La croissance des inégalités est – et demeure – un problème criant : un bulletin d’Attac récent (avril 2018) montrait que la restructuration du capitalisme par les politiques néolibérales a généré une augmentation croissante des écarts de revenus dans la majorité des pays occidentaux. La recherche continuelle de l’augmentation des profits par le productivisme et l’extractivisme a mené à une crise écologique sans précédent, génératrice d’inégalités moins visibles mais non moins dramatiques.
Changements climatiques et sécurité alimentaire
Partout sur la planète, ce sont les populations les plus vulnérables qui vivent le plus intensément les conséquences des changements climatiques. Dans certaines régions d’Afrique, l’agriculture traditionnelle est le moyen de subsistance de 80% de la population. C’est cette région qui est une des plus concernées par les changements climatiques avec le moins de moyens d’adaptation par manque de ressources financières et technologiques. Sécheresses, saisons décalées, pluies diluviennes et inondations occasionnent des pertes de récoltes et des reculs de rendement qui affectent l’alimentation des producteurs directement, et l’ensemble de la population par l’augmentation des prix alimentaires. La sécurité alimentaire n’est pas uniquement question de production, mais aussi de répartition et d’accès à la nourriture pour tous. La lutte contre la faim – qui avait connu des succès importants dans la dernière décennie connait de sérieux reculs à mesure que les changements climatiques s’intensifient.
Réfugiés climatiques
Selon une étude publiée par la Banque mondiale, le nombre de personnes déplacées dans le monde suite à des événements climatiques ne cesse d’augmenter. La moyenne annuelle de ces déplacements, 25,3 millions entre 2008 et 2016, ne cesse d’augmenter. Les personnes les plus pauvres et les plus marginalisées sont 5 fois plus susceptibles d’être déplacées et ce phénomène s’accroit d’année en année. Si certaines régions deviennent trop chaudes pour être habitées, d’autres sont englouties par la hausse du niveau des mers provoquant des migrations massives.
L’Arctique est le meilleur exemple pour mettre en évidence l’interaction des phénomènes climatiques et les conséquences dramatiques à l’échelle de la planète. Depuis 2016, le réchauffement y a été parmi les plus importants : par moment de 20 degrés Celsius au-dessus de la moyenne avec pour conséquence la fonte des glaciers et du pergélisol. Si l’augmentation des mers qui en résulte a des conséquences sur les populations locales, elles sont particulièrement dramatiques pour les millions des personnes – partout dans le monde – qui vivent dans des zones côtières situées au niveau de la mer.1
Qu’en est-il au Québec?
La hausse des températures moyennes et les canicules qui se succèdent de façon alarmante ces dernières années, si elles semblent moins dramatiques qu’ailleurs dans le monde, ne sont pas vécues de la même façon par tous. Même à une échelle réduite, les phénomènes climatiques affectent différemment certaines catégories de personnes. Les îlots de chaleur, lieux où la température est significativement plus élevée, affectent davantage les quartiers défavorisés. Moins végétalisés, plus densément habités, avec une qualité de logement moindre – trop chaud l’été et trop froid l’hiver – ils rendent ces catégories plus vulnérables à l’effet des températures élevées.
Justice intergénérationnelle : 2030 c’est demain
La lutte contre les changements climatiques est une lutte pour la protection de l’environnement, mais surtout pour la protection de ceux qui nous suivront.
Les dernières décennies ont été témoin d’une reconnaissance de plus en plus grande de droits: droits des femmes, droits des travailleurs, droits des minorités ethniques ou sexuelles, etc. Une approche récente ouvre une nouvelle perspective sur les droits sociaux. Au centre de la lutte pour les droits humains émerge une notion de droits intergénérationnels sous-tendue par une question «quel monde voulons-nous laisser à nos enfants». Ceux qui nous suivront – qu’ils soient nés ou pas – vivront les conséquences de nos choix. Eux aussi ont aussi des droits.
La prise en compte de ces droits intergénérationnels est relativement récente. C’est à la conférence des Nations unies pour l’environnement à Stockholm en 1972 que se trouvent associés les préoccupations environnementales et les droits des générations futures. Appelé Premier sommet de la Terre, l’environnement y devenait un enjeu majeur à l’échelle internationale. Le premier article de la déclaration finale énonce « … il (l’homme) a un devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures ». Dix ans plus tard, en octobre 1982, l’Assemblée générale des Nations unies proclamait la Charte mondiale de la nature qui réaffirme explicitement la notion de droits des générations futures.2
Ces générations ne peuvent se contenter de petites avancées – la théorie «des petits pas» que rejetait Nicolas Hulot lors de sa démission fracassante en direct à la radio. Ni des belles – mais fausses – paroles de Justin Trudeau : défendre à la fois l’environnement et les sables bitumineux. Ni de la vision politicienne : le développement durable – ou vert – en même temps que l’idéologie de la croissance. Nous ne sommes plus à l’étape de changer nos ampoules ; manger bio et local (pour ceux qui en ont les moyens), se déplacer en vélo, recycler, composter, etc. ne suffira pas. Agir individuellement oui, mais dans un grand sursaut collectif. Nous avons besoin d’un grand mouvement collectif, comme dans les années 60, quand le slogan «Maître chez nous» mobilisait tout le Québec. Les politiciens ne changeront que sous une pression populaire forte et permanente pour les forcer à travailler avec les scientifiques. Mais surtout il faut y croire! Ne jamais baisser les bras. En 1987, alors les trous dans la couche d’ozone menaçaient toute vie sur terre, le Protocole de Montréal, imposait l’interdiction des gaz CFC (gaz chlorofluorocarbures). Renforcé à plusieurs reprises, les scientifiques constatent aujourd’hui que les trous sont en train de se résorber et qu’ils le seront vers 2030. Il n’y a jamais de causes perdues d’avance. 50 000 personnes ont marché samedi le 10 novembre dans plusieurs villes du Québec. Si elles sont 1 million demain, elles seront la clameur qui remplacera le pouvoir des lobbies dans les décisions politiques. Ensemble, citoyens riches ou pauvres, artistes, intellectuels ou militants nous entamons la plus grande bataille de notre histoire. Celle que nous ne pouvons pas perdre parce qu’il n’y a pas de planète B !
Notes
- Voir l’excellent documentaire L’arche d’Anote de Mathieu Ritz sur l’archipel Kiribati, dans le Pacifique, qui sera inexorablement englouti dans l’espace d’une génération. https://rytz.co/portfolio/larche-danote/
- Résolution 37/7 de l’Assemblée générale des Nations unies votée par 111 voix, contre 18 abstentions et une opposition (celle des États-Unis).
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