Nous essayons encore aujourd’hui de comprendre la performance de Donald Trump lors des dernières élections américaines. Comment se fait-il qu’un tel comportement grotesque, irrationnel, bouffon, que cela concerne la pandémie ou plusieurs autres sujets, ne lui ait pas enlevé toute crédibilité auprès des électeurs et des électrices.
Que ce soit l’effet de diffusions virales des mensonges à répétition connus sous l’euphémisme consacré de Fausses Nouvelles ou les théories du complot, l’extrémisme religieux, la menace du communisme et de la perte des privilèges blancs, peu importe, ce mélange a maintenu la division de la population et n’a permis qu’une courte victoire démocrate qui, quoique porteuse sur certains aspects d’une possible normalisation, met en doute la réalisation de changements souhaités par les rangs progressistes.
Ce spectacle électoral, parfois irréel auquel nous avons assisté, fait ressortir que nous sommes non seulement en pleine crise sociale, écologique, fiscale, mais aussi démocratique.
Lorsque la population dans une si large proportion ne peut plus distinguer le vrai du faux; lorsque le cynisme se transforme en conspirationnisme; lorsque les algorithmes définis par des oligopoles hors de tout contrôle suppléent à l’information factuelle, nous sommes en mesure de comprendre que les assises de la démocratie et de l’existence même du bien commun peuvent s’écrouler.
À ce péril de la désinformation s’ajoute un autre phénomène que la pandémie a révélé, ici et ailleurs dans le monde, par le comportement des antimasques et des voyageurs faisant fi des recommandations sanitaires. Il faut y voir la prévalence, pour certaines personnes, des droits individuels sur l’intérêt général, ce qui, selon Jean-François Caron1, s’expliquerait par un héritage de la révolution des droits qui a érodé le nous collectif au fil des dernières années affirmant que le rôle premier de l’État est de défendre leurs droits individuels.
En fait, nous pouvons certainement affirmer que les États se sont aussi discrédités politiquement et socialement, particulièrement depuis les années Thatcher et Reagan où le système économique s’est complètement soustrait au contrôle démocratique. Les dérégulations, les délocalisations, le capitalisme financier, la compétitivité fiscale, le laisser-aller dans le développement des oligopoles numériques et des inégalités extrêmes sont autant de facteurs qui ont contribué à la chute de l’État en tant que moteur de l’action collective et du vivre ensemble. Cela a comme conséquence la catastrophe sociale et environnementale que nous vivons présentement.
Cette question de crédibilité prend toute son ampleur devant l’immense défi qui nous confronte face aux murs de la crise écologique, laquelle nous obligera de façon volontaire, ou pas, à transformer radicalement nos manières de vivre.
Nous pouvons facilement comprendre, en situation d’urgence, qu’une large majorité de la population peut adhérer à des consignes sanitaires en provenance de nos systèmes étatiques puisque cette responsabilité est reconnue historiquement par la population, mais qu’en est-il des contraintes qui pourraient nous être imposées face aux désastres écologiques ? Peut-on s’en remettre aux États qui semblent faire bien plus partie du problème que des solutions ? Et comment construire cette réflexion générale dans l’état de dépolitisation actuelle ?
Comment élargir le débat, comment le partager et enfin, comment décider ensemble ? Là est tout le défi.
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