prédécesseur. Alors que Philippe Couillard était prêt à tout sacrifier au libre marché et qu’il demeurait un néolibéral parfaitement orthodoxe, François Legault se veut davantage pragmatique, et pourrait plus facilement céder devant le mécontentement de la population. De plus, il faut espérer que son nationalisme l’entraîne à défendre davantage l’économie locale plutôt que de la soumettre aux intérêts des multinationales.

Celles et ceux qui ont suivi l’évolution du site web de la CAQ ont pu constater une certaine transformation dans ses choix politiques. Le parti s’est fortement recentré, une démarche probablement jugée nécessaire pour lui permettre de prendre le pouvoir. On n’y parle plus d’État trop dépensier, d’exploitation tous azimuts des richesses naturelles (pétrole, gaz de schiste, etc.) Par contre, il devient important d’offrir de bons services à la population, de miser entre autres sur une éducation de qualité. Comment y arriver, tout en redonnant de l’argent à la population, comme le prévoit la CAQ? «On verra», dirait François Legault.

Il faudra demeurer particulièrement vigilant.e.s devant ces élus fraîchement convertis qui nous gouvernent. Les bons vieux réflexes provenant de la formation de gestionnaires de plusieurs d’entre eux, dont ils ne pourront aisément se détacher, les rendront réticents à adopter de véritables mesures progressistes.

Pour éviter les dégâts, il faudra sortir à nouveau nos pancartes, descendre dans la rue, manifester, rappeler l’importance de la justice sociale, d’une protection impeccable de l’environnement. Les années CAQ ne seront pas de tout repos. Tenons-nous le pour dit.

 

Recettes de cuisine contre souveraineté alimentaire

par Baptiste Godrie
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«Tu le fais cuire le premier soir, tu fais un rôti de porc. Ensuite, tu fais du macaroni avec du porc dedans. Ensuite, tu fais un genre de pâté chinois avec. Et après, tu fais des sandwichs pour les enfants » Détrompez-vous, il ne s’agit pas des consignes d’un atelier de cuisine collective de quartier, mais bien des propos de l’ancien Premier ministre du Québec durant la dernière campagne électorale. On peut dire qu’avec cette phrase, le thème de la pauvreté est arrivé dans cette campagne comme un cheveu sur la soupe.

Trois constats. Premièrement, lorsqu’un premier ministre déclarant un patrimoine de plusieurs centaines de milliers de dollars explique le plus sérieusement du monde qu’une famille peut se nourrir avec 75$ par semaine, on comprend toute la déconnexion de certaines personnes de la classe dominante au Québec.

Deuxièmement, quand cette personne ajoute l’injure à l’insulte en allant jusqu’à donner des recettes de cuisine s’appuyant sur les spéciaux de la circulaire d’épicerie, on se dit qu’il y a quelque chose de pourri dans le monde actuel. Ces conseils traduisent bien l’individualisation des politiques de lutte contre la pauvreté, et la culpabilisation des personnes qui n’ont pas les moyens de manger à leur faim qu’elles sous-tendent. L’augmentation des loyers, l’endettement des ménages, le travail pauvre, le montant des prestations d’aide sociale… toutes ces réalités sociales sont réduites aux compétences de cuisine et de magasinage des personnes. À la violence économique s’ajoute, avec ce discours, une violence morale qui vise, précisément, à nier les fondements structurels et collectifs du problème.

Pourtant, le phénomène est loin d’être anecdotique et les difficultés pour se nourrir concernent chaque mois une partie non négligeable de la population. À l’échelle du Canada, plus de 4 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire, ce qui signifie qu’elles rencontrent chaque mois des difficultés pour se procurer de quoi manger, selon la Food Insecurity Policy Research1. Au Québec, cela représente plusieurs centaines de milliers de personnes, dont 150 000 enfants, à qui 387 195 paniers de provisions sont distribués mensuellement 2 . À Montréal, par exemple, 30% des habitants vivent sous le seuil de la pauvreté et, en 2013, une étude réalisée par la Santé publique constatait que 43,5 % des Montréalais n’avaient accès à aucune offre de fruits et légumes frais dans leur milieu et résidaient dans un désert alimentaire.3

Troisièmement, malgré un surgissement tardif en lien avec l’alimentation, le thème de la pauvreté a été un grand oublié de la dernière campagne. Or, derrière les techniques de survie des foyers les plus pauvres pour manger le plus possible à leur faim, c’est tout un système économique et alimentaire qui est à questionner et à repenser. Considérant l’envergure de ces problèmes, les solutions doivent pointer dans plusieurs directions.

Tout d’abord, le passage d’une logique de l’insécurité alimentaire, qui repose notamment sur l’idée de charité des plus riches à l’égard des plus pauvres, au profit d’un droit à l’alimentation, comme le recommande d’ailleurs le rapport parlementaire canadien Une politique alimentaire pour tous (2017) 4 La notion de droit confère aux États et différentes institutions publiques la responsabilité d’améliorer l’accès à des aliments de qualité et abordables financièrement, ainsi que de soutenir les communautés locales à développer leurs propres réponses pour accroître leur autonomie alimentaire. L’autonomie ou souveraineté alimentaire renvoie à de multiples initiatives communautaires et citoyennes qui émergent localement pour diminuer la dépendance des grandes chaines industrielles d’approvisionnement et favoriser une agriculture biologique de proximité distribuée par le biais de marchés régionaux. Les Incroyables comestibles qui visent, par le biais de l’agriculture urbaine, à mettre à la disposition de tous et de toutes de la nourriture gratuite, saine et locale, en sont également une belle illustration.

Enfin, c’est tout l’enjeu de la mise en œuvre d’une réelle politique de réduction des inégalités sociales qui est à mettre à l’avant-scène, qu’il s’agisse de mettre fin aux paradis fiscaux et de mieux taxer les multinationales comme le propose Attac. Il n’y a qu’à mettre en perspective les chiffres d’affaires mirobolants des grandes compagnies qui produisent et distribuent les produits alimentaires (Wallmart, Aldi, Auchan et, demain, Amazon qui se lance dans la livraison de repas)5 avec celui du milliard d’êtres humains qui ne mangent pas à leur faim pour comprendre que quelque chose ne tourne pas rond sur notre planète, et saisir l’ampleur du travail à accomplir.

 

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Notes

  1. http://proof.utoronto.ca/food-insecurity/.
  2. https://www.banquesalimentaires.org/la-faim-au-quebec/portrait-de-la-situation/
  3. http://www.santecom.qc.ca/bibliothequevirtuelle/Montreal/9782896733088.pdf. Ces problèmes touchent encore plus durement les communautés autochtones dans lesquelles le taux d’insécurité alimentaire atteignent jusqu’à 70%.
  4. https://www.noscommunes.ca/Content/Committee/421/AGRI/Reports/RP9324012/agrirp10/agrirp10-f.pdf .
  5. https://fr.express.live/2018/08/09/ces-10-entreprises-dominent-le-secteur-de-lalimentation.

Pour un monde plus juste: agir pour le climat

par Monique Jeanmart
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La croissance des inégalités est – et demeure – un problème criant : un bulletin d’Attac récent (avril 2018) montrait que la restructuration du capitalisme par les politiques néolibérales a généré une augmentation croissante des écarts de revenus dans la majorité des pays occidentaux. La recherche continuelle de l’augmentation des profits par le productivisme et l’extractivisme a mené à une crise écologique sans précédent, génératrice d’inégalités moins visibles mais non moins dramatiques.

Changements climatiques et sécurité alimentaire

Partout sur la planète, ce sont les populations les plus vulnérables qui vivent le plus intensément les conséquences des changements climatiques. Dans certaines régions d’Afrique, l’agriculture traditionnelle est le moyen de subsistance de 80% de la population. C’est cette région qui est une des plus concernées par les changements secheresse_en_afrique-3.jpgclimatiques avec le moins de moyens d’adaptation par manque de ressources financières et technologiques. Sécheresses, saisons décalées, pluies diluviennes et inondations occasionnent des pertes de récoltes et des reculs de rendement qui affectent l’alimentation des producteurs directement, et l’ensemble de la population par l’augmentation des prix alimentaires. La sécurité alimentaire n’est pas uniquement question de production, mais aussi de répartition et d’accès à la nourriture pour tous. La lutte contre la faim – qui avait connu des succès importants dans la dernière décennie connait de sérieux reculs à mesure que les changements climatiques s’intensifient.

Réfugiés climatiques

Selon une étude publiée par la Banque mondiale, le nombre de personnes déplacées dans le monde suite à des événements climatiques ne cesse d’augmenter. La moyenne annuelle de ces déplacements, 25,3 millions entre 2008 et 2016, ne cesse d’augmenter. Les personnes les plus pauvres et les plus marginalisées sont 5 fois plus susceptibles d’être déplacées et ce phénomène s’accroit d’année en année. Si certaines régions deviennent trop chaudes pour être habitées, d’autres sont englouties par la hausse du niveau des mers provoquant des migrations massives.

L’Arctique est le meilleur exemple pour mettre en évidence l’interaction des phénomènes climatiques et les conséquences dramatiques à l’échelle de la planète. Depuis 2016, le réchauffement y a été parmi les plus importants : par moment de 20 degrés Celsius au-dessus de la moyenne avec pour conséquence la fonte des glaciers et du pergélisol. Si l’augmentation des mers qui en résulte a des conséquences sur les populations locales, elles sont particulièrement dramatiques pour les millions des personnes – partout dans le monde – qui vivent dans des zones côtières situées au niveau de la mer.1

Qu’en est-il au Québec?

La hausse des températures moyennes et les canicules qui se succèdent de façon alarmante ces dernières années, si elles semblent moins dramatiques qu’ailleurs dans le monde, ne sont pas vécues de la même façon par tous. Même à une échelle réduite, les phénomènes climatiques affectent différemment certaines catégories de personnes. Les îlots de chaleur, lieux où la température est significativement plus élevée, affectent davantage les quartiers défavorisés. Moins végétalisés, plus densément habités, avec une qualité de logement moindre – trop chaud l’été et trop froid l’hiver – ils rendent ces catégories plus vulnérables à l’effet des températures élevées.

Justice intergénérationnelle : 2030 c’est demain

«Ne tuons pas la beauté du monde…
…faisons de la terre un grand jardin pour ceux qui viendront après nous…»
Diane Dufresne

La lutte contre les changements climatiques est une lutte pour la protection de l’environnement, mais surtout pour la protection de ceux qui nous suivront.

o-dufresne.jpg Les dernières décennies ont été témoin d’une reconnaissance de plus en plus grande de droits: droits des femmes, droits des travailleurs, droits des minorités ethniques ou sexuelles, etc. Une approche récente ouvre une nouvelle perspective sur les droits sociaux. Au centre de la lutte pour les droits humains émerge une notion de droits intergénérationnels sous-tendue par une question «quel monde voulons-nous laisser à nos enfants». Ceux qui nous suivront – qu’ils soient nés ou pas – vivront les conséquences de nos choix. Eux aussi ont aussi des droits.

La prise en compte de ces droits intergénérationnels est relativement récente. C’est à la conférence des Nations unies pour l’environnement à Stockholm en 1972 que se trouvent associés les préoccupations environnementales et les droits des générations futures. Appelé Premier sommet de la Terre, l’environnement y devenait un enjeu majeur à l’échelle internationale. Le premier article de la déclaration finale énonce « … il (l’homme) a un devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures ». Dix ans plus tard, en octobre 1982, l’Assemblée générale des Nations unies proclamait la Charte mondiale de la nature qui réaffirme explicitement la notion de droits des générations futures.2 p-pas_de_planete_b-001.jpg

Ces générations ne peuvent se contenter de petites avancées – la théorie «des petits pas» que rejetait Nicolas Hulot lors de sa démission fracassante en direct à la radio. Ni des belles – mais fausses – paroles de Justin Trudeau : défendre à la fois l’environnement et les sables bitumineux. Ni de la vision politicienne : le développement durable – ou vert – en même temps que l’idéologie de la croissance. Nous ne sommes plus à l’étape de changer nos ampoules ; manger bio et local (pour ceux qui en ont les moyens), se déplacer en vélo, recycler, composter, etc. ne suffira pas. Agir individuellement oui, mais dans un grand sursaut collectif. Nous avons besoin d’un grand mouvement collectif, comme dans les années 60, quand le slogan «Maître chez nous» mobilisait tout le Québec. Les politiciens ne changeront que sous une pression populaire forte et permanente pour les forcer à travailler avec les scientifiques. Mais surtout il faut y croire! Ne jamais baisser les bras. En 1987, alors les trous dans la couche d’ozone menaçaient toute vie sur terre, le Protocole de Montréal, imposait l’interdiction des gaz CFC (gaz chlorofluorocarbures). Renforcé à plusieurs reprises, les scientifiques constatent aujourd’hui que les trous sont en train de se résorber et qu’ils le seront vers 2030. Il n’y a jamais de causes perdues d’avance. 50 000 personnes ont marché samedi le 10 novembre dans plusieurs villes du Québec. Si elles sont 1 million demain, elles seront la clameur qui remplacera le pouvoir des lobbies dans les décisions politiques. Ensemble, citoyens riches ou pauvres, artistes, intellectuels ou militants nous entamons la plus grande bataille de notre histoire. Celle que nous ne pouvons pas perdre parce qu’il n’y a pas de planète B !

Notes

  1. Voir l’excellent documentaire L’arche d’Anote de Mathieu Ritz sur l’archipel Kiribati, dans le Pacifique, qui sera inexorablement englouti dans l’espace d’une génération. https://rytz.co/portfolio/larche-danote/
  2. Résolution 37/7 de l’Assemblée générale des Nations unies votée par 111 voix, contre 18 abstentions et une opposition (celle des États-Unis).
INITIATIVES INSPIRANTES

Une autre fin du monde est-elle possible?

par Jeanne Gendreau
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«Le climat de la planète s’approche du point de rupture». Telles sont les manchettes en octobre 2018 qui traversent la planète. Malgré le caractère dramatique et urgent de cet appel, la mobilisation citoyenne demeure mitigée. «On croit difficilement aux fléaux lorsqu’ils vous tombent sur la tête. Le fléau n’est pas à la mesure de l’homme, on se dit donc que le fléau est irréel».1 «La menace est trop grande. Ça nous dépasse. On n’arrive pas à concevoir que la Terre ne sera plus habitable. C’est un non-sens pour notre conscience.»2

De nombreux groupes de personnes militent pourtant. Se posent des questions, essaient de trouver des alternatives, de créer des modèles de vivre-ensemble qui seraient moins menaçants pour notre terre. Il y a ceux qui s’opposent farouchement à l’extractivisme, aux oléoducs, à la déforestation, ceux qui prônent la décroissance, ceux qui dénoncent les multinationales et les vicissitudes des traités de libre-échanges, etc. Il y a aussi des citoyens qui, à l’intérieur de leur vie quotidienne, tentent d’apprivoiser une nouvelle façon de vivre : ils s’abonnent aux «paniers bios», à l’autopartage, ils visent le «Zéro-déchets», s’initient à l’agriculture potagère sans pesticide, diminuent leur consommation de viande, leurs déplacements en avion, etc.

Et plusieurs, parmi ces citoyens éveillés, participent à des colloques dans l’espoir de trouver avec d’autres des nouvelles pistes de solutions.

Préparer la société à l’après-capitalisme?

image_transition.png La conférence «La Grande Transition» rassemblait 300 intervenants de 12 pays répartis dans plus de 120 ateliers, dans le centre-ville de Montréal. Le titre de l’événement était prometteur et rassembleur. Nous étions nombreux à être intéressés par «La Grande Transition» proposée par les Nouveaux cahiers du Socialisme et Historical Materialism.

Le terme «transition» est très à la mode actuellement. On peut relever au moins une centaine d’organismes de toutes sortes et d’idéologies différentes qui ont mis ce mot en évidence dans leur appellation, sans mentionner les nombreux colloques. Tous en transition, mais pas nécessairement la même pour tous! Pourtant, la transition c’est tout simplement le mouvement d’un état à un autre. Être en transition fait partie d’un processus normal et universel. Mais plus l’évolution menace l’humain, plus elle inquiète et plus on veut la nommer et la qualifier, – écologique, énergétique, environnementale, économique, politique, etc.- Mais en fait, le qualificatif qui la décrit le mieux n’est-il pas «obligée»? Tous les êtres vivants sur terre ne sont-ils pas en transition forcée?

Dans ce colloque dit de «La Grande Transition», de nombreux penseurs et chercheurs se sont succédé sur les panels, avec une vision critique et pertinente de notre système néolibéral. Cela fait plus d’un siècle que le capitalisme est dénoncé et ceci bien avant les urgences climatiques. Avec ces nouvelles données, on le rend – à juste titre – responsable de la dégradation de notre habitat à l’échelle mondiale. Mais ce cadre analytique – même en évolution – diminue-t-il ou accroît-il le sentiment d’impuissance face à l’ampleur de la tâche?

Un des objectifs de ces rencontres était de créer un lieu de réflexions et d’échanges entre chercheurs-penseurs et citoyens « engagés » pour tenter d’élaborer des alternatives et des stratégies concrètes et mobilisatrices. Objectif atteint lors de ce colloque? Pas nécessairement! Mais ça n’est ni la faute des organisateurs, des panélistes et des participants. Cette difficulté à mettre en commun est peut-être due à la diversité et à la fragmentation des visions : entre le concept des « petits pas » et celle d’un changement de paradigme, il y a toute une série de possibles ou d’impossibles.

Pourtant, que l’on soit chercheur et/ou penseur, militant actif et/ou citoyen éveillé, devant l’urgence actuelle, un dénominateur commun devrait nous réunir : accaparer le plus possible l’espace public. «Il faut (…) concevoir plein de petits points, un peu partout dans la société, qui se rejoignent à mesure qu’ils prennent de la puissance». 3

Une fabrique d’idées: Virage 4

virage.jpg Sainte-Rose du Nord est l’un des plus beaux villages du Québec. C’est dans un grand champ dominant le magnifique fjord du Saguenay qu’est né «Virage, fabrique d’idées» il y a 4 ans. Quatre personnes inspirées (entourées et soutenues par plusieurs) ont créé une petite cité tout à fait conviviale pour y accueillir 500 personnes le temps d’un long week-end.

De la route nous apercevons déjà une centaine de petites tentes colorées qui éclairent un paysage déjà lumineux. Sur le site, il y a tout le nécessaire pour réfléchir, se nourrir et festoyer. : 3 espaces protégés de la pluie et/ou du soleil pour les panels et les discussions, une cuisine de produits bios et locaux, un bar bien garni de bières du Québec, de grandes tables conviviales et,- surprise!- une scène pour les spectacles. Sans oublier un espace de jeux et de création pour les enfants. Un site fonctionnel aménagé avec peu de moyens financiers, mais avec beaucoup d’imagination. Et de respect, de soin pour cet habitat naturel.

photo_virages.jpgUn cadre bien différent des colloques habituels! Une ambiance qui peut rappeler à certains moments un festival tout droit descendu des années 70, mais des participants engagés dans un processus de réflexion collective et dans une expérience de vivre ensemble. On discute sérieusement de décroissance, de démondialisation et d’énergies alternatives, mais plusieurs aspects de la vie quotidienne font partie intégrante du festival. Il y a de la place pour les émotions, la musique, les rencontres et les discussions informelles.

Faire partie des communs?

Oui, le festival Virage qui nous convie à une transition festive, est une initiative très inspirante.

Mais après 4 jours, il faut tout démanteler. Pourrait-on prolonger ce projet tout un été? Plusieurs étés? En faire un lieu incontournable de fabrique et de brassage d’idées? Un lieu pris en charge par différentes cohortes de participants? Et – rêve fou? – qu’il devienne un «communs» (bulletin d’Attac juin 2018)

À l’instar de Bâtiment 7 (bulletin d’Attac, avril 2018), il y a dans l’initiative Virage de nombreux éléments permettant de rêver qu’elle puisse faire partie des communs : il y a, d’abord et avant tout, une ressource gérée par une communauté formée des organisateurs, de ceux qui l’aménagent et de ceux qui y participent. Cette communauté partage des valeurs non-consuméristes et de protection de l’habitat, et créée nécessairement un champ magnétique d’énergie sociale.

Virage à contresens

La plénière du dimanche après-midi oblige un virage en U! Le site magnifique investi depuis 4 années ne sera plus disponible. Non à cause des propriétaires (qui font partie du collectif organisateur), mais à cause d’un règlement relié au zonage agricole. La visite récente d’un fonctionnaire semble avoir réduit à néant les velléités de poursuite du festival dans ce champ, destiné, semble-t-il exclusivement à la culture du foin. Faut-il y voir un processus d’accaparement d’une ressource collective au profit de quelques personnes? Un geste de répression devant une initiative qui pourrait être menaçante parce que hors des sentiers battus? Ou tout simplement l’obligation d’appliquer un règlement?

Peut-être toutes ces réponses! Mais qu’importe l’analyse qu’on puisse faire de cette interdiction, la baisse de l’énergie collective est palpable. Plusieurs tentent des suggestions de remplacement. D’autres veulent investiguer les solutions juridiques. Dans le respect de l’autorité. Fin de ce festival de transition festive? Peut-être pas, mais fin certaine de ce «communs». Le site sur lequel il s’est bâti constitue un élément essentiel au même titre que l’énergie créatrice du collectif fondateur. C’est l’amalgame qui a donné naissance à la ressource et lui a permis d’évoluer jusqu’à maintenant.

Il faudrait beaucoup de motivation, de temps et d’énergie pour persévérer! Les bâtisseurs du Bâtiment 7 ont lutté plus de 10 ans pour inventer et sauvegarder la ressource telle que nous la connaissons aujourd’hui. Et ils avaient, surtout, une tradition de luttes communes. Ces quelques initiatives ne peuvent à elle seules éloigner ou même retarder les menaces reliées à l’accélération du réchauffement climatique. Mais elles témoignent, à leur façon, que d’autres modèles de vie et de développement peuvent exister.

Que retenir de ces colloques? Que la transition est une idée floue que tout le monde s’approprie à sa façon? Qu’il ne semble pas y avoir beaucoup d’espaces libres de droit où expérimenter des nouvelles façons de vivre? Que souvent ceux qui ressentent l’urgence d’agir n’ont de pouvoir que dans les «petits pas»? Et que ceux qui ont le pouvoir des « grands pas » accélèrent la catastrophe?

Quelles que soient les limites de ces rencontres, de ces colloques, de ces conférences, elles connectent ensemble des petits points isolés: «ceux qui bloquent les mines et font chuter le cours des actions des multinationales, ceux qui réinventent des communs – du mouvement de la transition aux zones à défendre. Une autre fin du monde est-elle possible?» 5

Notes

  1. Louis Hamelin, Camus et les changements climatiques in Le Devoir, 6 octobre 2018, https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/538380/camus-et-les-changements-
  2. Stéphane Laporte, La terre n’est pas un RBNB, in La Presse +, 27 octobre 2018, http://plus.lapresse.ca/screens/d710b39d-6fe7-40e2-82f9-
  3. Nicolas Langelier, Le peuple conscient, in Nouveau Projet, no 14, https://edition.atelier10.ca/nouveau-projet/magazine/nouveau-projet-14/le-peuple-conscient
  4. Virage, fabrique d’idées, 28 juin au 1er juillet 2018, http://festivalvirage.ca/[4] >
  5. Jean Gadrey, Faut-il être anticapitaliste pour sauver la planète?, in Alternatives économiques, 16 octobre 2018, https://blogs.alternatives-economiques.fr/gadrey/2018/10/16/lordon-casaux-ziegler-etc-faut-il-etre-anticapitaliste-pour-sauver-la-planete
LES FINANCES PUBLIQUES POUR LES NULS

Citoyens, citoyennes, comprendre vos finances publiques!

par Chantal Santerre
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Au cours des dernières élections, nous avons eu droit à une primeur quant aux finances publiques qui doit nous réjouir, eh oui, nous réjouir. Et pourquoi donc, me direz-vous?

Vous avez sûrement souvenir d’entendre un parti nouvellement élu, nous dire que l’état des finances publiques à leur arrivée n’était pas tel qu’annoncé par le parti sortant et que, pour cette raison, l’atteinte des différentes promesses électorales s’en verrait affectée. C’est pourquoi en avril 2015, l’Assemblée nationale confiait au ministre des Finances l’obligation de préparer et de publier, avant la tenue de chaque élection générale, un rapport présentant l’état des finances publiques. L’ajout de ces nouvelles obligations législatives visait notamment à renforcer la transparence du gouvernement à l’égard de la situation économique et financière prévue du Québec avant les élections générales et à fournir aux utilisateurs du rapport préélectoral une plus grande assurance quant à la plausibilité des données qu’il contient.

budget_chantal.jpgChaque citoyen est un des utilisateurs potentiels de ce rapport, et de bien d’autres informations financières présentées par nos gouvernements.

Cette chronique, qui reviendra à chaque numéro, a pour humble objectif de tenter de vous apprendre quelques notions de comptabilité de base nécessaires pour bien exercer votre rôle de citoyen.

Commençons donc en nous penchant sur une des publications du gouvernement du Québec qui ne suscite pas autant d’attention que le rapport préélectoral, une publication dont vous n’avez peut être jamais entendu parler, mais qui est d’une grande importante: les Comptes publics (autrement dit : les états financiers) consolidés du Gouvernement du Québec. Ce ne sont pas des prévisions comme on retrouve dans le budget, mais bien les chiffres réels de l’année financière qui se termine le 31 mars de chaque année. Que retrouve-t-on dans cette mine d’or d’informations?

Ouvrons les comptes publics

Cette analyse détaillée des états financiers présente d’abord les faits saillants de l’année; fait retour sur le budget et explique les écarts entre celui-ci et le réel; décrit l’évolution des différents postes budgétaires au fil des ans; rappelle comment a été appliquée la Loi sur l’équilibre budgétaire et analyse des indicateurs financiers (par exemple la dette brute par rapport aux revenus totaux, la dette brute par rapport au PIB, etc.). Ces indicateurs doivent nous permettre de mieux comprendre la santé financière du gouvernement. On y retrouve aussi, outre de nombreuses statistiques, des résultats par secteur (éducation, santé, etc.) et même un glossaire. Toute cette information est fournie pour vous aider et vous préparer à lire les états financiers consolidés, qui seront présentés par la suite. v-comptes_2016-2.jpg

Comme ce nom l’indique, il y a plusieurs états et chacun d’eux présente une facette de la situation financière d’une entité économique. Pour cette première chronique, nous allons nous attarder à l’état de la situation financière, mieux connu sous le nom de bilan. Tout bon cours de comptabilité 101 débute par cet état parce que c’est justement là que l’on retrouve l’équation comptable fondamentale.

Une équation qu’il faut connaître

Je dis souvent à la blague que le cri de ralliement des comptables est «Ça balance». Et pourquoi ça balance? Tout simplement parce que la comptabilité est basée sur l’équation comptable fondamentale, qui est la suivante: ACTIF = PASSIF + AVOIR

Pour comprendre cette équation, un parallèle avec votre bilan personnel aidera. Prenez tous vos biens (votre actif), soustrayez vos dettes (votre passif) et vous obtenez votre valeur nette (votre avoir).

On peut présenter cette équation de cette façon: ACTIF – PASSIF = AVOIR

De la même manière que si 9 – 5 = 4, on peut aussi dire que 9 = 5 + 4, on obtient que l’actif = passif + avoir.

D’un point de vue comptable il est plus intéressant d’utiliser ce mode de présentation.

Premièrement cela nous permet de nous assurer que le tout balance. Deuxièmement, cela nous permet de montrer d’un côté l’investissement (les actifs) et de l’autre comment ces actifs sont financés soit par les tiers (le passif), et par les détenteurs de l’entité économique (l’avoir).

Prenons le temps de bien définir chacun des éléments de cette équation comptable.

L’actif est constitué de l’ensemble des ressources matérielles ou financières que l’entité économique (un individu, une entreprise, un gouvernement, etc.) utilise dans le cadre de son exploitation. Ce sont des ressources économiques sur lesquelles l’entité exerce un contrôle en raison de faits passés (par exemple l’acquisition d’un immeuble) et ces ressources sont susceptibles de lui procurer des avantages futurs (disons gagner un revenu). On considère aussi que les actifs sont des investissements, et c’est à partir de cet investissement que l’on pourra générer des revenus d’exploitation. C’est ainsi qu’un gouvernement utilise ses différents actifs pour rendre les services à la population.

Il existe parmi les actifs, des actifs à court terme (ou les actifs financiers), par exemple la banque ou les débiteurs. Ce sont des ressources très liquides, c’est-à-dire qui peuvent être transformées rapidement en monnaie. Elles proviennent de transactions passées. C’est ainsi que dans le compte Banque, on retrouve l’argent provenant des taxes et des impôts perçus, ou des sommes encaissées suite à un nouvel emprunt.

D’autres sont des actifs à long terme. Ce sont des biens que l’on possède et que l’on peut utiliser sur une plus longue période : par exemple, pour un individu, son véhicule. Pour un gouvernement cela peut être des véhicules de transport, de la machinerie, du mobilier, des bâtiments, des infrastructures pour le transport routier, maritime et aérien, des terrains, des parcs et autres.

Le passif désigne quant à lui les dettes contractées par une entité économique auprès de tiers (par exemple, une banque, un fournisseur). Ce sont les moyens de financement qui lui permettent d’acquérir certains actifs.

Les capitaux propres (capital ou avoir) sont les fonds qui proviennent du propriétaire de l’entité économique (par exemple gouvernement). C’est aussi là que se cumulent les fonds qui résultent de l’exploitation. Cela nous donne la valeur nette du gouvernement à une date donnée, ceci en ne considérant que les faits économiques qui ont été comptabilisés. Pour un gouvernement, c’est sous cette rubrique qu’on retrouve la différence entre les actifs et les passifs. Si on se rapporte à l’équation comptable ci-dessus, pour un gouvernement ayant plus de passifs que d’actifs, on obtiendra une valeur négative au niveau de l’avoir et c’est ce qu’on appellera les déficits cumulés.

Si on regarde l’état de la situation financière du gouvernement pour l’année 2016-2017 (ci-dessous), on peut constater que la présentation utilisée dans les états financiers diffère un peu quand il s’agit d’un gouvernement. Mais on peut ramener le tout sous la même forme que l’équation comptable fondamentale : ACTIF = PASSIF + CAPITAUX PROPRES

Prenons par exemple l’année 2017. Si on prend le total des actifs financiers (78 089 millions $) et qu’on y additionne le total des actifs non financiers (68 906 millions $), on obtient le total de l’actif (146 995 millions $). De l’autre côté, si on prend le total des passifs (259 844 millions $) et qu’on soustrait les déficits cumulés (112 849 millions $), on obtient (146 995 millions $) et ça balance, ce qui fait la joie des comptables.

On constate donc aussi que le gouvernement se finance par endettement, ce qui est normal, comme nous allons voir.

Sur les déficits

Pourquoi est-ce ainsi? Est-ce que les finances d’un gouvernement sont toujours déficitaires?

images_2_-2.jpg Il faut ici se rappeler qu’un gouvernement n’est pas une entité économique à but lucratif: son objectif est de percevoir suffisamment de revenus sous forme de taxes, d’impôts et d’autres sources pour rendre les services à la population. En d’autres mots, un gouvernement n’a pas d’objectif de réaliser un profit, mais bien de financer correctement les services publics. Son pouvoir de taxer et de percevoir des impôts lui permet de recueillir les revenus suffisants pour accomplir ses missions (entre autres, la santé, l’éducation, etc.) ce qui le distingue d’une entreprise ou d’un particulier qui tente en général de faire le maximum de revenus possibles — le gouvernement, lui, ne cherche pas à taxer le plus possible les contribuables. Étant donné que l’objectif du gouvernement n’est pas de faire financer une partie des actifs par les citoyens, il les finance totalement par l’endettement.

La situation financière du gouvernement diffère donc de celle d’un individu ou d’une entreprise. Son analyse comptable comporte aussi des limites qu’il faut connaître.

Limites de cette analyse

La première de ces limites est qu’on ne comptabilise que les actifs et les passifs qui sont issus de transactions financières. On ne retrouve donc pas dans les états financiers du gouvernement l’ensemble des ressources que possède la société québécoise. Par exemple, ce n’est pas l’ensemble des terres, des lacs, des forêts, des ressources naturelles et autres richesses qui est comptabilisé. C’est pourquoi la capacité d’emprunt d’un gouvernement est plus grande que seulement les actifs que l’on retrouve dans ses états financiers.

La deuxième limite est que les actifs à long terme ou immobilisations selon les principes comptables sont comptabilisés au coût d’origine, c’est-à-dire selon la valeur à laquelle les biens ont été payés ou bien selon l’ensemble des coûts encourus pour les construire et non à leur valeur marchande. De plus, cette valeur comptable est amortie sur un certain nombre d’années. Mais qu’est-ce que l’amortissement ? C’est une écriture comptable qui consiste à répartir le coût d’un actif sur le nombre d’années que l’on prévoit l’utiliser. Concrètement on comptabilise l’actif au bilan et chaque année on soustrait une portion de l’actif et on enregistre cette portion comme une dépense d’exploitation. Cela fait en sorte que la valeur des immobilisations diminue d’année en année pour rendre compte de leur utilisation, et cela sans tenir compte de leur valeur marchande. La comptabilité, on le voit, est conservatrice : elle préfère que les biens soient sous-évalués plutôt que surévalués.

Finalement, certaines des dépenses, pensons en particulier à l’éducation, sont en réalité des investissements et devraient être comptabilisées en tant qu’actifs parce que ce sont des ressources qui procureront des avantages futurs.

On peut donc conclure que l’état de la situation financière d’un gouvernement nous fournit un portrait fiable dans la mesure où il ne surévalue pas la valeur d’un gouvernement, mais incomplet parce que le système économique dans lequel nous évoluons et par le fait même la comptabilité ne prend pas en compte l’ensemble des ressources dont nous disposons en tant que société. etats_financiers_chantal.pngSource : Comptes publics 2016-2017, volume 1, États financiers consolidés du gouvernement du Québec, Année financière terminée le 31 mars 2017, p. 85. 1

Notes

  1. http://www.finances.gouv.qc.ca/documents/Comptespublics/fr/CPTFR_vol1-2016-2017.pdf

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