Depuis le Brexit et l’élection de Donald Trump, les opposants au libre-échange sont remis en cause d’une façon nouvelle. Dans le cas de ces deux événements, une campagne axée entre autres sur le racisme et l’exclusion a permis une victoire inattendue des défenseurs d’un protectionnisme décomplexé. Ce qui permet à certains d’arriver à de douteuses conclusions.
On associe ainsi l’ouverture et la tolérance au libre-échange, ce qui s’oppose à l’esprit sectaire et égocentrique de Trump et des défenseurs du Brexit. Ceux qui s’obstinent à dénoncer les accords commerciaux sont associés à des électeurs d’extrême-droite, dans un amalgame commode qui vise à rejeter en bloc tous les objecteurs de ces traités.
À un point tel que certains se sont demandé s’il ne fallait pas soutenir ces accords, afin de ne pas être confondus aux conservateurs protectionnistes, et par crainte que l’élimination de ces ententes ne referme les frontières et crée une nouvelle instabilité économique.
Pourtant, l’existence même de ces mouvements très à droite est le produit de la désillusion créée par des politiques économiques constamment dénoncées par les adversaires du libre-échange, des choix économiques qui favorisent l’accroissement des inégalités sociales et ne tiennent compte que du seul bénéfice des grandes entreprises.
Comme l’a souligné Yannick Jardot, député européen d’Europe écologie s’adressant aux partisans de l’AÉCG, «nous sommes dans un moment trop précieux, trop rare de notre histoire pour ne pas regarder ce qui justifie, ce qui explique les Brexit et les Trump : c’est la mondialisation que vous construisez. Vous alimentez le feu dont se nourrissent les extrêmes-droites.»
En opposant un libre-échange soi-disant progressiste à une extrême-droite revancharde, les défenseurs des accords commerciaux font l’économie d’un examen de conscience pourtant plus que nécessaire. Ils prétendent vouloir aller de l’avant en refusant de se questionner sur ce qui a pu créer une réaction de rejet aussi forte de ces ententes tentaculaires que l’on n’a presque jamais soumis à de véritables débats démocratiques.
On pourrait même constater que certaines promesses de Trump vont en fait dans le même sens que les accords commerciaux qu’il prétend honnir : dérèglementation généralisée, avec comme cible importante le secteur bancaire, refus de maintenir ou de mettre en place des mesures de protection de l’environnement si ces dernières vont à l’encontre des intérêts financiers et des projets des entreprises.
Dans cette opposition entre le protectionnisme et le libre-échange, plus personne ne défend des valeurs aussi essentielles que le travail décent, le respect des droits de la personne, la justice sociale, la nécessité absolue de protéger l’environnement. Plus personne ne remet en question l’omnipotence des grandes entreprises multinationales. Et le fait de ramener certaines compagnies aux États-Unis ne signifie pas pour Trump de les soumettre à des règlements et d’encourager le syndicalisme, bien au contraire.
Il est donc plus nécessaire que jamais de s’opposer au libre-échange et de bien comprendre les raisons qui nous motivent à agir ainsi. Notre combat n’est pas de vouloir fermer les frontières, mais de les ouvrir autrement. Pour cela, il faut concevoir des accords bien différents de ceux qu’on nous propose, des ententes qui permettraient par exemple d’établir des normes environnementales plus exigeantes, de protéger le travail, de contrôler le trop puissant oligopole des banques, de mettre en place une taxe sur les transactions financières et d’éradiquer la concurrence fiscale entre les États. Les idées ne manquent surtout pas!
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