L’élection de la CAQ n’apportera sûrement pas les changements attendus par une grande partie de la population au Québec. Cette dernière vient d’élire pas moins de 106 députés appartenant à des partis campés à droite et adeptes des politiques néolibérales.
Avec ce choix très clair, les Québécois.e.s continuent de faire preuve d’une étrange ambivalence. On tient à préserver de bons services publics, en santé et en éducation notamment. Mais on vote pour des gouvernements qui préfèrent accumuler les compressions budgétaires et ouvrir les portes à l’entreprise privée, ce qui en réduit l’accessibilité.
L’histoire se répète. Sitôt élu, Jean Charest s’était lancé dans une grande «réingénierie» de l’État, sa réforme de l’administration publique a soulevé une opposition si forte auprès de la population que le projet a été remis en cause. L’élection de Philippe Couillard lui a permis d’appliquer des plans d’austérité dont les effets ont été tellement négatifs et tellement dénoncés que le PLQ a tenté d’assurer sa réélection par des annonces de réinvestissements dans les secteurs victimes de compressions.
Avec sa promesse de «mettre de l’argent dans les poches des Québécois», nous risquons de revivre le même psychodrame une troisième fois en peu de temps. François Legault cherche déjà comment il pourrait bien baisser les revenus de l’État plutôt que de se demander comment renflouer les services publics.
Un bref regard sur son équipe ministérielle n’a pas de quoi nous rassurer. 16 ministres (sur 23) sont entrepreneurs, gens d’affaires ou gestionnaires, ayant parfaitement bien intégré la culture administrative du secteur privé. Ses trois ministres «économiques» sont de purs pratiquants de l’économie de marché. Et le peu d’intérêt de la CAQ pour la transition écologique se trouve confirmé par les promesses d’importants projets d’infrastructures routières et par la nomination d’une personne peu expérimentée à la tête du ministère de l’Environnement.
Le tableau n’est cependant pas aussi noir qu’on pourrait le penser. Après trois années de mesures d’austérité, il semble évident qu’on ne peut plus poursuivre dans la même voie sans prendre de grands risques politiques. Le cuisant échec des libéraux aux élections est dû en grande partie à ces politiques impopulaires. François Legault saura probablement en tirer les conclusions qui s’imposent.
De plus, le nouveau premier ministre ne semble pas aussi idéologue que son prédécesseur. Alors que Philippe Couillard était prêt à tout sacrifier au libre marché et qu’il demeurait un néolibéral parfaitement orthodoxe, François Legault se veut davantage pragmatique, et pourrait plus facilement céder devant le mécontentement de la population. De plus, il faut espérer que son nationalisme l’entraîne à défendre davantage l’économie locale plutôt que de la soumettre aux intérêts des multinationales.
Celles et ceux qui ont suivi l’évolution du site web de la CAQ ont pu constater une certaine transformation dans ses choix politiques. Le parti s’est fortement recentré, une démarche probablement jugée nécessaire pour lui permettre de prendre le pouvoir. On n’y parle plus d’État trop dépensier, d’exploitation tous azimuts des richesses naturelles (pétrole, gaz de schiste, etc.) Par contre, il devient important d’offrir de bons services à la population, de miser entre autres sur une éducation de qualité. Comment y arriver, tout en redonnant de l’argent à la population, comme le prévoit la CAQ? «On verra», dirait François Legault.
Il faudra demeurer particulièrement vigilant.e.s devant ces élus fraîchement convertis qui nous gouvernent. Les bons vieux réflexes provenant de la formation de gestionnaires de plusieurs d’entre eux, dont ils ne pourront aisément se détacher, les rendront réticents à adopter de véritables mesures progressistes.
Pour éviter les dégâts, il faudra sortir à nouveau nos pancartes, descendre dans la rue, manifester, rappeler l’importance de la justice sociale, d’une protection impeccable de l’environnement. Les années CAQ ne seront pas de tout repos. Tenons-nous le pour dit.
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